La clause de garantie de passif face à la responsabilité délictuelle en cas de cession de site pollué. 

Par Laurent Gimalac, Ancien Professeur à l’ISEM (ESMOD Paris) et à SUP DE LUXE (Groupe EDC, Paris) et Avocat 


Introduction

La clause de garantie de passif est souvent insérée dans les actes de cession d'entreprise ou de biens immobiliers pour protéger l'acquéreur contre les passifs futurs non divulgués au moment de la transaction. Cependant, lorsque la responsabilité délictuelle est en jeu, notamment en cas de cession de site pollué, la question de l'opposabilité de cette clause se pose avec acuité.

Nature de la clause de garantie de passif

La clause de garantie de passif est une disposition contractuelle par laquelle le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire pour certains passifs ou charges futures non révélés lors de la cession. Cette clause vise à protéger l'acquéreur contre des dettes ou des obligations qui apparaîtraient après la transaction, mais qui trouvent leur origine avant la cession.

Opposabilité de la clause de garantie de passif en cas de responsabilité délictuelle

La responsabilité délictuelle, en particulier en matière de pollution, découle d'obligations légales et réglementaires qui dépassent le cadre contractuel. Voici comment cette interaction est généralement analysée :

  1. Obligations légales et ordre public :
    • Les articles 1382 et 1383 du Code civil (devenus 1240 et 1241) sont d'ordre public. Leur application ne peut être écartée par une convention entre les parties, y compris une clause de garantie de passif. Ainsi, une clause de garantie de passif ne peut pas exonérer le cédant de ses obligations légales de remise en état du site pollué​.
    • La jurisprudence confirme que l'obligation administrative de remise en état constitue une obligation extracontractuelle dont la non-exécution engage la responsabilité délictuelle indépendamment des stipulations contractuelles.

2. Jurisprudence applicable :

  • Arrêt Hydro Agri France (Civ. 3e, 16 mars 2005, n° 03-17.875) : Cet arrêt a établi que le manquement à l'obligation de remise en état constitue une faute délictuelle, « nonobstant tout rapport de droit privé » ou « nonobstant les stipulations contractuelles exonérant [le cédant] de sa responsabilité à l'égard du cessionnaire »​
  • Arrêt du 16 janvier 2013 (Civ. 3e, 16 janv. 2013, n° 11-27.101) : Cet arrêt réaffirme que la responsabilité délictuelle ne peut être exclue par des stipulations contractuelles, y compris par une clause de garantie de passif.

3. Conséquences pratiques :

  • Non-opposabilité de la clause : En matière de pollution, la clause de garantie de passif ne peut pas être opposée pour exclure ou limiter la responsabilité délictuelle du cédant. Le cédant reste responsable des obligations de remise en état prévues par la législation, et cette responsabilité est indépendante des accords contractuels.
  • Protection de l'acquéreur : L'acquéreur conserve la possibilité d'engager la responsabilité délictuelle du cédant pour les préjudices subis en raison de la pollution, même si une clause de garantie de passif est présente dans l'acte de cession.

Conclusion

La clause de garantie de passif, bien que fréquente dans les transactions commerciales et immobilières, ne peut être opposée pour exclure la responsabilité délictuelle du cédant en matière de pollution de sites. La responsabilité délictuelle, fondée sur des obligations légales et d'ordre public, prime sur les stipulations contractuelles, garantissant ainsi la protection de l'environnement et des intérêts des parties concernées. Cette interprétation est solidement appuyée par la jurisprudence, qui confirme que les obligations extracontractuelles liées à la remise en état des sites pollués ne peuvent être écartées par une clause contractuelle.

Me Laurent Gimalac, Docteur en droit, ancien chargé de cours à l’Université,

Avocat spécialiste.


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