Les nuisances des éoliennes : quels sont les recours pour les voisins ?



Avec le développement des parcs éoliens sur une grande échelle, un nouveau contentieux a vu le jour opposant les propriétaires privés aux exploitants. Il convient de connaitre les principales règles applicables ainsi que les recours contentieux envisageables.


1°/ Des contraintes d’urbanisme :

L’installation d’un mât de plus de 12 mètres de hauteur est subordonnée à l’obtention d’un permis de construire (art. R. 421-1 et R. 421-2 du Code de l’urbanisme).


L’article R. 421-2 du code de l'urbanisme prévoit que :


« les éoliennes terrestres dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est inférieure à douze mètres sont dispensées de formalités au titre du code de l’urbanisme, à condition toutefois que ces éoliennes soient implantées en dehors d'un secteur sauvegardé et en dehors d'un site classé". 


Pour autant, cette dispense de formalité au titre du code de l’urbanisme ne signifie pas que les éoliennes de moins de 12 mètres ne doivent pas respecter des règles d’urbanisme, au regard des dispositions de l’article L. 421-8 du code de l’urbanisme. 


Par conséquent, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent aussi définir en tant que de besoin des règles opposables à l’implantation des éoliennes de moins de 12 mètres dans leur document d'urbanisme.


Une réponse ministérielle de 2014 apporte des précisions utiles à ce sujet :


"Ces règles sont alors établies après participation du public, dans les conditions prévues par le code de l'urbanisme au titre des différentes procédures d'élaboration ou d'évolution des documents d'urbanisme. Le non-respect des règles ainsi fixées dans les documents d’urbanisme constitue une infraction passible des sanctions pénales prévues à l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme, nonobstant l’absence de soumission des éoliennes de moins de 12 mètres à autorisation d’urbanisme. L’ensemble de ces outils juridiques permet de maîtriser le développement du petit éolien à proportion des enjeux d’urbanisme, sans qu’il apparaisse nécessaire d'alourdir le droit applicable à ce type de projet"  (Réponse du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie publiée dans le JO Sénat du 31/07/2014 - page 1824).


Il est rappelé également l’application du code de la santé publique s’agissant de la lutte contre le bruit :


"S'agissant des nuisances sonores émises par les éoliennes installées par des particuliers, dès que le mât est inférieur à 12 m, la réglementation en vigueur est le code de la santé publique, dans la section lutte contre le bruit (articles R. 1334-30 à R. 1334-37). En particulier, l'article R. 1334-31 s'applique comme pour tout bruit de voisinage émis par un particulier. L'autorité compétente pour constater l'infraction est le maire. Le constat ne nécessite pas de mesurage acoustique. » (Réponse du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie publiée dans le JO Sénat du 31/07/2014 - page 1824).


Par le passé, la juridiction administrative a annulé certains permis délivrés avant la promulgation de la Loi Grenelle II qui a durci les conditions d’implantations et prévu des règles de distance contraignantes (actuellement une distance de 500 m est exigée).

Le Conseil d’Etat avait ainsi jugé que l’administration avait commis une erreur manifeste d’appréciation au regard des impératifs de sécurité publique en autorisant, à 300 mètres d’une ferme habitée et à 500 mètres d’un hameau, l’implantation d’éoliennes d’une hauteur de 120  mètres, avec des pales d’un diamètre de 70  m (CE 27 07 2009, n°  317060  318281).


2°/ Des nuisances sous surveillance :


L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a été saisie d’une demande d’avis au sujet des nuisances des éoliennes, notamment suspectées de générer des infrasons ou des basses fréquences portant atteinte à la santé humaine.

Elle a conclu en mars 2017 que la gêne éventuellement ressentie autour des parcs éoliens ne concernent ni les basses fréquences ni les infrasons mais principalement les bruits audibles. 

Ces conclusions confirment celles d’un précédent rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse), rendu en 2008 à la demande de la Direction générale de prévention des risques (DGPR) et de la Direction générale de la santé (DGS)

Pour cette raison, la distance règlementaire de 500 m entre les éoliennes et les premières habitations n’est pas remise en cause.

Rappelons par ailleurs que la Cour européenne de justice s’est prononcée sur les nuisances sonores générées par les éoliennes et qu’elle a constaté que leur niveau ne dépassait pas les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (CJCE du 26.2.2008, n° 37664/04).


3°/ Des dérogations en matière d’émissions sonores qui peuvent porter préjudice aux riverains


S’agissant de la mesure du bruit, on pensait à tort que les éoliennes étaient complètement soumises au droit commun et au code de la santé publique (supra).

Une réponse ministérielle de 2016 nous détrompe et indique que les éoliennes sont des installations classées pour la protection de l’environnement (IPCE), et qu’elles bénéficient à ce titre de la dérogation fixée par l’arrêté du 26.8.11.

Il est ainsi admis un dépassement de 5 décibels au-delà des limites autorisées par le Code de la santé publique (art. R. 1334-32).

Précisément, elles sont en effet autorisés à porter le bruit global à l’extérieur des habitations à 35 dBA, au lieu de 30dBA, seuil à partir duquel une infraction sonore peut être caractérisée pour « émergence excessive » (Rép. min., n°  19322,  JO  Sénat du 31.3.16, p. 1309). 


4°/ Quels juge saisir, et que peut-on leur demander ?


Pour demander le démantèlement d’un parc,  juge judiciaire et notamment le Tribunal de Grande instance de Montpellier s’était estimé compétent et avait ordonné, le 4 février 2010, le retrait de plusieurs éoliennes à la demande de riverains.

Pour autant était-il compétent pour prendre une telle décision ?

Une décision du Tribunal des conflits, le 12 avril 2010 et un avis rendu Conseil d’Etat le 29 avril 2010 apportent des précisions importantes à la qualification d’ouvrage public. Il confirme que seul le juge administratif est compétent pour statuer sur une demande de déplacement ou de transformation d’un ouvrage public.

Or la Cour administrative d’appel de Nantes avait déjà eu l’occasion de qualifier les éoliennes d’ « ouvrages techniques d’intérêt général » (au regard des dispositions d’un POS) (CAA Nantes, 23 juin 2009, Association cadre de vie et environnement Melgven-Rosporden et autres – Commune de Rosporden, n°08NT0286).

Dès lors, la conséquence logique était que le juge judiciaire se détache de ce contentieux.

La Cour de cassation a finalement suivi ce processus initié en 2010 et confirmé l’incompétence du juge judiciaire pour se prononcer sur les nuisances causées par des éoliennes (Cass. civ. 3ème du 25/01/2017, n°15-25.526).

Autrement dit c’est le tribunal administratif qui est seul compétent pour statuer sur l’autorisation délivrée à l’exploitant ainsi que les conditions de cette exploitation. Eventuellement, le requérant pourra ensuite se retourner devant le juge judiciaire pour la fixation de l’indemnité qu’il sollicitera.

Dès lors que le juge administratif a été saisi d’une demande, que pourra-t-on lui demander ?

La cour administrative d’appel de Douai apporte dans un arrêt rendu en 2014, des précisions utiles dans un litige concernant l’implantation de 6 éoliennes à proximité d’un château, sur appel interjeté contre le jugement rendu par le tribunal administratif de Lille en date du 4 octobre 2012.

Elle relève que dans le projet autorisé par le Préfet, les éoliennes vont être implantées à des distances comprises entre 4 000 et 5 000 mètres du château et elle en conclut que, compte tenu de cette distance importante « qui a pour effet de réduire significativement voire de supprimer les impacts des machines », le château ne peut être regardé comme situé dans leur voisinage. 

Les propriétaires ne justifient pas, « en dépit de l’intérêt historique et de la valeur patrimoniale de leur propriété, et en l’absence de toute circonstance particulière, d’un intérêt suffisamment direct et certain leur donnant qualité à agir contre les permis de construire attaqués ». 

Autrement dit, il faudra démontrer le proximité des installations pour avoir qualité et intérêt pour agir.


5°/ Conditions de fond du trouble anormal du voisinage pour le droit à indemnisation


Pour obtenir une indemnisation de son préjudice, le juge judiciaire a apporté quelques précisions utiles pour le requérant victime.

Son trouble ne doit pas être simplement hypothétique.

Ainsi, dans un arrêt en date du 8 novembre 2016 (CA ANGERS, Chambre civile A, 8 novembre 2016, RG n°15/00804), la Cour d’appel d’ANGERS réfute tout trouble anormal de voisinage lorsque l’édification d’éoliennes est un simple projet éventuel. Elle rappelle que le préjudice doit avoir un caractère certain pour être réparable.

Elle s’est montrée particulièrement sévère dans ce cas d’espèce car le voisin avait tout de même consenti une promesse de bail avec une société en charge de la construction d’un parc éolien :

«Le trouble résultant de l’atteinte visuelle et de l’existence d’un risque sur la santé et l’environnement est, à ce jour, purement hypothétique, puisque tant que l’autorisation d’exploiter n’a pas été accordée de manière définitive, rien ne permet d’affirmer que le projet pourra être conduit jusqu’à son terme.

En ce qui concerne la prétendue perte de valeur du bien des époux D.., il en est de même dès lors que les appelants n’ont pas mis leur immeuble en vente, ni manifesté de manière sérieuse leur intention de le vendre et que s’ils venaient à le faire dans l’avenir, il n’est pas certain que le projet éolien sera toujours en cours et Mme D. se prévalent également de l’incertitude dans laquelle ils se trouvent. Si celle-ci est réelle, elle ne peut être en elle-même qualifiée de « trouble anormal ». En effet, elle est liée aux procédures engagées d’une part par l’administration sur le fondement des textes susvisées et d’autre part, aux recours formés par les riverains du projet, dont les époux D.., et non à la promesse de bail consentie par les intimés

Par suite, il convient de débouter les époux D. de leur demande de dommages et intérêts (…) » (CA ANGERS, Chambre civile A, 8 novembre 2016, RG n°15/00804).


6°/ Des conséquences indirectes sur le contentieux civil de l’achat d’un bien immobilier : recours en annulation de la vente.


La présence éoliennes à proximité d’une propriété a aussi des incidences civiles notamment sur les transferts de propriété.

L’acquéreur d’une maison ignorait que plusieurs éoliennes allaient être construites à environ 1 km de sa propriété. Elles généraient un bruit comparable à celui d’une lessiveuse ou d’un gros ventilateur, audible de l’intérieur de l’habitation. L’acquéreur a allégué que s’il avait eu connaissance de ce projet, déjà décidé lors de la vente, il n’aurait pas acheté le bien.

La cour d’appel de Rennes a effectivement considéré que l’acheteur avait commis une erreur substantielle et que ce vice du consentement justifiait que la vente soit annulée et que le prix lui soit remboursé, même si la mauvaise foi de la vendeuse n’était pas établie (CA de Rennes du 24.3.16, n° 12/00078).

Il sera donc recommandé au vendeur de bien indiquer dans le compromis la présence d’un projet de construction d’éoliennes pour éviter l’annulation ensuite de la vente. Bien évidemment, cela aura pour effet de réduire la valeur de son bien et l’obligera à consentir une remise sur le prix. 





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