Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.
Dans les rapports entre voisins, des règles précises régissent les distances des plantations : le code civil prévoit ainsi 2 m de distance par exemple pour un arbre de plus de 2 m de hauteur à défaut de règlements locaux ou de cahier des charges édictant des règles plus sévères.
Mais ces règles sont-elles également imposées dans le cadre d'une copropriété ?
Il n’existe pas de contrainte légale et l’arbre peut donc être planté à proximité d’un lot privatif sur une partie commune.
Pour autant, celui-ci peut provoquer des nuisances, comme la perte d’ensoleillement du lot privatif, ou encore la disparition d’une vue panoramique sur la mer ou la montagne… et l’action pour troubles anormaux du voisinage est donc envisageable.
Il faut alors envisager une réaction rapide afin que la situation ne vienne pas diminuer la valeur du bien de manière définitive.
I - L’ACTION AMIABLE DANS LE CADRE DE LA COPROPRIÉTÉ
Avant tout chose, le copropriétaire peut soumettre son différend au syndicat représenté par le syndic de copropriété pour lui demander de déplacer les plantations. L’idéal est d’agir au stade du projet, car ensuite le déplacement des plantations va coûter de l’argent à la copropriété et elle ne sera donc plus enclin à donner suite à cette demande.
Il sera avisé de présenter une résolution à la prochaine assemblée générale pour demander un vote sur la question des plantations lui faisant grief, proposant éventuellement une alternative sérieuse, ou la prise en charge des frais à son compte.
Si malgré cela, le syndicat et l’assemblée générale ne veulent rien entendre et refusent de déplacer les plantations, il reste la possibilité de saisir justice pour obtenir satisfaction.
II - L’ACTION CONTENTIEUSE
La plantation d’une haie ou d’un seul arbre devant les fenêtres d’un appartement appartient au même ensemble immobilier n’est pas en soi interdite, car les distances prévues par le code civil ne sont pas applicables à l’intérieur d’une copropriété. Mais en revanche, si la gène occasion excède ce qui est normalement admissible, il est possible de faire appel à la théorie des troubles anormaux du voisinage.
Tel serait le cas par exemple de l’assombrissement d’un appartement situé au rez-de-chaussée, par le développement d’arbres plantés dans le jardin attenant.
Ou encore des effets secondaires d’une plantation, comme par exemple, la cette permanente de pommes de pins, ou encore d’aiguilles sur un véhicule en stationnement ou dans des gouttières.
(Pour des poussières de ricin, voir par exemple, Cass. 2eme civ. 22 octobre 1964. Voir également CA Paris 23 octobre 1997, Juris-data n° 023016 concernant le dépassement des branches qui rendait le fonds voisin glissant par la chute de fruits et de feuilles).
Cependant, seule la preuve d’un trouble anormal permettra au copropriétaire d’obtenir satisfaction.
Dans une affaire jugée le 30 mars 2017, la cour d’appel de Lyon en donne une illustration singulière pour des chutes de résine sur le capot d’un véhicule d’un copropriétaire, provenant de grands pins. Le copropriétaire avait estimé que la faute en revenait au mauvais entretien des pins, et à un élagage insuffisant.
Il avait tenté d’engager la responsabilité du syndicat considérant que cet entretien lui incombait. En effet, l’article 14 alinéa 4 de la loi sur la copropriété pose le principe de la responsabilité du syndicat des copropriétaires pour les dommages causes aux copropriétaires ou aux tiers par le défaut d’entretien des parties communes.
La Cour d’appel de Lyon a fait un état des lieux et a constaté que la résidence était précisément caractérisée par un grand nombre d’arbres dès sa création, et que cela en faisait tout l’agrément et la caractéristique :
"Il ressort des explications des parties et des pièces versées aux débats que la résidence a été édifiée et ses parkings aménagés dans un parc arboré d'essences diverses, notamment des pins tels que celui à l'origine du litige.
Le choix d’implanter certaines places de parking sous les frondaisons d’arbres, par nature générateurs de nuisances (chutes de feuilles, aiguilles et pollens, fientes d'oiseaux, coulées de sève...) est donc préexistant à l'acquisition des lots, en particulier celui de Mme B.."
La Cour d’appel déboute donc le malheureux copropriétaire qui devra donc se contenter de protéger son véhicule avec une bâche…
Pour autant, elle ne ferme pas le voie d’une éventuelle responsabilité en réservant le cas spécifique pour les branches mortes ou susceptibles de présenter un danger de chute. Ou enfin pour les branches qui ne surplombaient pas les places de parking mais qui se sont ensuite étendues faute d’élagage suffisant…
On rapprochera cette décision de celle rendue par la cour d’appel d’Aix-en-Provence en 2008, qui au contraire condamnait le voisin d’un même lotissement : « la circonstance selon laquelle les constructions ont été réalisées dans une région ventée où les pins sont majoritaires ne suffit pas à considérer que les dégâts causés par les chutes d’aiguilles, les projections de résine et la prolifération des chenilles parasitaires constitueraient des troubles normaux de voisinage alors que Madame E. fait valoir que sa voiture est abîmée, qu’elle ne peut pas étendre son linge dehors, et que son carrelage extérieur est détérioré." (CA Aix-en-Provence – 25 mars 2008 – n° 06/17110).
Tout est donc affaire de circonstances et de configuration du site avant l’arrivée des propriétaires et le copropriétaire devra donc veiller à constituer un dossier avec des preuves suffisantes (constat d’huissier etc.)
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement.