Parcelle située en zone inondable et contraintes légales imposées aux propriétaires.

Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement. 


L’article L. 562-8 du code de l’environnement dispose que :


"Dans les parties submersibles des vallées et dans les autres zones inondables, les plans de prévention des risques naturels prévisibles définissent, en tant que de besoin, les interdictions et les prescriptions techniques à respecter afin d'assurer le libre écoulement des eaux et la conservation, la restauration ou l'extension des champs d’inondation".


D’autres documents peuvent être assimilés à un PPR, tels que les PER (plans d’exposition aux risques naturels) ou les PSS (plans de surfaces submersibles,  CE, 1er juill. 1998, n° 184892, M. Follet, Rec. CE 1998, tables, p. 916).


Une cartographie doit être établie aux fins de définir les zones concernées par ce classement qui est lourd de conséquences pour les propriétaires des parcelles concernées. Toutefois, ce document n’a pas de valeur règlementaire (Rép. min. à Masson n° 17033, JO Sénat Q. 21 juill. 2005, p. 1972 :  l'atlas des zones inondables ne constitue toutefois qu'un simple document de référence informatif sans valeur réglementaire).


L’information des propriétaires passe notamment par les certificats d’urbanisme. L'existence d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles figure obligatoirement dans le certificat d'urbanisme prévu par l'article L. 410-1 du code de l’urbanisme. La Commune  engagerait sa responsabilité en cas de délivrance d'un certificat d'urbanisme positif ne mentionnant pas le risque d'inondation d'un terrain sur lequel a été délivré un permis de construire une maison d'habitation de plain-pied, sans prescription, y compris lorsque la maison n’a pas été inondée lors d’une précédente tempête ( (CA Bordeaux, 2 juin 2005, n° 01BX02490, Commune de Soulac-sur-Mer)


La conséquence d’un classement en zone inondable peut-être l’inconstructibilité. Il a été jugé qu'aucune erreur manifeste ne peut être retenue à l'encontre d'un arrêté classant en zone rouge inconstructible des terrains soumis à un risque d'aléa fort en matière d'inondations (TA Nice, 27 juin 2000, n° 99356, Mme Carbone, Dr. env. avr. 2001, n° 87, p. 68 ; voir aussi N. Calderaro, Le juge administratif et les risques naturels, RFD adm. 2001, p. 899).


Les propriétaires exposés à un important risque d’inondation (crures torrentielles), peuvent aussi faire l’objet d’une expropriation. Outre l’Etat, les collectivités locales sont également habilitées à déclarer d’utilité publique l’expropriation ( (C. env., art. L. 561-1, complété par L. n° 2003-699, 30 juill. 2003, art. 60, 1°, JO 31 juill. et L. n° 2010-788, 12 juill. 2010, art. 222, I, JO 13 juill.). Il devra s’agit un rique caractérisé, à savoir d'un risque de crues torrentielles menaçant gravement des vies humaines. En corrolaire, le propriétaire doit recevoir une indemnité d’expropriation mais celle-ci devra être réduite en cas de versement d’une indemnité par l’assureur de l’exproprié. Il est prévu une procédure l’extrême urgence dans les cas les plus critiques. Les communes qui recevront ces terrains dans leur patrimoine ne pourront pas les utiliser ensuite à des fins d’habitation (Rép. min. à Morel-A-L'huissier no 87668, JOAN Q. 7 juill. 2006, p. 7070).


Si les PPR constituent des outils importants pour définir la politique d’urbanisation sur une Commune, les PLU les complètent en indiquant précisément les zones inconstructibles et les différents niveaux d’exigences. Les tribunaux exercent sur eux un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation : ainsi, il a été jugé que n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation la décision de classer en zone NDR, zone inondable à risque, la partie d'un terrain située en bordure d'un cours d'eau et soumise, de ce fait, à une forte érosion, alors même que des travaux d'entretien et des mesures de précaution étaient de nature à réduire ces risques (CE, 17 mars 1997, n° 167665, Commune de Pierrelongues). Une Commune qui ne tiendrait pas compte du risque inondation pourrait engager sa responsabilité : tel est le cas pour une commune qui classe un terrain inondable en zone constructible, nonobstant le fait que la victime a contribué à son dommage en ne tenant pas compte de la mention, sur le certificat d'urbanisme, d'une possibilité d'inondations sur le bassin en cause (CAA Lyon, 11 juin 2002, n° 97LY01255, Commune de Buis-les Baronnies, J.-Cl. Environnement, oct. 2003, n° 23, p. 13).


Il est possible d’invoquer des erreurs dans le PPR, pour s’affranchir les contraintes dans le POS/PLU : il a été jugé que si un PPR comporte des données matériellement inexactes quant à la probabilité du risque d'inondation, le POS/PLU est tenu de s'écarter de ce zonage interdisant ou limitant les constructions, sous peine d'annulation (CAA Lyon, 13 oct. 2005, n° 04LY00136, Cne de Reyssouze).


Un recours serait aussi possible contre le vendeur de la parcelle si ce dernier avait cédé le terrain sans aviser le nouveau propriétaire du risque de classement en zone inconstructible. En effet, l’acheteur est protégé légalement contre les vices cachés. Toutefois, la cour de cassation se montre inflexible si le risque n’était pas certain au moment de la vente (par exemple, lorsque le classement en zone inondable est postérieur à la signature de l’acte authentique (Cass. 3e civ., 13 nov. 2014, nº 13-24.027, P+B+R). L’invocation d’une erreur sur un élément essentiel du contrat n’est possible que si elle est concomitante à la formation du contrat, ce qui n’est pas le cas si les acheteurs "avaient pris connaissance de l’enquête publique dans le cadre de la révision du plan des risques naturels  et s’ils avaient accepté d’acquérir en toute connaissance de cause un terrain partiellement inondable, donc partiellement inconstructible".


Les recours sont donc envisageables en cas de classement en zone inondable mais les conditions sont strictes et doivent être discutées avec votre avocat.



Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement (Paris et Côte d’azur).


© Cabinet de Me Gimalac Avocat - Paris, Lyon, Cannes, Grasse - IDF et French Riviera  - 2022