Par Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et docteur en droit.
C'est l’étonnante leçon, digne d'une fable de La Fontaine, qui résulte de la lecture attentive d’une décision rendue par la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Le préfet des Pyrénées-Atlantiques avait accordé un permis de construire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier situé à Anglet. Quelques voisins du projet avaient déposé une requête en annulation auprès du tribunal administratif de Pau. L’affaire avait été portée en appel, ce qui donna l’occasion à la CAA de rendre une décision pour le moins surprenante.
La Cour statue au visa de l'article R. 111-14-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur lequel dispose que le permis de construire est délivré dans le respect des préoccupations d'environnement définies à l'article 1er de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.
Il peut n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions, sont de nature à avoir des conséquences dommageables pour l’environnement.
En l’espèce la CAA de Bordeaux constate qu'il ressort des pièces du dossier "que le terrain d'assiette du projet est situé dans un secteur où existent des crapauds accoucheurs, grâce notamment au ruisseau de Florence, dont un bras traverse le terrain d'assiette, et au fossé à ciel ouvert de la rue de Chaloche, où ont été observés des têtards ».
Or il se trouve que cette espèce protégée ne peut survivre "que dans les milieux qui ne sont pas trop imperméabilisés et cloisonnés afin d'accéder à son site de ponte constitué par les ruisseaux et les fossés ».
Le projet immobilier nécessitait « la réalisation d'un busage du ruisseau de Florence sur toute la longueur de cette parcelle ».
La CAA de Bordeaux en déduit que "l'arrêté contesté est susceptible d'avoir des conséquences dommageables sur l'environnement en ce qu'elle affecte la survie des crapauds accoucheurs, alors que cet arrêté n'est assorti d'aucune prescription relative à des mesures de sauvegarde de cette espèce … »
Elle se montre inflexible en rappelant que "les mesures préconisées par l'administration postérieurement à l'arrêté attaqué, relatives aux travaux de busage du ruisseau de Florence et l'engagement pris, lui aussi postérieurement à l'arrêté attaqué, de conserver en le maintenant à ciel ouvert le fossé de la rue de Chaloche, rue dont l'élargissement était prévu pour la desserte du projet, ne sont pas de nature à pallier l'absence de toute prescription spéciale dans cet acte… ».
Et elle confirme la solution déjà donnée par le tribunal administratif : « c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé que le préfet avait commis une erreur manifeste au regard des dispositions de l'article R. 111-14-2 du code de l'urbanisme lorsqu'il a délivré le permis de construire en litige ».
Moralité, il faut toujours se méfier d'un crapaud qui peut accoucher d’une couleuvre difficile à avaler dans le cadre du contentieux de l’urbanisme !
Référence : Cour administrative d'appel de Bordeaux - 5ème chambre (formation à 3) - 2 novembre 2009 - n° 09BX00040
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit privé,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement