Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement.
Introduction
La gestion des déchets issus de l'industrie extractive, notamment ceux provenant des carrières, est un enjeu majeur pour les exploitants, non seulement en raison des obligations réglementaires qui leur incombent, mais aussi à cause des impacts potentiels sur l'environnement et la santé publique. Parmi ces déchets, la catégorie des déchets inertes revêt une importance particulière, tant pour les obligations de gestion que pour les choix de stockage. La définition précise des déchets inertes, telle que modifiée par l'arrêté du 5 mai 2010 et encadrée par des directives européennes, est un élément clé pour les exploitants de carrières. Cet article se propose d'examiner les enjeux de cette définition et les implications pour les gestionnaires de carrières.
La définition des déchets inertes : un cadre réglementaire strict
Les déchets inertes sont définis, en France, par l’arrêté du 22 septembre 1994, modifié par l'arrêté du 5 mai 2010. Cette définition s'inscrit dans le cadre de la Directive 2006/21/CE relative à la gestion des déchets de l'industrie extractive et de la décision 2009/359/CE de la Commission européenne. Un déchet inerte, au sens de cette réglementation, est un déchet qui ne subit aucune transformation physico-chimique significative susceptible de produire des effets néfastes sur l'environnement ou la santé humaine, que ce soit à court ou à long terme.
L’arrêté identifie cinq critères que les déchets doivent satisfaire pour être considérés comme inertes :
- Stabilité chimique et physique : Les déchets ne doivent pas subir de désintégration, dissolution ou toute autre modification significative.
- Faible teneur en soufre : Les déchets doivent présenter une teneur maximale en soufre sous forme de sulfure, limitée à 0,1 % ou à 1 % avec un ratio de neutralisation supérieur à 3.
- Absence de risques d'autocombustion : Les déchets ne doivent ni être inflammables, ni présenter des risques d'autocombustion.
- Faible concentration en substances dangereuses : Les déchets doivent avoir une teneur suffisamment faible en substances potentiellement dangereuses pour que le risque pour l'environnement et la santé humaine soit négligeable.
- Absence de produits nuisibles : Les déchets doivent être exempts de produits utilisés dans l'extraction ou le traitement, susceptibles de nuire à l'environnement ou à la santé humaine.
Les implications pour les exploitants de carrières
Pour les exploitants de carrières, la classification d’un déchet comme inerte ou non a des conséquences pratiques considérables. Les déchets inertes peuvent être stockés sans nécessiter d'autorisation spéciale au titre des installations classées, sous certaines conditions. Toutefois, lorsque l'exploitant n'est pas en mesure de prouver le caractère inerte des déchets, ceux-ci sont soumis à une réglementation plus stricte, incluant une autorisation au titre de la rubrique n° 2720 des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).
L'enjeu est donc de taille pour les exploitants qui doivent pouvoir démontrer, par des données existantes ou par des caractérisations spécifiques, que leurs déchets respectent les critères définissant les déchets inertes. En l'absence de cette preuve, les installations de stockage de ces déchets doivent se conformer aux exigences plus sévères des ICPE, ce qui peut entraîner des coûts supplémentaires et des contraintes opérationnelles.
Les enjeux juridiques et environnementaux
Le respect de la réglementation en matière de déchets inertes est non seulement une question de conformité juridique, mais aussi de responsabilité environnementale. Une mauvaise gestion de ces déchets peut entraîner des risques de pollution des sols et des eaux, ainsi que des impacts négatifs sur la biodiversité et la santé humaine. De plus, la circulaire du 22 août 2011 rappelle que l'évaluation du caractère inerte s'applique au matériau lui-même, indépendamment des conditions de stockage ou des traitements qu'il peut subir. Ainsi, même un déchet répondant aux critères définissant un déchet inerte peut nécessiter des conditions de stockage spécifiques pour maintenir son inertie, comme la protection contre l'érosion pour les fines de dépoussiérage.
Conclusion
La définition précise des déchets inertes et le respect des critères qui en découlent constituent un enjeu crucial pour les exploitants de carrières. Cette exigence réglementaire vise à garantir que les déchets générés par l'industrie extractive ne présentent pas de risques pour l'environnement et la santé publique, tout en offrant un cadre de gestion clair pour les exploitants. Face aux défis posés par cette réglementation, il est essentiel pour les exploitants de carrières de s'assurer d'une caractérisation rigoureuse de leurs déchets et de se conformer aux obligations imposées, sous peine de se voir appliquer des régimes plus contraignants et onéreux.
Le dialogue entre les autorités de régulation et les exploitants, ainsi que l'accompagnement technique dans la caractérisation des déchets, apparaissent comme des éléments déterminants pour une gestion durable et responsable des carrières.