Acquisition d’une parcelle par prescription trentenaire : les conditions de l’usucapion.

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et Docteur en droit privé.

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L’acquisition par un titre notarié d’un bien immobilier est le mode d’acquisition le plus courant. Mais il existe un autre mode d'acquisition par prescription acquisitive. Le principe est qu'il faut détenir le bien de manière prolongée et utile. La prescription ne jouera que si au départ les biens font partie de la sphère prescriptible autrement dit il doit s’agir d'un bien immeuble. 


L’article 2260 du Code civil précise également qu’on ne peut prescrire les biens ou les droits qui ne sont point dans le commerce. Le bien immobilier devra donc être cessible. Il existe en effet une catégorie de biens qualifiés d’inaliénables : comme par exemple, les sépultures ou les tombeaux. Sont également exclus les monuments naturels ou les sites classés en application du code de l'environnement.


La prescription acquisitive est fondée sur la possession continue d'une chose ou d'un droit. Le possesseur doit se comporter comme s'il était le titulaire légitime de ce droit. Il a manifesté la volonté de s'approprier le bien. La possession doit être réelle. Ainsi un simple détenteur du bien ou du droit qui le possède pour compte d’autrui ne peut jamais prescrire. De même,  le détenteur précaire est celui qui exerce un droit sur une chose qu’il sait ne pas lui appartenir. Il ne pose aucune contradiction au titulaire du droit originaire. Il tient le bien du propriétaire lui-même qui lui en a accordé temporairement la maîtrise. 


Pour démontrer l’existence l'intention d'être propriétaire du bien, il existe une présomption pour celui qui possède matériellement la chose. Cela va ainsi dispenser les juges de démontrer l’élément intentionnel. Ainsi, ce sera le voisin qui s’oppose à cette prescription qui devra prouver la précarité de la possession en produisant par exemple titre qui fonde la détention.


Mais la volonté seule d’être propriétaire du bien ne suffit pas car elle doit se matérialiser par des actes concrets réalisés sur le bien. De véritables actes d'occupation doivent être révélés au-delà de simples actes juridiques. Ainsi le seul fait de détenir un acte de notoriété et de payer des impôts fonciers relatifs à la parcelle concernée ne suffit pas à démontrer une possession qui doit être également corroborée par des faits matériels.


De plus, seuls les actes matériels licites peuvent justifier une possession civile. Une activité exercée en contravention avec le règlement ne sera donc pas prise en compte. Il est admis que la possession puisse être acquise bien que les actes soient accomplis par des tiers. Car dans ce cas les actes du détenteur profite au véritable possesseur.


La possession doit être utile. Pour cela il faut qu'elle ne soit pas affectée par un vice. Elle doit être continue, paisible, publique et non équivoque et accomplie à titre de propriétaire comme le rappelle l’article 2261 du Code civil.


Le possesseur doit donc s'afficher comme le véritable titulaire du droit afin de pouvoir opposer la contradiction au titre d'origine. Ainsi à l’inverse, une cave occupée en secret par le voisin sans que son propriétaire ait eu connaissance de son existence ne traduit pas une possession publique  et elle empêche donc la prescription acquisitive de jouer son rôle.


La possession doit-être paisible.  Elle ne l’est pas si elle est s’est exercée par des actes de violence ou des voies de fait pour s’emparer de la chose. Toutefois seule la violence initiale commise au moment de la prise de possession est considérée comme un vice. 


La preuve de la continuité de la possession sera facilitée par le Code civil puisse que ce dernier dispose que le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement est présumé avoir possédé pendant le temps intermédiaire sauf preuve contraire. Il existe donc une véritable présomption de continuité de l'intention de posséder mais qui ne profite qu'à celui qui possède actuellement. Toutefois cette présomption est simple et peut-être inversée par la preuve contraire.


Il faut être particulièrement patient pour obtenir une prescription acquisitive en matière immobilière en effet le délai est en principe de 30 ans. Il existe toutefois une prescription abrégée de 10 ans pour le possesseur de bonne foi justifiant d’un juste titre (sur laquelle nous reviendrons dans une étude séparée).


Le point de départ du délai de 30 temps est l'entrée en possession. Le possesseur peux ajouter à sa possession celle de ses prédécesseurs. On qualifie cette situation de jonction des possessions.


Par exemple, un ayant cause universel, un héritier ou légataire succède à la personne d’un défunt et par conséquent peut continuer la possession de son auteur. Il s’agit alors de la même possession qui se prolonge et non d’une nouvelle qui débute. La véritable jonction de possession concerne exclusivement l’ayant cause à titre particulier. 


Pour interrompre la prescription, le moyen le plus efficace est l'assignation signifiée par huissier de justice afin de l’empêcher de prescrire sur le bien. De ce point de vue, la jurisprudence est assez tolérante puisqu’elle admet qu’une constitution de partie civile puisse produire le même effet interruptif, en revanche si la citation a été délivré une personne autre que le possesseur même par erreur, elle n’ interrompt pas la prescription.


Enfin, il est important de rappeler que l’effet interruptif de la demande n’est opposable aux ayants causes du possesseur que si l’usucapion a été  publiée à la conservation des hypothèques.


Un nouveau type de suspension du délai d'acquisition par prescription est intervenu avec la loi du 17 juin 2008 qui a introduit les tentatives de résolution amiable du litige. La saisine d’un médiateur au conciliateur de justice peut avoir pour effet de suspendre le délai de prescription (ce qui est toutefois encore discuté). Il en sera de même lors ce que le juge fait droit à une demande de mesures d’instruction présentée avant tout procès par requête ou en référé.


Pour faire reconnaître son usucapion, il sera nécessaire de saisir le juge compétent, à savoir le tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble. Le jugement  fera l’objet d’une publication à la publicité foncière pour être opposable au tiers.  L'assistance d'un avocat est obligatoire pour ce type de procédure.






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