Le désenclavement peut-il être obtenu en présence d’un simple accès piétonnier ?

Par Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et docteur en droit.


Une servitude de passage est-elle nécessairement ouverte aux véhicules ou peut-elle être limitée aux seuls piétons ? Et dans ce cas l’accès piétonnier pré- existant rend-il la demande de désenclavement sans objet ?


I - Principe et limites.


Suivant l’article 682 du code civil, « le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner."

Les juges du fond conservent un pouvoir souverain d'appréciation quant à l'état d'enclave (Civ. 3e, 5 mars 1974, n° 72-13.092),

Ainsi, comme l’a confirmé la cour de cassation, un simple souci de commodité et de convenance ne permet pas de caractériser l'insuffisance de l'issue sur la voie publique (Civ. 3e, 24 juin 2008: RDI 2009. 107, obs. Gavin-Millan-Oosterlynck).

S’il existe déjà un passage suffisant, la demande de désenclavement sera vouée à l’échec car un simple souci de commodité ne ne saurait justifier une atteinte au fonds voisin. Même si cet accès est incommode, on ne peut réclamer un autre passage. La seule solution reste amiable, il faut négocier ce nouveau passage avec les propriétaires voisins.


II - Une interprétation extensive de la notion de « passage suffisant » au profit des véhicules et quelque soit la nature du fonds.


Il reste que cette notion de "passage suffisant" est sujette à interprétations.

Elle a évolué dans le temps puisqu’elle suppose également un accès par un véhicule automobile et pas seulement un accès piétonnier.

Ainsi, si vous disposez d’un garage mais d’un accès réduit, vous pouvez considérer que votre fonds est enclavé s’il est impossible d’y accéder en voiture.

Mais il sera souvent nécessaire de le faire constater par un expert judiciaire qui devra le noter clairement dans son rapport.

Si l’état d’enclave relève de la compétence des juges du fond, le contrôle de la cour de cassation subsiste en droit sur la notion d’usage normal du fonds (Civ. 3e, 28 oct. 1974, n° 73-12.270, Dalloz jurisprudence ; 19 mai 1993, n° 91-14.819).

Même si la parcelle n’est pas destinée à être construire dans l’immédiat, la jurisprudence admet ainsi un droit au désenclavement, ne serait-ce que pour l’entretenir et par exemple procéder au débroussaillement obligatoire imposé par les Communes pour éviter les feux de forêt.



Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



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