Sur l’opposabilité relative de la clause de refus de garantir un terrain contaminé même entre professionnels.


Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste en droit de l'environnement et docteur en droit privé.



La Cour de cassation a reconnu depuis 2006 que l’ampleur de la pollution peut constituer un vice caché en ce qu’elle rend l’immeuble impropre à sa destination (Cass. 3e civ., 8 juin 2006, n° 04-19.069, FS-P+B, Sté Total fluides c/ Sté SEM Plaine commune développement (SEM) : Juris-Data n° 2006-034017).


Dès lors, les acquéreurs victimes de professionnels indélicats qui leur ont caché la pollution de leur terrain, ont désormais intérêt à saisir la justice d’une demande de réduction du prix de vente ou encore aux fins de résolution de la vente.


Toutefois,  la cause de non garantie figurant dans l’acte authentique peut parfois les dissuader d’agir en justice, mais cette affaire jugée par la Cour d’appel de RIOM en 2012, nous confirme  qu’une telle clause n’est pas toujours opposable à l’acquéreur :


"Attendu en l'espèce que le vice affectant la chose vendue est constitué par la pollution aux hydrocarbures sur une superficie de 1000 m² environ, concentrés à l'emplacement de deux cuves de stockage ; que celles ci ne constituent pas, du fait de leur présence, le vice caché qui ne réside que dans la pollution avérée et d'ailleurs non contestée du sous sol ; 


Qu’en conséquence, le fait de savoir si la SARL VMONT PROMOTION connaissait ou non l'existence des deux cuves est sans incidence sur sa connaissance du vice caché de pollution, sauf à considérer que l'acquéreur aurait commis une erreur grave en ne se renseignant pas auprès pas du vendeur afin d'obtenir les renseignements nécessaires ; 


Mais attendu qu'il ressort de l'attestation du notaire rédacteur de l'acte, que la SARL VMONT PROMOTION a demandé à la société GARAGE D'AUVERGNE de vider les cuves avant la prise de possession ; que cela démontre que l'acquéreur voulait se prémunir de tout risque de pollution ; que, de plus, il a été inséré à l'acte une clause très précise par laquelle le vendeur déclarait qu'à sa connaissance il n'existait aucune pollution ni aucun désordre ou inconvénients pour la santé ou l'environnement pouvant résulter de l'exercice d'activités antérieures dans l'immeuble alors qu'une autre clause garantissait qu'il n'avait été rejeté aucun hydrocarbure ou aucun dérivé du pétrole ni aucun déchet aux substances toxiques sur le site ; 


Attendu que ces clauses déclaratives du vendeur sont parfaitement valables, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, en application de l'article 1134 du code civil, et indépendamment de l'obligation légale d'information prévue à l'article L 514 20 du code de l environnement, et avaient vocation à s'appliquer quant à l'information qu'elles donnaient à l'acquéreur qui ne souhaitait pas acquérir un terrain avec un risque de pollution ; 


Attendu que la SARL VMONT PROMOTION n'a donc commis aucune faute de négligence, en tant qu'acheteur professionnel, dans les renseignements qu'elle a pris compte tenu de la nature de l'immeuble dont elle faisait l'acquisition et qui avait été utilisé par un garagiste pendant de nombreuses années ; 


Attendu que dans ces conditions la clause d'exclusion de garantie du vendeur professionnel, tenu, en application des dispositions de l'article 1643 du code civil, des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, ne peut être appliquée en l'espèce au profit de la société GARAGE D'AUVERGNE qui ne pouvait en conséquence exclure à l'avance sa garantie pour vice de pollution ; 


Attendu qu’aux termes de l’ article 1645 du code civil, le vendeur professionnel, réputé connaître les vices affectant la chose vendue, est tenu de réparer l’intégralité des dommages soufferts par l’acheteur du fait de ces vices..."


Le vendeur professionnel sera donc particulièrement avisé de faire réaliser un audit du site et d’informer l’acheteur de l’état de pollution du terrain pour éviter ensuite une action en réduction de prix ou résolution de la vente.

Inversement, l'acquéreur a tout intérêt également à procéder à une telle recherche avant d'acheter le terrain ne serait-ce que déjà pour connaître l'étendue de la pollution, et pour ensuite éviter de se voir reprocher de ne pas avoir fait le nécessaire pour être informé de l'état des sols. En effet, la non-réalisation d'un diagnostic environnemental pourrait empêcher un acheteur professionnel d'invoquer la garantie des vices cachés  si une trop grande naïveté de sa part est inexcusable (Cass. 3e civ., 8 juin 2006, n° 04-19.069).


Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 

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