Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste et docteur en droit privé.
La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 sur la copropriété des immeubles bâtis autorise le syndic à procéder à l'exécution de travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble sans autorisation préalable de l'assemblée générale en cas d'urgence (article 37). Ces travaux peuvent concerner des réparations indispensables à la sécurité des occupants.
Avant d'entamer toute procédure, il est conseillé de rappeler à l'assemblée générale des copropriétaires l'importance et l'urgence des travaux pour la sécurité des occupants et la conservation de l'immeuble. Un rapport d'expertise détaillant la nature des travaux et leur caractère urgent peut aider à convaincre.
Si malgré l'urgence, les travaux ne sont pas votés ou que le syndic n'agit pas, un copropriétaire peut saisir le tribunal judiciaire pour demander l'autorisation de réaliser les travaux aux frais de la copropriété. L'article 49 de la loi précitée permet à tout copropriétaire de contester les décisions de l'assemblée générale des copropriétaires. De plus, l'article 30 de la loi permet au juge de statuer en matière de travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble et à la sauvegarde des droits afférents à celui-ci.
En cas de danger imminent menaçant la sécurité des occupants, un copropriétaire peut également saisir en référé le président du tribunal judiciaire pour obtenir une ordonnance de réalisation des travaux d'urgence.
Il est également important de rappeler que la non-réalisation de travaux urgents peut engager la responsabilité civile des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires en cas d'accident. Informer les copropriétaires des risques de responsabilité et des conséquences possibles sur l'assurance de l'immeuble peut également contribuer à une prise de conscience.
Dans l’éventualité d’une accumulation de retards ou encore de fautes commises par le syndicat ou le syndic il faut alors envisager quelle serait le domaine de leur responsabilité et les moyens de la mettre en oeuvre.
1. Différents acteurs et responsables
1.1. Responsabilité du syndicat des copropriétaires : Le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic, a pour obligation la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes (article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965). Cette responsabilité peut être engagée si le syndicat, par l'intermédiaire du syndic, ne prend pas les mesures nécessaires pour réaliser les travaux indispensables à la sauvegarde de l’immeuble. Si le conseil syndical a retardé la transmission d'informations cruciales au syndic ou aux copropriétaires, entraînant un retard dans la réalisation de travaux urgents, sa responsabilité peut être mise en cause, notamment si ce retard a causé des dommages supplémentaires à l'immeuble ou a mis en péril la sécurité des occupants. Si le conseil syndical était informé de la nécessité de travaux urgents (par exemple, réparation de la toiture, mise aux normes des installations électriques, etc.) et qu'il n'a pas alerté le syndic ou les copropriétaires de cette urgence, sa responsabilité pourrait être recherchée pour défaut de conseil et de vigilance.
1.2. Responsabilité du syndic : Le syndic, en tant que mandataire du syndicat des copropriétaires, a une obligation de conseil et doit alerter ce dernier sur la nécessité de travaux. Sa responsabilité peut être engagée en cas de faute dans l'exécution de son mandat, notamment s'il ne convoque pas l'assemblée générale pour voter les travaux nécessaires ou s'il ne suit pas les décisions prises (article 1992 et suivants du Code civil).
2. Recours juridiques possibles
2.1. Action en justice contre le syndicat des copropriétaires : Un copropriétaire peut intenter une action en justice contre le syndicat des copropriétaires pour obtenir réparation des préjudices subis du fait de l'absence de travaux. Cette action peut être fondée sur la responsabilité délictuelle pour faute (article 1240 du Code civil).
2.2. Mise en cause de la responsabilité du syndic : Si le syndic a manqué à ses obligations de gestion et de conseil, il est possible d'engager sa responsabilité civile professionnelle. Cette démarche peut aboutir à une indemnisation financée par l'assurance responsabilité civile du syndic. La responsabilité contractuelle du syndic dans la gestion des travaux au sein d'une copropriété est un sujet fréquemment abordé par la jurisprudence, qui souligne l'importance de l'exercice diligent de ses missions. Par exemple, la Cour de cassation, dans son arrêt du 28 septembre 2017 (n°16-19609), a rappelé que le syndic, en sa qualité de mandataire du syndicat des copropriétaires, doit veiller à la bonne exécution des travaux et à la qualité des prestations fournies par les entreprises. Dans cette affaire, le syndic a été jugé responsable pour avoir manqué à ses obligations de suivi et de contrôle, entraînant des malfaçons importantes dans les travaux de rénovation. De même, dans un arrêt du 15 janvier 2015 (n°13-27245), la Cour de cassation a souligné que le syndic engage sa responsabilité vis-à-vis du syndicat des copropriétaires lorsqu'il ne procède pas à la mise en concurrence des entreprises ou ne surveille pas adéquatement l'avancement des travaux. Ces décisions illustrent la rigueur avec laquelle les tribunaux appréhendent la gestion des travaux par le syndic, mettant en exergue son rôle crucial dans la préservation de l'intégrité de l'immeuble et la protection des intérêts des copropriétaires. Dans l'affaire jugée par la Cour de cassation le 16 novembre 2023 (n° 22-21.144 F-D, Synd. copr. c/ Sté Axa France IARD), il a été reproché au syndic de ne pas avoir alerté les copropriétaires de l'urgence des travaux nécessaires à l'immeuble. Le syndicat des copropriétaires avait décidé de réaliser des travaux, mais l'entrepreneur a abandonné le chantier avant leur achèvement et a été placé en liquidation judiciaire. Face aux malfaçons et non-façons constatées, le syndicat a engagé une action en responsabilité contractuelle contre le syndic. La cour d'appel a initialement rejeté la demande, mais la Cour de cassation a cassé cet arrêt. Elle a estimé que la cour d'appel aurait dû examiner si le syndic avait accompli toutes les diligences lui incombant dans la gestion des travaux, notamment en alertant sur l'urgence et la nécessité des réparations, ce qu'elle n'a pas fait. Cette décision confirme la jurisprudence selon laquelle le syndic engage sa responsabilité envers le syndicat des copropriétaires lorsqu'il commet des fautes dans l'accomplissement de sa mission, y compris en omettant d'informer et de conseiller adéquatement les copropriétaires sur les travaux nécessaires à la préservation de l'immeuble. Dans une affaire plus cancienne, la Cour de cassation avait déjà jugé le syndic responsable de ne pas avoir attiré l'attention du syndicat sur l'état de l'immeuble, qui nécessitait des réparations urgentes (Cass. 3e civ. 17-6-2014 n° 12-24.827). Elle considère que le syndic est également fautif de ne pas avoir informé l’assemblée générale de la nécessité de souscrire une assurance dommages-ouvrage pour des travaux de ravalement (Cour Cass. 3e civ. 25-1-1994 n° 92-16.203).
2.3. Recours à l'assurance : Il convient de vérifier les contrats d'assurance de l'immeuble (assurance multirisque immeuble) et les contrats individuels des copropriétaires pour d'éventuelles garanties pouvant couvrir les dommages liés aux fissures et aux défauts de construction. Certaines assurances peuvent prendre en charge les réparations ou indemniser les copropriétaires.
2.4. Référé et expertise judiciaire : En cas de litige, une expertise judiciaire peut être demandée par le tribunal pour établir les causes des désordres et la responsabilité des différents acteurs. Cette expertise est cruciale pour la suite de la procédure judiciaire. Lorsque les travaux sont urgents (par exemple risque d’effondrement, ou encore dégât des eaux…) le juge des référés peut être compétent pour prendre toutes mesure urgentes qui ne s’opposent pas à des moyens sérieux.
Conclusion
Les copropriétaires affectés par l'absence de travaux nécessaires ont plusieurs recours possibles, tant au niveau de la responsabilité civile du syndicat des copropriétaires ou du syndic, qu'au niveau des assurances. Il est conseillé de se rapprocher d'un avocat spécialisé en droit immobilier pour évaluer la situation spécifique et déterminer la meilleure stratégie juridique à adopter.