Piscine et vices occultes révélés après la vente : que choisir entre le défaut de conformité, les vices cachés ou la garantie décennale ?


La piscine est un accessoire valorisant les maisons situées notamment dans le sud de la France. Cette plus value justifie souvent un prix de vente plus élevé mais parfois l’acheteur après entrée en possession, découvre que la piscine est affectée de nombreuses vices cachés au point de la rendre inutilisable ou impropre à sa destination. Quels sont les recours possibles ?

Il y a lieu d’envisager plusieurs situations suivant que la piscine a été construite directement par le vendeur ou par une entreprise spécialisée et qu’elle est plus ou moins ancienne.


I - LA PREMIERE (MAUVAISE) SURPRISE : LA PISCINE MYSTERIEUSE CONSTRUITE SANS AUTORISATION 


Si la piscine ne fait pas partie de description du bien immobilier acquis dans l’acte authentique ou la promesse de vente, il y a eu de se méfier : cela signifie probablement que le vendeur n’a pas obtenu les autorisations requises auprès de l’urbanisme et que cette piscine n’a aucune existence légale. Dans ce cas, la prescription administrative est de 10 années, au cours desquelles la Mairie peut encore demander des comptes notamment si le propriétaire souhaite obtenir un permis pour faire des modifications. Il peut paraître curieux que le notaire omette de le signaler, et c’est d’ailleurs une faute des part, s’il ne pouvait pas l’ignorer, mais on trouve encore des actes de vente qui font l’impasse et n’indiquent pas la présence de ces piscines non régularisées…


On se référera ici à l’Article L. 480-14 du code de l’urbanisme :

"La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux."


La situation peut devenir ubuesque lorsque le PLU ou le POS interdisent sur cette zone toute construction supplémentaire y compris des piscines enterrées… l’acheteur peut se retrouver dans une impasse judiciaire, ne pouvant pas obtenir un permis de régularisation a posteriori. Dans ce cas, son seul recours sera d’engager une procédure contre le vendeur… s’il n’a pas pris soin de se couvrir contre toute action de ce type dans l’acte de vente.


II - LA SECONDE (MAUVAISE SURPRISE) : MALFAÇONS ET VICES CACHÉS, OU NON CONFORMITÉ À L’USAGE REQUIS


Plusieurs moyens peuvent être invoqués par les acquéreurs malchanceux victimes d’un propriétaire indélicat.


1° La garantie décennale pour les ouvrages importants (constructions)


La garantie décennale peut être mise en oeuvre si le désordre compromet la solidité de l’ouvrage ou le rend impropre à sa destination (l’article 1792-2 du Code civil). 


Les ouvrages immobiliers d’une certaine importance sont l’objet d’une garantie de délivrance et d’une garantie décennale. D’ailleurs la garantie décennale s’impose que le constructeur soit un professionnel ou un particulier. Ce dernier aura souvent omis de prendre une assurance et donc sera personnellement redevable en cas d’action en responsabilité de la part de l’acheteur.


Lors que le désordre rend la chose impropre à sa destination, la garantie décennale est clairement applicable dans la limite d’une durée de 10 ans. Encore faut il que l’ouvrage soit en péril, et qu’il soit un véritable « ouvrage » immobilier. La question s’est donc posée de l’applicabilité de cette garantie à des piscines dont il existe plusieurs types, de la simple dépose, à l’ouvrage avec fondations en béton. 


La jurisprudence a tranché en faveur de l’acheteur malchanceux mais pose ses conditions. Elle reçoit favorablement « une action en réparation de désordres à l’encontre d’un installateur de piscine (dès lors ) que le tassement du remblai à la suite du soulèvement du bassin initialement mal positionné en hauteur et au rajout du remblai mal compacté était à l’origine de désordres et en retenant exactement que la création d’une fosse, la constitution d’une assise de piscine en sous-oeuvre, le dallage de béton en pourtour constituaient bien un ouvrage relevant de la garantie décennale et que l’importance des désordres mettait l’ouvrage en péril. »


Autrement dit, dès lors qu’il existe une assise en sous oeuvre et un dallage de béton, la piscine entre de plein droit dans le cadre de la garantie décennale, ce qui permet à l’acheteur dans le délai légal d’assigner le vendeur/constructeur aux fins de remise en état.


Le point de départ du délai est la date de réception de l’ouvrage (la réception est en effet le point de départ du délai des garanties légales spéciales des constructeurs selon l’art.1792-4-1 du code civil).


A cela il convient d’ajouter que lorsque le maître d’ouvrage exécute lui-même les travaux, il n’en reste pas moins réputé constructeur au sens de l’article 1792-1, 2°, du code civil ce qui l’oblige tout autant qu’un professionnel à l’égard de son acquéreur..


2° Si la garantie décennale ne s’applique pas, il reste parfois possible d’invoquer en revanche la garantie de parfait achèvement mais dans le délai bref d’un an seulement après l’achèvement de la piscine. 


La garantie de parfait achèvement est mise en oeuvre en cas d’un désordre survenu dans l’année suivant la construction de la piscine (l’article 1792-6 du Code civil) 


3° Il est également envisageable d’invoquer la garantie contre les vices cachés dans le délai de deux ans à compter de la découverte des vices affectant la piscine. 


4° Enfin, il reste également la responsabilité contractuelle de droit commun (art. 1147 du code civl devenue 1231-1) qui expire au terme de 5 ans mais qui suppose la preuve d’une faute. Toutefois cette faute peut être facilement démontrée s’il le vendeur s’est affranchi de son obligation d’information et de conseil de l’acheteur par exemple en lui donnant pas la notice sur le fonctionnement et l’entretien de la piscine.


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 




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