Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement.
Le traitement des déchets issus des matériaux de construction représente aujourd'hui un enjeu crucial à la fois sur le plan environnemental et juridique. Le cadre législatif français, renforcé par des décisions importantes du Conseil constitutionnel et des évolutions récentes au niveau européen, impose aux acteurs du secteur une responsabilité élargie en matière de gestion des déchets. Cet article propose d'analyser les principales dispositions légales en vigueur ainsi que les apports jurisprudentiels récents, notamment au regard de la valorisation des déchets.
I. L'obligation de reprise des déchets de construction : une responsabilité élargie des distributeurs
Le Conseil constitutionnel a, par une décision du 17 janvier 2017, validé la constitutionnalité de l’obligation de reprise des déchets issus de matériaux, produits et équipements de construction. Cette obligation, introduite par l'article 93 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, marque une étape clé dans la prise en compte de l'impact environnemental des déchets du bâtiment et des travaux publics.
L'article L. 541–10–9 du Code de l'environnement, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2017, impose aux distributeurs de matériaux de construction destinés aux professionnels de s'organiser pour reprendre ces déchets. Ces déchets doivent être collectés sur les sites de distribution ou à proximité de ceux-ci. Cette mesure vise à renforcer la responsabilité des distributeurs, qui deviennent ainsi des acteurs incontournables dans le cycle de vie des matériaux, de leur commercialisation jusqu'à leur retraitement.
II. La planification régionale de la gestion des déchets : un nouveau cadre organisationnel
Le 8 février 2017, les régions ont pris la responsabilité de mettre en œuvre un plan régional de prévention et de gestion des déchets. Cette nouvelle planification est le fruit de la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui confère aux régions une compétence exclusive en matière de gestion des déchets.
Un décret du 17 juin 2016 est venu préciser les modalités de cette planification, donnant aux régions les outils nécessaires pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies de gestion adaptées à leurs spécificités locales. Ces plans régionaux doivent permettre d'optimiser la gestion des déchets tout en s'inscrivant dans une démarche de transition écologique, en vue de réduire l'empreinte environnementale du secteur de la construction.
III. L'apport de la jurisprudence européenne : vers une définition plus stricte de la valorisation des déchets
L'évolution du droit européen joue également un rôle majeur dans la réglementation des déchets. Dans un arrêt du 28 juillet 2016, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu une décision susceptible d'avoir un impact considérable sur les grands projets d'infrastructure en Europe. Elle a précisé la définition de la "valorisation des déchets" en énonçant des critères cumulatifs qui doivent être respectés pour qualifier une opération de valorisation.
Parmi ces critères, la Cour a notamment insisté sur la notion de "fonction utile" et le "caractère approprié" de l'opération de valorisation. Ces exigences visent à garantir que les activités de revalorisation ne soient pas de simples démarches de gestion des déchets déguisées, mais qu'elles contribuent réellement à la réutilisation efficace des ressources. Cette jurisprudence impose aux États membres, dont la France, de s'assurer que les projets de valorisation des déchets respectent ces normes strictes.
Conclusion
Le cadre législatif et jurisprudentiel encadrant la gestion des déchets dans le secteur de la construction connaît actuellement une dynamique importante. Entre l'obligation de reprise des déchets, la planification régionale et les exigences européennes en matière de valorisation, les entreprises doivent faire face à une réglementation de plus en plus contraignante. Un suivi rigoureux des évolutions du droit positif est indispensable pour éviter toute mise en cause de leur responsabilité.
Les acteurs du secteur doivent ainsi être particulièrement vigilants quant à l'évolution des concepts de déchets et de valorisation, qui tendent à se complexifier. La gestion des déchets n'est plus seulement une obligation environnementale, elle devient un enjeu stratégique pour la durabilité des activités dans le domaine de la construction.
Références législatives et jurisprudentielles :
- Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe)
- Décret n° 2016-811 du 17 juin 2016 relatif aux plans régionaux de prévention et de gestion des déchets
- Article L. 541-10-9 du Code de l'environnement
- Conseil constitutionnel, décision n° 2016-744 DC du 17 janvier 2017
- Cour de justice de l'Union européenne, arrêt du 28 juillet 2016, affaire C-2/15
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement.