Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.
Les résidents victimes de nuisances agricoles ont-ils un droit de recours devant les juges pour faire cesser les atteintes à leur bien et à leur vie privée même à proximité d’une zone à vocation agricole ?
A priori, une installation agricole qui respecte les normes sanitaires, dispose d’une sorte de droit acquis à poursuivre son exploitation, même si elle entraine nécessairement certaines gènes pour le voisinage direct. On pense notamment aux installation d’élevage intensif (élevage porcin) qui produisent une grosse quantité de lisier, et exhalent parfois des odeurs assez fortes, bien peu agréables. Les voisins baissent souvent les bras et estiment ne pas avoir de recours si la norme sanitaire est respectée. Mais il n’en est rien, il subsiste également un recours civil pour trouble anormal du voisinage qu’il ne faudrait pas négliger et sous estimer.
Ainsi, il a été jugé en 2002, que "des nuisances telles que des odeurs nauséabondes insoutenables, d’une particulière intensité provoquées par un élevage porcins et un épandage de lisier, constituent des troubles anormaux de voisinage, alors même que l’on se trouve dans une zone ayant vocation à l’élevage et que la personne qui en est victime est elle même éleveur" (Cour d’appel de Montpellier, 12 mars 2002, n° 2001/00230).
Ces nuisances constituent des troubles anormaux de voisinage en raison de leur particulière intensité.
Des mesures efficaces peuvent être imposées par le juge.
Ainsi dans cette affaire, l’expert (dont les conclusions ont été reprises par le juge) avait préconisé dans son rapport un retrait pur et simple du plan d’épandage de toutes les terres situées à moins de 500 mètres de la propriété bâtie et non bâtie.
Si en revanche, les nuisances ne sont pas constantes, et correspondent à des périodes d’activité cycliques mais ponctuelles, la jurisprudence donne aux exploitants une certaine marge de liberté et les victimes de ces nuisances sont déboutées. Il a été jugé en ce sans par la cour d’appel de Toulouse, en 2006, que des odeurs, dont la réalité n’est pas contestable mais qui ne sont pas permanentes et fluctuent suivant les périodes de l’exploitation sur une période très limitée à l’occasion des opérations de défumage et d’épandage ne sont pas répréhensibles (Cour d’appel Toulouse Chambre 1, section 1, 12 Juin 2006N° 05/04545).
Pour conclure, même si une installation a été créée en conformité avec la règlementation en vigueur (par exemple celle des installations classées dites ICPE), des injonctions contraignantes peuvent être prises par le juge judiciaire contre le propriétaire ou exploitant si l’on démontre l’existence de troubles persistants, et de forte intensité.
Il reste que cette action judiciaire doit être engagée dans un délai de 5 ans à partir de la connaissance des troubles, sinon elle sera systématiquement rejetée pour cause de prescription…