Modalités de calcul du préjudice écologique.

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.


Le 6 mars 2020, le Tribunal judiciaire de Marseille a rendu une décision marquante en matière de préjudice écologique, condamnant quatre individus pour des actes de braconnage dans le Parc national des Calanques. Cette affaire illustre l'application concrète des dispositions relatives à la réparation du préjudice écologique introduites dans le Code civil par la loi du 8 août 2016.

Contexte de l'affaire

Entre 2015 et 2017, quatre braconniers ont illégalement pêché dans les eaux protégées du Parc national des Calanques, prélevant environ 4,6 tonnes de poissons322 kg de poulpes et 16 800 douzaines d'oursins. Ces activités illicites ont causé une atteinte significative à l'écosystème marin du parc. 

Procédure judiciaire

En juillet 2018, les prévenus ont été reconnus coupables de diverses infractions, notamment la pêche en zone interdite et la mise sur le marché de produits d'origine animale sans agrément sanitaire. Ils ont été condamnés à des peines de prison avec sursis. Le Parc national des Calanques s'est constitué partie civile, demandant réparation pour le préjudice écologique subi. 

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné solidairement les quatre braconniers à verser au Parc national des Calanques :

  • 350 060 euros pour le préjudice écologique, somme destinée à la réparation de l'environnement impacté.
  • 20 000 euros pour l'atteinte à la mission de protection de l'environnement du parc.
  • 15 000 euros pour l'atteinte à l'image de marque et à la réputation du parc.
  • 8 000 euros au titre des frais de justice.

Évaluation du préjudice écologique

Pour quantifier le préjudice écologique, le tribunal a pris en compte :

  • Les quantités de poissons, poulpes et oursins illégalement prélevés.
  • L'impact sur la biomasse et l'équilibre de l'écosystème, en se basant sur des études scientifiques relatives à la chaîne trophique.
  • Les coûts nécessaires pour restaurer l'écosystème à son état initial.

Réparation en nature vs. réparation pécuniaire

Le tribunal a estimé que la réparation en nature était inappropriée, car une intervention humaine risquerait de perturber davantage les processus biologiques naturels du parc. Il a donc opté pour une réparation pécuniaire, affectée spécifiquement à des actions de restauration écologique. 

Portée de la décision

Cette décision est emblématique car elle applique les principes de réparation du préjudice écologique tels que définis par les articles 1246 et suivants du Code civil. Elle souligne l'importance de la responsabilité environnementale et la nécessité de compenser les dommages causés aux écosystèmes, même en l'absence de personnalité juridique de la nature en France.

Conclusion

Le jugement du 6 mars 2020 par le Tribunal judiciaire de Marseille constitue une avancée significative dans la reconnaissance et la réparation du préjudice écologique en France. Il sert de référence pour la mise en œuvre effective du principe du pollueur-payeur et la protection juridique de l'environnement.


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