La répression du recel et sa réintégration dans la succession.
Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste Docteur en droit privé
La jurisprudence est venue préciser la définition du recel successoral par différentes décisions intervenues au cours des douze derniers mois.
Contrairement à ce que les héritiers pourraient penser à tort, le recel peut être réprimé même dans le cadre d’une succession. L’hypothèse la plus fréquente est celle du retrait sur compte bancaire avant partage. Mais il existe également d’autres manières de pratiquer le recel plus ou au moins astucieuses qui n’échappent pas à la répression. Mais comme toujours, c’est l’administration de la preuve qui sera le premier obstacle pour les autres héritiers qui sont les victimes de ces agissements.
I - LE CAS CLASSIQUE DES RETRAITS INJUSTIFIÉS SUR LES COMPTES BANCAIRES
La solution est classique mais a été confirmée par la cour de cassation dans des termes particulièrement clairs. Ainsi dans un arrêt du 12 septembre 2012, la Cour de cassation a jugé que l’héritier qui ne justifie pas du retrait des sommes d’argent effectués sur les comptes bancaires du vivant du défunt encourt les sanctions du recel.
La cour de cassation a approuvé les juges de la cour d’appel en rappelant que :
« c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé, … que Mme Z... ne justifiait pas de la dépense d'une somme mensuelle de 3.000 francs durant cette même période, de sorte qu'elle devait rapporter à la succession une somme de 71.800 euros à augmenter de la somme de 5.500 euros correspondant aux dépenses non justifiées comptabilisées par l'expert pour la période postérieure à l'ouverture de la tutelle ».
Il importe toutefois de démontrer l’intention frauduleuse de l’héritier comme le prévoit l’article 792 ancien du code civil applicable à l’époque des faits.
Cette intention coupable a été révélée dans ce cas d’espèce par une expertise et la cour de cassation de préciser :
« en retenant, dans l'exercice de leur pouvoir souverain, que Mme Z... avait disposé de ces sommes à l'insu de ses cohéritiers, ce qui lui avait été rendu possible par les procurations dont elle était titulaire sur les comptes, les juges du fond ont estimé, sans dénaturer les termes de l'expertise, que le recel d'effets de la succession se trouvait ainsi constitué, de sorte que Mme Z... ne pouvait prétendre à aucune part sur ce montant ».
Il est intéressant de noter également que cette jurisprudence s’applique au cas d’un héritier qui apportait son assistance au défunt et qui disposait à ce titre d’une procuration bancaire.
II - LE RAPPORT DES DONS MANUELS
Sauf en cas de dispense expresse de rapport, les dons manuels sont présumés rappelables. En présence d’un héritier réservataire, la dissimulation d’une donation préciputaire est même considérée comme un recel successoral et devra faire l’objet d’une réduction.
Dans une affaire de recel, la cour d’appel a relevé que le fils du défunt avait dissimulé la donation dont il avait bénéficié jusqu’à ce que son frère demande au notaire chargé du règlement de la succession de lui communiquer les relevés de comptes de leur père (Voir Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Ch. 1 A, 9 avr. 2013 - Numéro de rôle : 12/06574).
III - DES PRÉCISIONS UTILES SUR LES ACTES DE MUTATION
En revanche, il a été admis par la cour de cassation qu’un échange ou une mutation à torte onéreux ne constituaient pas en soi un recel, comme par exemple un échange portant sur la nue propriété et l’usufruit d’un appartement détenu réciproquement par les parents et leurs enfants (Cass. Civ. 1re, 25 sept. 2013, pourvoi N° 12-20.541, rejet, publié). Les dispositions de l’article 918 du code civil applicables à l’époque avant la réforme de la loi du 23 juin 2006 étaient de surcroît limitatifs.
IV - LES BONS AU PORTEUR
Il est parfois très compliqué de retrouver les fonds recelés. Mais lorsque la preuve est rapportée d’un détournement, la jurisprudence se montre intransigeante.
Ainsi la cour de cassation a confirmé un arrêt de cour d’appel qui avait constaté que l’appelante : «avait volontairement dissimulé à sa cohéritière, lors du partage des successions, l'existence de bons au porteur appartenant à leur mère dont le vol avait été déclaré par celle-ci avant son décès et que Mme Z prétendait maintenant avoir reçu en donation ; ayant ainsi caractérisé l'existence du recel successoral, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.» (Cass. Civ. 1re, 12 juin 2014, N° de pourvoi : 13-17.074, rejet, inédit).
EN CONCLUSION,
Pour qu’il y ait recel successoral il faut avoir voulu rompre l’équilibre du partage. La cour d’appel de Limoges vient de le rappeler dans un arrêt récent rendu en 2014 dans des termes explicites :
«Les consorts Z ne rapportent pas la preuve d'une volonté des consorts Y de rompre l'égalité dans le partage de la succession de Jean-Baptiste Y en détournant à leur profit une partie de cette succession...» (Cour d'appel de Limoges, chambre civile, A24 avril 2014, N° de RG : 12/01168).