Protection du littoral et bataille des plagistes pour la sauvegarde de leur commerce : un feuilleton sans fin ?


Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.


L'application stricte de la loi littoral et de ses décrets d'application ne cesse de susciter les mois à des plagistes notamment sur la Côte d'Azur. En effet ces derniers depuis de nombreuses années avaient l’habitude d'exploiter des établissements en dur, non démontable, qui aujourd'hui ne sont plus considéré comme conforme à la législation protectrice de l'environnement. Plusieurs plagistes ont récemment reçu en 2016 à Golfe-Juan la notification de contravention de grande voirie maritime. Ils sont en effet considérés comme sans droit ni titre et ils devront détruire leurs installations. La Commune est également responsable de n'avoir pas fait le nécessaire pour mettre en œuvre la législation elle devra payer une amende.


Le contentieux des contraventions de grandes voiries connait de nombreux précédents. En règle générale quand le juge administratif et saisi d'une contestation, il donne raison à la préfecture. Ainsi la cour administrative d'appel de Bordeaux, le 6 décembre 2007, dans une affaire de reconstruction irrégulière sur le domaine public et de travaux de réhabilitation d'un bâtiment en vue d'en faire un restaurant et un centre de loisirs a confirmé la légalité d'une contravention de grande voirie et l’injonction de démolir la clôture et de libérer les espaces occupés sur la plage.


Force est de rappeler le contenu de l'article L 3111–2 du code général de la propriété des personnes publiques lequel dispose que le domaine public maritime et le domaine public fluvial sont inaliénables sous réserve des droits et des concessions régulièrement accordées avant l'édit de Moulins de février 1566 et des ventes légalement consommées de biens nationaux.


Le domaine public maritime naturel est strictement protégé : nul ne peut faire des dépôts ou des extractions ni se livrer à des dégradations. La règle est ancienne puisqu'elle date de l’an X après la révolution française.


Ainsi il a été jugé à plusieurs reprises par le conseil d’État que l’extraction de matériaux, ou de sable, non autorisée, porte atteinte à l’intégrité matérielle du domaine public maritime. Il en va de même en cas de construction non autorisée comme par exemple l’édification d’un mur, d’une clôture, ou d'une construction sur les lais et relais de la mer faisant partie du domaine public.


Suivant cette même interprétation, le dépôt de matériel de plage constitue également une utilisation du domaine public qui doit être autorisée au préalable tout comme l’activité de plagiste.


Un bien public compatible avec un usage commercial…


Certes une utilisation privative du domaine n'est pas interdite si elle respecte certains principes. Mais ces utilisations sont soumises à des conditions restrictives. Il faut que l’usage du bien public soit compatible avec son affectation. Ce qui peut-être le cas des concessions de plage qui s'appliquent à des parties linéaires de rivage de la mer. La concession permet au concessionnaire de percevoir une rémunération payée par les utilisateurs des installations. Ils doivent néanmoins respecter la ligne circulation sur la plage et le libre passage sur un espace de largeur significative le long de la mère pour les promeneurs et les baigneurs (article L. 321–9 du code de l’environnement).


Une occupation précaire mais qui fait l’objet d’une autorisation écrite… et d’une procédure de mise en concurrence.


Pour occuper privativement cette dépendance du domaine affectés à l'usage commun, l'autorisation doit être préalable, expresse est temporaire. L'autorisation a toujours un caractère personnel.

Elle est accordée par l'autorité gestionnaire du domaine. Une occupation privative sans titre d’une dépendance du domaine public est sanctionnée par une contravention de grandes voiries.

L’article R. 2124-13 du Code général de la propriété des personnes publiques prévoit que : « L’Etat peut accorder sur le domaine public maritime des concessions ayant pour objet l’aménagement, l’exploitation et l’entretien de plages. Le concessionnaire est autorisé à occuper une partie de l’espace concédé, pour y installer et exploiter des activités destinées à répondre aux besoins du service public balnéaire. Ces activités doivent avoir un rapport direct avec l’exploitation de la plage et être compatibles avec le maintien de l’usage libre et gratuit des plages, les impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ainsi qu’avec la vocation des espaces terrestres avoisinants. La durée de la concession ne peut excéder douze ans. »

Les AOT (autorisations d’occupation temporaire) ont un caractère précaire et sont prévues par l’article L.2124-5 du Code général de la propriété des personnes publiques lequel dispose :

« Des autorisations d’occupation temporaire du domaine public peuvent être accordées à des personnes publiques ou privées pour l’aménagement, l’organisation et la gestion de zones de mouillages et d’équipement léger lorsque les travaux et équipement réalisés ne sont pas de nature à entraîner l’affectation irréversible du site. »


Des droits réels sous conditions…


La question de la constitution de droits réels sur le domaine public et des collectivités territoriales a été sujette à discussion. Les lois du 5 janvier 1988 et du 25 juillet 1994 ont simplifié le problème. Elles ont institué des exceptions au principe général de l’interdiction de constituer des droits réels sur le domaine public notamment pour les zone portuaires, cela afin de faciliter les financements de gros investissements et une éventuelle cessibilité en cas de retrait de l'occupant

L’article L. 34-1 de la loi de 1994 introduit  dans le Code du domaine de l’État reconnaît au profit du titulaire d’une convention ou d’une autorisation unilatérale d’occupation du domaine public un droit réel «  ur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu’il réalise pour l’exercice d’une activité autorisée par ce titre". 

Il s’agit  toutefois d’un droit spécifique de nature administrative et surtout temporaire contrairement au droit de propriété prévu par le code civil. Il est assorti d’un droit à indemnisation de l’occupant s’il est évincé avant le terme prévu de son titre d’occupation.

Il est limité à des situations bien précises énoncées par le législateur : "les autorisations d'occupation unilatérales que les "conventions de toute nature ayant pour effet d'autoriser l'occupation du domaine public" (art. L. 34-5), il n'englobe que le domaine public de l'État (art. L. 34-1, al. 1er) et le domaine public de ses établissements publics, "tant pour le domaine public de l'État qui leur est confié que pour leur domaine propre" (art. L. 34-8, al. 1er) ».

Il ne s’applique « qu’aux ouvrages, constructions et installations que le permissionnaire ou le concessionnaire réaliserait après renouvellement ou modification de son titre » donc pas aux installations antérieures à la promulgation de cette Loi.

Notons que l’ article L. 34-9 exclut expressément du champ d’application des droits réels les dépendances du domaine public naturel.

Ceci étant acquis, les titulaires d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public de l’État sauf disposition contraire de leur titre, peuvent alors disposer d’un droit réel cessible sur les ouvrages et les installations de caractère immobilier en vertu d’une activité autorisée par ce titre les collectivités territoriales. La cessibilité est néanmoins limitée dans le temps prévu par l’autorisation initiale, et soumise à l’agrément de la puissance publique.

De plus, encore faut-il que l’occupation soit compatible avec l’usage du bien considéré, or la Loi littoral et les textes d’application ne semblent pas postuler pas qu’une installation en « dur » puisse être considérée comme un usage normal d’une plage… En revanche, une installation temporaire et amovible pourrait remplir la condition requise.

© Cabinet de Me Gimalac Avocat à Paris Cannes et Grasse - 2017