Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.
Lorsqu'une nouvelle activité artisanale ou commerciale s'installe dans une copropriété, il convient de vérifier qu'elle soit conforme au règlement de l'immeuble qui peut prohiber des substances chimiques, explosives, ou plus généralement tout ce qui peut porter atteinte à la sérénité du voisinage.
Les règlements sont parfois relativement imprécis, et le rôle du tribunal devient essentiel pour en interpréter la portée et les conséquences (I).
Le plaignant peut saisir le tribunal de grande instance d'une demande visant à mettre fin à une activité prohibée, mais la procédure étant fort longue, la saisine du juge des référés peut s'avérer plus efficace en terme de réactivité (II).
I - SUR LA PORTÉE DU RÈGLEMENT IMPRÉCIS INTERPRÉTÉ PAR LE JUGE
En application des art. 8 et 9 de la loi du 10 juill. 1965 sur le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le juge du fond a traditionnellement autorité pour faire cesser une activité non autorisée par le règlement de copropriété :
Chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble.
Monsieur X, propriétaire de deux lots à usage de boutiques dans un immeuble en copropriété, a donné à bail ces locaux à la société Subito Pizza à usage de restauration, pizzeria, vente à emporter, livraison à domicile et terminal de cuisson ; à la suite de plaintes de copropriétaires à raison de nuisances générées par ce commerce, le syndicat des copropriétaires a assigné M. X et la société Subito Pizza en cessation, sous astreinte, de l'activité de cette dernière.
Pour refuser d'ordonner cette cessation, l'arrêt d'appel retient que l'activité de restauration n'est pas exclue par le règlement de copropriété, et que le syndicat des copropriétaires refusant toute mesure adéquate destinée à faire cesser les inconvénients liés à une activité non prohibée par le règlement de copropriété, il y a lieu de recourir à une mesure d'expertise afin d'examiner les inconvénients et nuisances allégués et proposer les solutions techniques de nature à y remédier tout en permettant la poursuite de l'activité.
En statuant ainsi, tout en constatant l'existence de nuisances olfactives liées à l'activité de la société Subito Pizza et alors que le règlement de copropriété excluait formellement les établissements générant ce type de nuisances, la cour d'appel a violé les art. 8 et 9 de la loi du 10 juill. 1965 sur le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Référence :
Cass. Civ. 3e, 13 nov. 2013, N° de pourvoi 12-26.121, cassation partielle, inédit
II - LA SAISINE DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN CAS DE TROUBLE MANIFESTEMENT ILLICITE
Le juge des référés s'estime également compétent pour ordonner la cessation immédiate de l’activité non autorisée :
Le syndicat des copropriétaires est bien-fondé en son action visant à interdire aux locataires du garage appartenant à un copropriétaire de l'utiliser en violation du règlement de copropriété et des règles de sécurité et d'hygiène. Est établie, en l'espèce, une occupation des locaux à des fins professionnelles et comme entrepôt de stockage de produits dangereux.
Si le règlement de copropriété permet d'utiliser les locaux pour des fins autres que le stationnement de véhicule et autorise l'entreposage de matériel, il est démontré que les locataires exercent dans le garage leur activité de réparation qui occasionne pour les voisins des nuisances sonores et olfactives et porte atteinte à la propreté des parties communes et à la sécurité du fait des produits dangereux inflammables et explosifs conservés et du stationnement de leurs véhicules en dehors des emplacements réservés. Ces faits représentent une violation grave, répétée et ancienne du règlement de copropriété, soit un trouble manifestement illicite que le juge des référés a, à bon droit, décidé de faire cesser en ordonnant l'enlèvement des objets nuisibles
Référence : C.A. Grenoble, 30 oct. 2012
En conclusion, les moyens de recours existent pour le syndicat de copropriété contre des activités non autorisées ou dangereuses. Même les copropriétaires peuvent agir seuls, s'ils estiment qu'ils subissent un préjudice personnel notamment pour leurs parties privatives.
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement.