Achat immobilier entre concubins : les pièges du financement.

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste  - Docteur en droit privé


Lorsque les concubins décident d'acheter un bien immobilier, il n'est pas rare que leur faculté contributive diffère sensiblement de la règle des 50/50. Pour autant, rien n'empêche ces derniers d'apporter une contribution sensiblement différente pour réaliser leur projet.


Il convient cependant d’alerter ces derniers sur les conséquences d'un titre notarié qui ne préciserait pas la contribution de chacun en cas de revente et de séparation des concubins. 


Celui qui a le plus contribué soit en payant plus de la moitié du prix soit en prenant à sa charge les échéances du prêt, risque en effet de se retrouver piégé...


De même, celui qui continue à occuper seul le bien après la séparattion du couple, risque de devoir verser une indemnité à son ex-conjoint.


I - SI L'UN DES CONCUBIN FINANCE SEUL L'ACHAT DU BIEN IMMOBILIER PAR UN PRET


Lorsque le titre précise que les concubins deviennent tous les deux propriétaires, dans l'éventualité où un seul aurait financé la totalité de l'immeuble, par un prêt auprès de la banque, la jurisprudence considère qu'à défaut de volonté clairement exprimée dans l'acte, on doit considérer que l'emprunteur a renoncé à son droit de créance et qu'il a consenti une donation au profit de son concubin.


Autrement dit, le concubin qui a acquitté le prêt immobilier seul, ne peut pas ensuite quelques années après, lors de la séparation, demander le remboursement de la moitié à son conjoint.


Il a été jugé en ce sens par la cour de cassation :


"La cour d'appel a souverainement constaté dans les circonstances de la cause l'intention de l'emprunteur de gratifier sa concubine ; par ailleurs, en privant le concubin de son droit de créance au titre de la part payée pour sa compagne, la cour d'appel n'a nullement porté atteinte au droit de propriété."


Voir Cass. Civ. 1re, 2 avr. 2014, pourvoi n° 13-11.025


II - SI L'UN DES CONCUBINS OCCUPE L'IMMEUBLE APRÈS LA SÉPARATION


Dans ce cas, la solution semble devoir s'inspirer de l'indivision post-conjugale en cas de séparation des époux.


Une indemnité compensatrice doit être reversée à l'autre indivisaire qui n'occupe pas le bien.


L'indemnité sera due même si l'indivisaire n'occupe pas les lieux mais en a la jouissance exclusive (il dispose des clés...).


En effet, suivant l'art. 815-9, alinéa 2, du Code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité. Celle-ci est due même en l'absence d'occupation effective des lieux.


L'indemnité d'occupation est due jusqu'à la restitution des clés.


Cette solution est appliquée avec rigueur par la cour de cassation comme dans l'espèce suivante :


"Pour accueillir cette demande, l'arrêt d'appel retient que M. ne venait que très rarement dans la maison pour en assurer l'entretien, qu'il résidait dans un autre département, qu'il avait remis les clés de l'immeuble indivis à une voisine chargée de faire visiter les lieux à d'éventuels acquéreurs, qu'à compter du 1er janv. 2010 il n'y avait plus de détention exclusive des clés par M. permettant d'induire l'impossibilité pour Mme d'accéder à l'immeuble indivis, que le maintien dans l'indivision était imputable à Mme qui refusait d'occuper l'immeuble indivis, dont elle était attributaire, et s'opposait au partage, que la condamnation prononcée par le juge des référés à l'encontre de M. pour qu'il remette les clés de l'immeuble indivis au notaire liquidateur chargé de faire l'inventaire des meubles le garnissant n'établissait pas que M. disposait de la jouissance privative de l'immeuble indivis.

En statuant ainsi, alors que l'arrêt irrévocable du 12 nov. 2008 mettait à la charge de M. Y une indemnité d'occupation jusqu'à la date de restitution des clés à Mme X, la cour d'appel a violé l'art. 1351 du Code civil, ensemble l'art. 480 du Code de procédure civile.

 Cass. Civ. 1re, 15 janv. 2014, N° de pourvoi : 12-27.426, cassation partielle, inédit"


Mais il n'appartiendra pas au juge de liquider les comptes entre les indivisaires. 

En ce sens, la jurisprudence suivante :


"Il n'appartient pas au juge de liquider les comptes entre les parties. En effet, les calculs s'avéreront inexacts chaque fois que l'actif à partager sera modifié, par l'intervention en cours de partage d'éventuels intérêts ou frais bancaires, et par l'intégration des dépens en frais privilégiés de partage. La compensation dont fait état l'intimé doit s'effectuer, au sein du compte d'indivision, entre le crédit et le débit relatif à chaque indivisaire. Le solde sera réparti entre eux selon leur ratio d'indivision, en l'espèce deux tiers et un tiers, comme indiqué plus haut."


 Cour d'appel de Bordeaux, Ch. civile 6, 4 juin 2013 , Numéro de rôle : 12/04672




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