Par Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et docteur en droit.
Cette servitude qui empêche toute construction sur un espace prédéterminé situé chez le voisin, a une incidence considérable sur l’environnement direct des propriétaires et la qualité de leur cadre de vie. De nature civile, elle peut avoir une portée considérable puisqu’elle se transmet d'acquéreur en acquéreur.
C’est du moins la théorie. Car il arrive de plus en plus fréquemment que ces servitudes instituées il y a plusieurs décennies, ne figurent pas dans les titres notariés des fonds servants. Les propriétaires infortunés découvrent alors qu’il ne peuvent pas construire sur tout ou partie de leur parcelle après avoir acquis leur bien chez le notaire sans toutefois en avoir été informés.
La solution peut surprendre.
En effet l'article 1165 du Code civil rappelle le principe de l'effet relatif des contrats. Autrement dit un engagement qui a été signé entre le propriétaire du fonds dominant et le propriétaire du fonds servant ne devrait pas en application de cette règle s'appliquer aux futurs acquéreurs de la parcelle assujettie.
Mais c’est oublier la nature réelle de l’engagement qui s’applique non pas à des personnes mais aux fonds eux-mêmes ce qui induit la transmissibilité de l’obligation même aux futurs acquéreurs.
Il convient dès lors d'envisager deux possibilités :
1°/ Dans le premier cas, la servitude a été publiée lors de sa constitution mais les titres successifs de vente des fonds ont omis de faire mention de l’existence de cette servitude. Dans ce cas la jurisprudence estime que la servitude est imposée au fonds et non pas à la personne et qu’ainsi l’actuel propriétaire peut donc l'invoquer tant qu'elle n'est pas prescrite. C'est ce qu'a jugé par exemple, la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 15 mai 1991.
2°/ Dans une seconde hypothèse, un propriétaire invoque un acte constitutif de servitude très ancien dont il n’a pas été partie. Et alors même que cet acte n’a jamais fait l'objet d'une publicité foncière.
La Cour de cassation dans un arrêt du 10 octobre 1990, a semblé admettre que même dans ce cas la servitude puisse être opposable en l’absence de publicité.
Mais en l’espèce, il convient de remarquer que la mention de cette servitude figurait expressément dans le titre du propriétaire du fonds servant qui ne pouvait donc l’ignorer.
L’acheteur du fonds servant pourra alors invoquer l’article 1638 du Code civil qui fait obligation aux vendeurs de déclarer à l’acquéreur s’il existe des servitudes non apparentes. Autrement dit l’acquéreur pourra se retourner contre son vendeur qui a omis de lui signaler cette servitude non apparente.
Il semble toutefois, que cette rigueur, doive être bien comprise car elle ne ménage que deux options bien précises.
Soit la servitude figure toujours dans l’un des deux actes (celui du propriétaire du fonds dominant ou celui du fonds servant). Soit encore elle a été publiée mais elle a disparu des actes récents.
En l’absence de l’une de ces deux conditions, de telles servitudes semblent inopposables si l’on se réfère à un autre arrêt plus récent de la Cour de cassation rendu le 27 octobre 1993.
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit privé,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement.