Quid si les plans de la servitude titrée se contredisent sur son tracé ?

Par Me Laurent Gimalac, Docteur en droit, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.


Hormis quelques rares exceptions, la servitude de passage est créée sur titre c'est-à-dire dans l'acte authentique notarié. Il suffit donc de se reporter au paragraphe relatif aux servitudes, pour savoir si votre fonds est grevé d'un droit de passage.  En effet, aux termes du premier alinéa de l'article 691 du code civil, "les servitudes non apparentes et les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres".

Normalement, il doit y avoir la désignation du fonds servant et du fonds dominant. Les références doivent être précise et notamment indiquer le numéro de référence cadastrale de chacune des parcelles pour éviter toute discussion ultérieure. Il est également recommandé de joindre en annexe de l'acte notarié, le plan avec le tracé de la servitude.

Malheureusement il arrive quelques fois que la situation ne soit pas aussi claire. Et nécessite l'intervention du tribunal pour l'interprétation de la commune volonté des parties.

Selon le code civil, "On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. » (art.1188 nouveau du code civil).

Et le code civl de préciser : "Toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier. Lorsque, dans l'intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s'interprètent en fonction de celle-ci ». Il complète "Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l'emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun » (art. 1191 cc).

C'est en suivant ses recommandations, que le Juge est supposé interpréter une clause de servitude qui lui est soumise.

Quand la clause fait référence à une plan de division et que ce dernier n’est pas conforme au plan annexé à l’acte, le tribunal doit donner son interprétation est dégager le solution qui lui paraît la plus cohérente.

Ainsi dans une affaire jugée par la Cour d’appel de Lyon celle-ci constate :

"Il y a donc une contradiction dans l'acte du 21 mai 2002 instituant la servitude de passage litigieuse, sur l'assiette même de cette servitude, entre le plan de division auquel il se réfère et la mention littérale figurant en teinte jaune ».

Les magistrats procèdent donc à une analyse détaillée.

Ils relèvent : "Le plan annexé à cet acte de vente du 21 mai 2002 ne comporte que les signatures de M. et Mme G…, pas celles de M. et Mme C…. »

Puis ils s'en remettent à la logique, "Comme le fait observer l'expert, il est illogique que l'emprise de la servitude teintée en jaune ne tienne pas compte de la position et de la largueur du portail d'accès à l'atelier de mécanique ».

Il s’en déduit : "Au regard de ces éléments, la cour considère que le plan de division du cabinet E… et Moussard fixe les limites de la servitude qu'il trace en rouge avec des mesures précises des cinq côtés, et qu'il convient de s'en tenir à ce plan dans la mesure où il n'est absolument pas démontré la volonté des parties à l'acte du 21 mai 2002 d'y déroger » (Cour d'appel de Lyon, 1ère Chambre civile B, Arrêt du 14 décembre 2021, Répertoire général nº 19/07280).

On le voit, les situations suisses aux juges révèlent des contradictions évidentes entre les différentes plans annexés aux titres mais les juges peuvent parfois à l’aide d’un expert judiciaire y trouver remède.


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement et droit communautaire.

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