Par Laurent Gimalac, Ancien Professeur à l’ISEM (ESMOD Paris) et à SUP DE LUXE (Groupe EDC, Paris) et Avocat
La directive européenne sur le devoir de vigilance, adoptée le 24 avril 2024 et publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 5 juillet 2024, vise à renforcer la responsabilité des entreprises en matière de durabilité. Elle impose aux sociétés de grande taille de surveiller et de prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement dans leurs chaînes de valeur.
Sanctions prévues en cas de manquement :
En cas de non-respect des obligations de vigilance, la directive prévoit plusieurs types de sanctions :
- Sanctions administratives : Les autorités compétentes des États membres peuvent infliger des amendes proportionnées à la gravité du manquement. Ces amendes peuvent être calculées sur la base du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, afin d'assurer un effet dissuasif.
Suspension temporaire des activités : En cas de manquement grave, les autorités peuvent ordonner la suspension temporaire des activités de l'entreprise jusqu'à ce qu'elle se conforme à ses obligations de vigilance.
Responsabilité civile : Les victimes d'atteintes résultant d'un manquement au devoir de vigilance peuvent engager la responsabilité civile de l'entreprise pour obtenir réparation des préjudices subis.
Précédents jurisprudentiels en France :
En France, la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre a été pionnière en la matière. Plusieurs affaires ont déjà été portées devant les tribunaux français :
- Affaire TotalEnergies en Ouganda : En 2019, des ONG ont assigné TotalEnergies pour manquement à son devoir de vigilance concernant un projet pétrolier en Ouganda. Le 28 février 2023, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré les recours irrecevables, mais cette décision a permis de clarifier certaines obligations des entreprises en matière de vigilance.
- Affaire La Poste : Le 5 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision au fond concernant le plan de vigilance de La Poste. Le tribunal a enjoint l'entreprise à compléter son plan par des mesures concrètes, adéquates et efficaces, en cohérence avec la cartographie des risques identifiés.
Précédents jurisprudentiels en Europe :
À l'échelle européenne, la directive étant récente, peu de décisions judiciaires ont été rendues à ce jour. Cependant, des actions similaires ont été engagées dans d'autres États membres, notamment aux Pays-Bas, où des ONG ont poursuivi des entreprises pour manquement à leur devoir de vigilance en matière environnementale.
Conclusion :
Le cadre juridique européen et français en matière de devoir de vigilance prévoit des sanctions significatives en cas de manquement, allant des amendes administratives à la suspension des activités, en passant par la responsabilité civile. Les récentes décisions judiciaires illustrent la volonté des juridictions de renforcer la responsabilité des entreprises et de les inciter à adopter des pratiques conformes aux exigences de durabilité.
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit, ancien chargé de cours à l’Université,
Avocat spécialiste.