Protection des paysages et littérature : l’atout gagnant pour contrer un projet d’implantation de parc éolien.

Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement. 


La Cour administrative de Versailles (CAA) vient de rendre un intéressant arrêt rejetant la légalité de la demande d’autorisation d’un projet de parc éolien dans la vallée de la Thironne (CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 11/04/2022, 20VE03265).

Dans cette affaire, les riverains bénéficiaient de l’appui de  la préfète d'Eure-et-Loir qui avait rejeté cette demande d'autorisation en se fondant sur l'article L. 181-3 du code de l'environnement en raison de l'atteinte aux paysages et au patrimoine culturel protégé.

Le promoteur avait donc saisi la CAA pour faire annuler la décision de refus.

Ce dernier soutenait que ce projet réduit à quatre éoliennes, n'entraînait aucune atteinte significative sur le paysage et le patrimoine du site patrimonial remarquable d'Illiers-Combray et que sa zone d'implantation était extérieure audit site patrimonial remarquable. Ce dernier arguait du fait que le parc éolien de Marchéville, dont la légalité a été contrôlée par le juge administratif, était déjà implanté au nord du site à une distance inférieure à 5 kilomètres.

Malgré des arguments qui ne manquaient pas de pertinence, la CAA a toutefois validé l’arrêté préfectoral au motif que :

"Il est par ailleurs constant que l'arrêté est motivé en fait par l'impact caractérisé de l'implantation de ce projet de parc éolien sur les paysages et le patrimoine culturel protégés, en raison de la hauteur de ces éoliennes, qui seraient visibles depuis plusieurs lieux situés sur la commune d'Illiers-Combray, laquelle a été classée comme un site patrimonial littéraire (SPR) institué dans un but de prévention paysagère, pour protéger l'église et l'ancien château classé au titre des monuments historiques, ainsi que la vue caractéristique du clocher émergeant du plateau beauceron et de la vallée du Loir, et des jardins préservés en amont et en aval du village, dans le cadre d'une approche élargie du paysage répondant aux descriptions de ce village évoquées dans l'œuvre de Marcel Proust, ce qui fait de cette protection patrimoniale une protection paysagère, architecturale et littéraire, les pouvoirs publics s'attachant depuis des années à préserver et valoriser ce site par des actions de protection du patrimoine, par la création de sentiers de cheminement illustrant l'œuvre de Marcel Proust, et par l'organisation d'évènements dans le cadre du printemps proustien. Par suite, le moyen invoqué par la société requérante tiré de ce que la motivation trop générale de l'arrêté contesté ne lui permettrait pas d'identifier à quelle règle la préfète d'Eure-et-Loir a entendu se référer doit être écarté".


Le point le plus intéressant est l’association à la notion de patrimoine à protéger d’une oeuvre littéraire :

"Il résulte de l'article L. 511-1 du code de l'environnement précité que l'exigence de protection des paysages induite par ces dispositions, qui est définie de façon très large peut conduire à refuser une autorisation d'implantation d'éoliennes afin de préserver un paysage présentant une composante immatérielle liée à son évocation au sein d'une œuvre littéraire reconnue. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage au sens de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée puis d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ». 

Les allusions à l’oeuvre et la vie de Marsel Proust sont nombreuses :

"En outre, le clocher de l'église d'Illiers-Combray et le jardin romantique à l'anglaise du Pré Catelan situé à proximité près du Loir, dessiné par Jules Amiot, oncle de Marcel Proust, font l'objet d'un classement au titre des monuments historiques ».

"Marcel Proust a décrit la plupart de ces lieux, où il passait des vacances lorsqu'il était enfant, dans la première partie de son roman " Du côté de chez Swann ", intitulée " Combray ", publié en 1913. Ce lien qui existe entre ce paysage et l'œuvre de Marcel Proust est à l'origine de l'avis négatif de l'architecte des bâtiments de France, des maires d'Illiers-Combray et de Méréglise et du commissaire enquêteur".

En conclusion, les projets de parcs éoliens doivent désormais composer avec les éléments immatériels d’une oeuvre littéraire ainsi que les souvenirs d'un l’illustre écrivain…


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



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