Par Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et docteur en droit.
Il peut arriver que l’on regrette d’avoir signé un PV de bornage amiable avec son voisin. Ou encore que le nouvel acquéreur d’une parcelle cherche à remettre en cause un ancien PV de bornage car il a constaté une erreur commise par le géomètre… Mais quid dans ce cas de la règle de l’immutabilité du bornage signé par les parties ?
La question est controversée. En effet, le but du législateur est d’éviter que l’on revienne trop facilement sur un bornage amiable… Il a toutefois été admis que le bornage puisse être attaqué pour cause d’erreur sur les qualités substantielles.
La cour de cassation a ainsi rappelé cette possibilité « a contrario » dans l’arrêt suivant (Cass- 3me chambre civile 18 janvier 2011 / n° 10-11.032) :
"la cour d'appel, qui a, à bon droit, retenu que seule Madame M. qui acceptait expressément le procès-verbal de bornage, pouvait se prévaloir de l'absence de sa signature (le pv n'étant signé que par son époux), a pu, appréciant souverainement les éléments de preuve soumis à son examen, en déduire que Monsieur B. ne démontrait pas l'existence d'une erreur sur les qualités substantielles du procès- verbal de bornage".
Bien qu’il s’agisse d’un acte déclaratif, il n’échappe donc pas à la théorie des vices du consentement.
On en trouve un exemple dans une affaire récent soumise à la cour de cassation (Cour de cassation, Troisième Chambre civile, Arrêt nº 1007 du 28 novembre 2019, Pourvoi nº 18-22.088) :
"Attendu que, pour rejeter la demande, l’arrêt retient que, si le géomètre-expert s’est trompé en indiquant dans le procès-verbal que les points B-C correspondent au plan du 5 mars 1984 et a ainsi induit E… en erreur, cette erreur n’était pas déterminante puisque la signature de l’intéressée établit qu'elle a consenti à la modification du bornage même si elle n'était pas, au moment de la signature, consciente qu'il s'agissait en fait d'une modification ;
Qu’en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ».
Toutefois, une simple discordance avec un plan plus ancien (non signé) ne suffira pas à justifier d’une telle erreur (V. Cour de cassation - Troisième chambre civile, 12 décembre 2019 / n° 18-23.26) :
"Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que l'expertise de 2002 avait été réalisée contradictoirement entre les parties qui avaient toutes signé le procès-verbal de bornage, ainsi que le plan qui lui était annexé, ce qui n'était pas le cas du plan établi en 1970, lequel était dépourvu de valeur contractuelle, et relevé, d'autre part, que M. Q... connaissait tous les paramètres du différend, la cour d'appel en souverainement déduit que ce dernier ne rapportait pas la preuve de l'erreur sur la délimitation des fonds, qu'il invoquait du fait d'une discordance entre les rapports de 1970 et 2002, et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
De plus, le délai de prescription ayant été ramené à 5 ans seulement pour les actions en nullité, il ne faudra pas tarder à prendre sa décision… sinon le bornage risque bien de devenir définitif.
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement.