Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.
En matière de préjudice écologique, le délai de prescription est régi par l'article 2226-1 du Code civil, introduit par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016, qui consacre ce type de préjudice. Voici les éléments essentiels à connaître :
1. Texte de l'article 2226-1 du Code civil
L'article dispose :
« L'action en responsabilité visant à la réparation du préjudice écologique réparable au sens de l'article 1246 se prescrit par trente ans à compter du fait générateur. »
Ce délai exceptionnel, par sa durée, vise à prendre en compte la nature particulière des atteintes à l'environnement, souvent diffuses, complexes à identifier ou encore évolutives dans le temps.
2. Points clés à retenir
a. Un délai long et spécifique
Le délai de 30 ans est un allongement par rapport à la prescription de droit commun en matière civile (5 ans selon l'article 2224 du Code civil). Ce délai allongé se justifie par la nécessité de :
- Prendre en compte les effets différés ou progressifs des atteintes écologiques (pollution des sols, contamination des nappes phréatiques, etc.).
- Permettre aux victimes, souvent collectives ou représentées par des associations, de réunir les preuves nécessaires.
b. Point de départ du délai
Le délai court à compter du fait générateur du préjudice écologique, c’est-à-dire l’événement ou l’acte qui est à l’origine de l’atteinte à l’environnement (déversement, exploitation industrielle, etc.). Contrairement à d'autres délais de prescription, il ne dépend pas de la date à laquelle le dommage est découvert.
c. Lien avec l'article 1246
Ce délai s’applique uniquement pour les actions visant à réparer le préjudice écologique réparable au sens de l’article 1246 du Code civil, c’est-à-dire une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes.
3. Délais particuliers dans certains cas
a. Prescription pénale
Si l’atteinte écologique constitue également une infraction pénale (par exemple, une pollution relevant du Code de l'environnement), elle peut être poursuivie dans les délais de prescription applicables au pénal :
- 3 ans pour les délits (article 8 du Code de procédure pénale).
- 20 ans pour les crimes environnementaux après les réformes récentes de la justice environnementale.
b. Prescriptions spécifiques prévues dans d’autres textes
Certaines lois spéciales peuvent prévoir des délais différents, notamment en matière de responsabilité environnementale dans un cadre administratif ou contractuel.
4. Risques et enjeux liés à la prescription
a. Difficultés probatoires
Malgré le délai long, le préjudice écologique soulève des difficultés spécifiques pour démontrer :
- Le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage ;
- La gravité de l’atteinte ou son caractère non négligeable.
b. Évolution dans le temps
Le délai de 30 ans est pertinent pour des dommages environnementaux qui évoluent lentement ou qui ne sont constatés que bien après l’événement initial (pollutions des sols, contamination des écosystèmes, etc.). Toutefois, il peut poser des problèmes de conservation des preuves, notamment lorsque les entreprises responsables ont disparu.
5. Conclusion
Le délai de prescription en matière de préjudice écologique est fixé à 30 ans par l'article 2226-1 du Code civil, un délai exceptionnel en droit français. Cette durée reflète la nature particulière des atteintes environnementales, souvent complexes et différées. Il est crucial pour les acteurs concernés (associations, collectivités, entreprises) de prendre en compte ce délai pour agir en responsabilité.