Dissimulation d’un projet de site d’éoliennes et tromperie de l’acheteur : quid des conséquences sur la vente ?


Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et Docteur en droit privé.



Le contentieux des éoliennes est souvent abordé sous l'angle de l'autorisation donnée à l’’exploitant. Mais il existe également un contentieux civil  qui concerne le voisinage direct, et notamment les ventes immobilières pourtant sur des parcelles à proximité d'un futur site consacrée au développement de l'énergie éolienne.


À plusieurs reprises, les acquéreurs de sites à proximité de tels projets qui le plus souvent leur ont été dissimulés par les vendeur, tentent de se retourner contre ces derniers afin d'obtenir l'annulation ou la résolution de la vente.


Mais sur quel fondement juridique, faut-il s'appuyer pour avoir une chance d'obtenir satisfaction devant un tribunal judiciaire ? Serait-ce un vice caché, un vice du consentement, un défaut de délivrance conforme, ou encore une tromperie ou un dol ?


Il faut tout d'abord prévenir le lecteur, les tribunaux ne sont pas aisés à convaincre.

Ainsi par exemple la cour de cassation dans une affaire jugée en 2017 a refusé de considérer qu'un agent immobilier était tenu de délivrer des informations au-delà des points strictement énumérés à la condition suspensive relative aux projet d’urbanisme. Elle va même jusqu’à considérer que "l'édification de éoliennes à proximité du bien vendu ne pouvait pas être qualifiée de projet d'urbanisme ou de modification structurante». Et elle a pu en déduire que la responsabilité de l'agent immobilier ne devait pas être engagée (Cour de cassation - Troisième chambre civile — 29 juin 2017 - n° 16-19.337).


Dans une autre affaire qui a été jugée par la cour d'appel d’Orléans (Cour d'appel d'Orléans - 6 octobre 2014 - n° 13/0286), l’acheteur n’a pas eu plus de chance. Il a agi sur le terrain de la tromperie et a demandé l'annulation de la vente pour dol car il a pris connaissance après la vente d'un projet de implantation d'une zone de développement éolien sur la commune du lieu de l'immeuble datant de 2006, soit 3 ans avant l’acquisition. Les premiers juges avaient déjà considéré que les vendeurs s'était rendu coupable d'une réticence dolosive à l'occasion de la vente de l’immeuble mais que cette réticence ne portait pas sur une information essentielle. La cour d’appel enfonce le clou, et estime pour sa part que les vendeurs ne pouvaient pas donner plus d’informations qu’ils ne pouvaient en avoir sur ce projet et qu’à l’époque il ne s’agissait pas encore d’un projet définitivement arrêté :

"Que, même si la presse locale, dont la lecture ne revêt aucun caractère obligatoire pour les habitants, avait vaguement fait état quelques mois auparavant d'un tel projet, quelques coupures de journaux ne peuvent constituer une preuve de nature à détruire celle que constitue l'annexe de l'acte de vente établie par la mairie... ».

«  … rien n' indiquant que les appelants auraient pu être amenés à subir des nuisances ; qu'il est par ailleurs constant que la première éolienne n'a pas encore été implantée à ce jour et que les travaux n'ont pas encore été engagés ».

Ainsi les acheteurs ont été à nouveau des bouteilles de leurs actions contre le vendeur, le notaire et l’agence immobilière.


Mais la ténacité finit parfois par payer. 

En témoigne l'affaire qui a été jugée par la cour d'appel d'Angers en  2010 (Cour d'appel d'Angers - ch. 01 A - 8 juin 2010 - n° 09/00908) :

"Attendu que cette négligence a manifestement contribué à la perpétration du dol dont les époux A. ont été victimes, en créant les conditions de désinformation qui l'ont rendu possible ; que la SARL Angers Sud Immobilier sera donc condamnée, in solidum avec Laurent F. et Sylvie G., à en indemniser les conséquences dommageables ». 

Dans ce dossier, le projet était suffisamment avancé et connu pour que le Vendeur ne puisse l’ignorer et se défendre de ne pas avoir caché sciemment une information déterminante du consentement de l’acheteur.

La même année la Cour d’appel de Rennes retenait la réticence dolosive du vendeur d’immeuble qui n’avait pas informé l’acheteur d’un projet d’éoliennes à proximité du site.  La Cour précise que "le bien acquis par la SCI RUCROIZIC est situé certes, en bordure d'une route, mais dans une région rurale, où seule la recherche de calme et d'un paysage préservé pouvait séduire les acquéreurs.Les vendeurs, ainsi qu'il résulte des attestations LE CORRE et DURAND, étaient informés du projet de création de chambres d'hôtes de leurs acquéreurs, et de l'exigence accrue qui en découlait d'acquisition d'un bien dans un environnement de qualité » (Cour d'appel de Rennes - ch. 04 - 18 mars 2010 - n° 07/07420). Il est donc particulièrement important de signaler la nature de son projet lors de son acquisition car cela joue en faveur des acquéreurs qui souhaitaient créer des chambres d’hôtes.



Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et docteur en droit privé,

Lauréat de l’Université. 


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