Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et Docteur en droit privé.
1. Définition. En droit français, la réticence dolosive est une notion juridique qui fait référence à une omission intentionnelle ou à une dissimulation volontaire d'informations par une personne lors de la conclusion d'un contrat. Elle constitue une forme de dol, c'est-à-dire une manœuvre frauduleuse destinée à tromper l'autre partie et à l'inciter à conclure le contrat.
La réticence dolosive suppose donc une volonté délibérée de dissimuler des faits ou des informations pertinentes à l'autre partie, qui auraient pu influencer sa décision de contracter ou les conditions du contrat. Il peut s'agir, par exemple, de la dissimulation d'un vice caché d'un bien, d'une information financière importante, ou de tout autre élément susceptible de modifier les attentes légitimes de l'autre partie.
Lorsque la réticence dolosive est établie, elle peut entraîner la nullité du contrat ou donner lieu à des dommages et intérêts en faveur de la partie lésée. La partie victime de la réticence dolosive peut demander la résolution du contrat, c'est-à-dire son annulation rétroactive, et obtenir une indemnisation pour le préjudice subi.
Il est important de noter que la réticence dolosive nécessite la réunion de plusieurs éléments pour être caractérisée : l'omission ou la dissimulation volontaire d'informations pertinentes, l'intention de tromper l'autre partie, et un lien de causalité entre la réticence et le préjudice subi.
En résumé, la réticence dolosive en droit français correspond à une conduite frauduleuse consistant à dissimuler intentionnellement des informations lors de la conclusion d'un contrat, ce qui peut entraîner la nullité du contrat et des réparations pour la partie lésée.
2. Quelques exemples de réticence dolosive dans le cas d'une vente immobilière :
Imaginons qu'un vendeur souhaite vendre une maison et qu'il connaît l'existence d'un vice caché majeur, à savoir des problèmes structurels importants qui compromettent la solidité de la construction. Le vendeur est conscient que ces problèmes nécessitent des réparations coûteuses et qu'ils pourraient dissuader un acheteur potentiel d'acquérir la maison ou l'amener à négocier un prix plus bas.
Dans cette situation, si le vendeur choisit délibérément de ne pas informer l'acheteur des problèmes structurels lors de la conclusion du contrat de vente, il commet une réticence dolosive. En dissimulant volontairement ces informations essentielles, le vendeur trompe l'acheteur et l'incite à conclure le contrat sans en avoir connaissance.
Si l'acheteur découvre ultérieurement les problèmes structurels et prouve que le vendeur avait connaissance de ces défauts mais les a délibérément cachés, il peut engager une action en justice pour réticence dolosive. L'acheteur pourrait demander l'annulation du contrat de vente et réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice subi, notamment les coûts des réparations nécessaires.
Dans cet exemple, la réticence dolosive se matérialise par l'omission volontaire d'informations importantes sur l'état réel du bien vendu, dans le but de tromper l'acheteur et de lui faire prendre une décision qu'il n'aurait pas prise s'il avait eu connaissance de tous les éléments pertinents.
Voici quelques autres exemples de dol en matière de vente immobilière :
1. Fausse déclaration de superficie : Le vendeur déclare intentionnellement une superficie supérieure à celle réelle du bien immobilier afin d'induire l'acheteur en erreur quant à sa taille. Cette fausse déclaration peut influencer la décision d'achat de l'acheteur et constituer un dol.
2. Dissimulation de travaux non conformes : Le vendeur omet délibérément de mentionner des travaux réalisés sur le bien immobilier, tels que des travaux de rénovation, d'extension ou de réparation, qui ne sont pas conformes aux normes légales ou réglementaires. Cette omission vise à tromper l'acheteur sur l'état réel du bien et peut constituer un dol.
3. Fausse déclaration sur l'existence de servitudes : Le vendeur connaît l'existence de servitudes (droits de passage, servitudes de vue, etc.) affectant le bien immobilier, mais délibérément les dissimule à l'acheteur lors de la vente. En faisant ainsi, le vendeur trompe l'acheteur sur les droits et les contraintes liés à la propriété, constituant ainsi un dol.
4. Dissimulation de problèmes environnementaux : Le vendeur cache intentionnellement des informations sur des problèmes environnementaux liés au bien immobilier, tels que la présence de polluants, d'une contamination du sol ou de la présence d'amiante. Cette dissimulation a pour but de tromper l'acheteur sur les risques potentiels et peut constituer un dol.
Il est important de noter que chaque cas de dol peut varier en fonction des circonstances spécifiques et des éléments de preuve disponibles. Si vous soupçonnez un dol dans le cadre d'une vente immobilière, il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit immobilier pour obtenir des conseils juridiques adaptés à votre situation particulière.
3. Le dol et le vice caché sont deux notions distinctes en matière de vente immobilière, bien qu'ils puissent être liés dans certains cas. Voici comment faire la différence entre les deux :
a. Dol :
Le dol fait référence à une manœuvre frauduleuse intentionnelle utilisée pour tromper une autre partie et l'inciter à conclure un contrat. Dans le contexte d'une vente immobilière, le dol peut se produire lorsque le vendeur dissimule délibérément des informations importantes ou fournit des informations fausses afin d'induire l'acheteur en erreur et de l'amener à conclure le contrat. Il s'agit d'une manœuvre intentionnelle de tromperie.
Pour établir le dol, il faut prouver que le vendeur avait connaissance des faits dissimulés, qu'il avait l'intention de tromper l'acheteur et que l'acheteur a été effectivement trompé et a subi un préjudice. En cas de dol avéré, l'acheteur peut demander l'annulation du contrat et réclamer des dommages et intérêts.
b. Vice caché :
Le vice caché, quant à lui, concerne un défaut non apparent du bien vendu qui le rend impropre à l'usage auquel il est destiné ou qui en diminue tellement la valeur que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou aurait offert un prix inférieur s'il en avait eu connaissance. Contrairement au dol, le vice caché ne nécessite pas de tromperie intentionnelle de la part du vendeur.
Pour invoquer le vice caché, l'acheteur doit démontrer que le défaut était présent au moment de la vente, qu'il était antérieur à la vente, qu'il était non apparent et qu'il rend effectivement le bien impropre à l'usage prévu ou diminue considérablement sa valeur. L'acheteur peut alors demander la résolution du contrat, avec restitution du prix payé, ou une diminution du prix de vente, accompagnée éventuellement de dommages et intérêts.
En résumé, la différence fondamentale entre le dol et le vice caché réside dans l'intentionnalité de la tromperie. Le dol implique une manœuvre frauduleuse délibérée de la part du vendeur pour tromper l'acheteur, tandis que le vice caché concerne un défaut non apparent du bien vendu, sans qu'il y ait nécessairement eu une intention de tromper.
3. En ce qui concerne les délais légaux pour agir en cas de dol ou de vice caché dans le cadre d'une vente immobilière en France, voici les informations générales :
a. Dol :
Le délai pour agir en cas de dol est de 5 ans à compter de la découverte du dol (art. 1144 du Code civil). Cependant, il ne peut dépasser 20 ans à compter de la commission du dol. En effet, après la réforme de la prescription (Loi 2008-561 du 17-6-2008) et du droit des contrats, le point de départ glissant de l'action en nullité pour dol reste inchangé : il s'agit du jour de sa découverte (art. 1144 du Code Civil). Ce délai de prescription permet à la partie lésée d'intenter une action en justice pour demander l'annulation du contrat ou réclamer des dommages et intérêts.
b. Vice caché :
Le délai pour agir en cas de vice caché est également de 5 ans à compter de la découverte du vice caché. Toutefois, il est important de noter que le délai de prescription peut être réduit à 2 ans si le bien vendu est un bien immobilier à usage d'habitation. Le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle l'acheteur a découvert le vice caché.
Il est essentiel de respecter ces délais de prescription pour préserver ses droits en cas de dol ou de vice caché et de se faire conseiller par un Avocat spécialiste.
Me Laurent GIMALAC, Avocat et docteur en droit privé,
Lauréat de l’Université.