Quid en cas d’erreur du notaire qui a omis de prévoir dans l’acte une servitude de passage ?

Par Me Laurent Gimalac, Docteur en droit, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.


Note sur l'arrêt de la Cour d'Appel de Pau du 13 février 2024


L'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Pau le 13 février 2024, portant le numéro de répertoire général 22/00470, soulève des questions essentielles concernant la responsabilité notariale et les conséquences d'erreurs dans la rédaction d'actes authentiques. L'affaire oppose Monsieur [K] [L] à divers protagonistes, incluant deux notaires, Maître [U] [M] [Y] et Maître [S] [T], ainsi que les vendeurs et acheteurs successifs de parcelles de terrain. Le litige trouve son origine dans des erreurs de numérotation des parcelles et de vérification des déclarations des parties, conduisant à une situation d'enclave et à des contentieux prolongés. Cette note se propose d'analyser les erreurs commises par les notaires, les conséquences de ces erreurs, la solution apportée par la cour et les implications pour les victimes de telles fautes.


I. Erreurs commises par les notaires


Dans cette affaire, les notaires ont commis des erreurs significatives, affectant profondément les droits de propriété et les servitudes afférentes aux parcelles en question.


Erreur de numérotation des parcelles :

Lors de la rédaction de l'acte de vente du 6 janvier 2012, Maître [S] [T] a mentionné à tort la parcelle C[Cadastre 12] au lieu de la parcelle C[Cadastre 16] pour l'exercice de la servitude de passage. Cette confusion a engendré une situation d'enclave pour la parcelle C[Cadastre 10], achetée par Monsieur [K] [L]. De plus, Maître [U] [M] [Y], lors de la division du fonds initial en 2000, n'a pas prévu la servitude nécessaire pour la parcelle C[Cadastre 10], omettant de sécuriser un accès à la voie publique.


Défaut de vérification des déclarations du vendeur :

Maître [S] [T] n'a pas vérifié l'exactitude des déclarations de Monsieur [W], le vendeur, qui affirmait l'existence d'une servitude de passage sur la parcelle C[Cadastre 12], alors que celle-ci ne lui appartenait pas. Cette négligence a contribué à l'enchevêtrement des erreurs dans les actes notariés.


II. Conséquences des erreurs notariales


Les erreurs commises par les notaires ont entraîné des répercussions juridiques et pratiques considérables.


Création d'une situation d'enclave :

La parcelle C[Cadastre 10] s'est retrouvée enclavée, dépourvue d'un accès légal à la voie publique, rendant son utilisation problématique pour le propriétaire.


Litiges prolongés :

Monsieur [K] [L] a dû engager plusieurs procédures judiciaires pour faire reconnaître ses droits et corriger les erreurs des actes notariés. Ces démarches ont nécessité du temps, des ressources financières et engendré une grande incertitude juridique.


Mise en cause des notaires :

La Cour d'Appel de Pau a conclu que les notaires étaient responsables des erreurs commises et les a condamnés à prendre en charge les frais de rectification des actes notariés. Cette décision souligne la responsabilité professionnelle des notaires et leur obligation de vigilance.


III. Solution apportée par le juge


La Cour d'Appel de Pau a mis en place plusieurs mesures pour remédier à la situation complexe créée par les erreurs notariales.


Reconnaissance de l'état d'enclave :

La Cour a officiellement constaté l'état d'enclave de la parcelle C[Cadastre 10], reconnaissant ainsi la difficulté pour le propriétaire d'accéder à la voie publique.


Rectification des actes notariés :

La Cour a ordonné la rectification de l'acte de vente du 6 janvier 2012, pour corriger la numérotation erronée et mentionner la parcelle C[Cadastre 16] comme celle sur laquelle s'exerce la servitude de passage.


Expertise judiciaire :

Une expertise judiciaire a été ordonnée pour déterminer précisément l'assiette de la servitude de passage sur la parcelle C[Cadastre 16]. Cette mesure vise à clarifier les droits de passage et à prévenir de futurs litiges.


Condamnation solidaire des notaires :

Les notaires, Maître [U] [M] [Y] et Maître [S] [T], ont été condamnés solidairement à prendre en charge les frais de rectification des actes notariés, réaffirmant ainsi leur responsabilité dans cette affaire.


IV. Conclusion


L'arrêt de la Cour d'Appel de Pau du 13 février 2024, au-delà de sa portée particulière, rappelle l'importance de la rigueur et de la vigilance dans la rédaction des actes notariés. Les erreurs commises par les notaires ont mis en lumière les graves conséquences que peuvent avoir des imprécisions ou des manquements dans la vérification des déclarations des parties. Pour les victimes de telles erreurs, cette décision réaffirme les possibilités de recours judiciaire pour obtenir réparation et rectification des actes notariés fautifs. En condamnant les notaires à assumer les frais de rectification, la cour souligne également leur responsabilité professionnelle et la nécessité de garantir la sécurité juridique des transactions immobilières.


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement et droit communautaire.

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