Le pacte de tontine : l’annulation est possible pour défaut d’aléa.

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste  - Docteur en droit privé



Le pacte tontinier constitue un carcan juridique dont il est difficile de s’affranchir sans l’accord de son partenaire.

Toutefois, la voie de l’annulation judiciaire n’est pas exclue si l’une des conditions essentielles n’est pas remplie. 

Il pourra être opportun pour le concubin, son ayant droit ou héritier d’engager une telle action pour préserver ses droits.

Mais quelles seront ses chances de succès ?

Tout dépendra en réalité du contexte et des raisons pour lesquelles le pacte tontinier a été signé.

Ainsi la Cour d’appel de Lyon a reconnu le bien fondé d’une demande d’annulation formée par le concubin ainsi que la liquidation partage du patrimoine commun, sur le fondement de l’article 815 du code civil. Elle se fonde sur la nature du pacte, qui est un contrat aléatoire à titre onéreux qui échappe à l’interdiction sur les pactes sur succession future et à la qualification de libéralité.

Si l’aléa n’existe pas, la condition première du pacte n’existe pas non plus et celui-ci peut donc être annulé à la demande de l’une des parties.


I - L’ALÉA CARACTÉRISÉ PAR L’ABSENCE D’UN TROP GRAND ÉCART D’ÂGE 

En l’espèce, l’aléa est d’abord constitué par le risque de pré-décès de l’une ou l’autre partie. Ainsi pour que le pacte soit équitable, il faut que ce risque soit raisonnablement réparti entre les deux concubins.

Tel n’est pas le cas, si l’un des concubins est nettement plus jeune, l’aléa n’existe plus (par exemple un écart d’âge de 18 ans et plus comme rappelé par la Cour d’appel de Lyon, CA Lyon, chambre 2, 9 février 2016, n° 13/03208).


II - L’ALÉA SPÉCULATIF

Il ne peut y avoir de réel aléa si l’une des deux parties a financé l’investissement en totalité. L’autre partenaire ne risque donc aucune perte puisqu’il n’a pas engagé ses propres fonds. Il faudra donc prévoir une clause d’investissement équilibrée ou à défaut un investissement des deux parties même s’il n’est pas totalement équitable.

A défaut le pacte pourra être ensuite annulé et/ ou requalifié en donation déguisée.

Concrètement, un pacte de tontine entre un homme de 55 ans et une femme de 40 ans ne sera pas rédigé sur la base d'un apport par chacun de 50 % de la valeur de l'investissement soumis à tontine, mais, sur la base de leur espérance de vie respective. Ce qui implique donc que Madame finance donc davantage le bien que Monsieur dans cet exemple précis.


III - LA RÉSERVE DE LA FRAUDE

Le pacte de tontinne ne saurait être signé dans le seul but de frauder et de priver par exemple les créanciers de leurs droits légitimes :

« si la clause d'accroissement invoquée est en principe licite dans les rapports existant entre les associés, elle ne peut avoir pour effet de permettre une fraude aux droits des créanciers de l'un d'entre eux » (Voir par ex. CA Paris, 10 sept. 1993).


CONCLUSION : UNE NULLITÉ A MANIER AVEC PRECAUTION


Il est donc possible de sortir d’un pacte de tontine à la condition toutefois de démontrer que ses conditions de validité n’ont pas été respectées. Mais faute d’accord entre les parties, il sera nécessaire de passer par une procédure devant le tribunal judiciaire. Par ailleurs, la sanction ne sera pas toujours l’Eldorado espéré par le demandeur à l’action en nullité, le tribunal pouvant parfaitement déqualifier le pacte de tontine en donation déguisée, laquelle n’est pas illégale… Dans ce cas, il faudra avoir recours aux dispositions spécifiques sur les révocations de donations entre époux dans le cadre du mariage, lesquelles ne s’appliquent pas en revanche aux personnes non mariées...


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit privé,

Avocat spécialiste.




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