Analyse juridique des décisions judiciaires concernant la protection des arbres dans le cadre du projet LGV Toulouse-Bordeaux

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste en droit de l'environnement. 


Le projet de ligne à grande vitesse (LGV) entre Toulouse et Bordeaux suscite une forte opposition, principalement en raison des impacts environnementaux et des abattages d'arbres nécessaires pour les travaux. Face à cette opposition, plusieurs recours ont été déposés par des associations comme Les Amis de la Terre et le Groupe National de Sauvegarde des Arbres (GNSA). Ces associations invoquent notamment la protection des alignements d’arbres et la conformité environnementale. Le tribunal administratif de Toulouse a rendu des décisions clés en septembre et novembre 2024, rejetant les demandes de suspension des travaux. Ces décisions éclairent les enjeux juridiques entourant le projet et la considération des règles environnementales par le juge.

Protection des alignements d’arbres et cadre juridique

Les alignements d’arbres bénéficient en France d’une protection particulière. L’article L. 350-3 du Code de l’environnement consacre la préservation des allées et alignements d’arbres en tant que patrimoine naturel et culturel. Cette disposition interdit leur abattage ou leur altération, sauf en cas de dérogation spécifique accordée par l’autorité administrative pour des projets d’intérêt public. Dans ce contexte, les autorités doivent fournir des mesures compensatoires, notamment en matière de plantation, et veiller à ce que les travaux soient justifiés et encadrés par des garanties appropriées.

Décision du 18 septembre 2024 : rejet du premier recours en référé

Le tribunal administratif de Toulouse a rendu une première ordonnance de référé le 18 septembre 2024, refusant de suspendre l'arrêté préfectoral autorisant les travaux d’aménagement ferroviaire au nord de Toulouse (AFNT). Ce recours avait été introduit par Les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, qui contestait la validité de l’autorisation environnementale accordée pour le projet, notamment en invoquant des insuffisances dans l’étude d'impact et des manquements dans les consultations obligatoires.

Dans cette décision, le tribunal a fondé son rejet sur plusieurs points :

  1. Conformité de l’étude d’impact : Le tribunal a estimé que l’étude d'impact réalisée pour le projet respectait les exigences réglementaires, fournissant une analyse suffisante des effets sur l’environnement.
  2. Respect des consultations : Les avis requis des autorités compétentes, notamment de l’autorité environnementale et du Conseil national de la protection de la nature, avaient été sollicités et intégrés, assurant le respect des procédures légales.

En l’absence de doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté préfectoral, le tribunal a permis la poursuite des travaux.

Décision du 8 novembre 2024 : confirmation de la légalité des abattages

Les opposants ont de nouveau saisi le tribunal le 8 novembre 2024, demandant en référé la suspension des abattages d’arbres prévus. Leur argument principal reposait sur la protection des alignements d’arbres au titre de l’article L. 350-3 du Code de l’environnement.

Dans sa motivation, le tribunal a précisé que :

  1. Caractère des arbres en question : Le tribunal a jugé que les arbres concernés ne constituaient pas un alignement au sens strict de l’article L. 350-3, mais étaient davantage des plantations isolées ou des bosquets. Ces arbres ne bénéficient donc pas de la protection renforcée réservée aux alignements.
  2. Dérogations légales : Même en supposant que certains arbres puissent être considérés comme un alignement, les dérogations prévues avaient été correctement appliquées, et des mesures compensatoires adaptées avaient été intégrées au projet.

En l'absence d’éléments suffisamment probants pour démontrer une atteinte illégale aux alignements d’arbres, le tribunal a autorisé la continuation des abattages nécessaires au projet.

Analyse des décisions et implications pour les projets d’infrastructure

Ces décisions montrent l’application stricte des principes de légalité et de proportionnalité par le tribunal administratif. Les juges ont veillé à ce que le projet respecte les obligations de protection environnementale tout en considérant les nécessités du développement ferroviaire.

En outre, ces décisions mettent en évidence l’importance de plusieurs éléments pour la validité d'un tel projet :

  • Études d'impact exhaustives : La réalisation d’analyses approfondies des impacts environnementaux, avec des mesures d'atténuation et de compensation claires, est indispensable pour éviter les contentieux.
  • Consultations obligatoires : La sollicitation et la prise en compte des avis des autorités environnementales et d'organismes consultatifs sont essentielles pour garantir le respect des procédures et éviter les recours.
  • Dérogations avec mesures compensatoires : L’application des dérogations aux règles de protection doit être rigoureuse et accompagnée de compensations adaptées, comme des replantations, pour garantir un équilibre entre développement et préservation.

Conclusion : une validation légale du projet

Ces décisions du tribunal administratif de Toulouse confirment la légalité du projet LGV Toulouse-Bordeaux, dans le respect des procédures environnementales et de la protection des arbres. Les juges ont su concilier les impératifs de développement et les exigences de préservation des alignements d’arbres, permettant la poursuite du projet tout en respectant les règles de protection environnementale. Pour les porteurs de projets d'infrastructure, ces décisions soulignent la nécessité d'un cadre rigoureux, respectant les études d’impact, les consultations et les compensations, afin de minimiser les risques juridiques et de garantir un développement respectueux de l’environnement.


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



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