Le partage des responsabilités en cas d’infiltrations liées à une véranda située sur une toiture-terrasse en copropriété.


Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste et docteur en droit privé.



Les infiltrations provenant d'une véranda installée sur une toiture-terrasse soulèvent des questions complexes de responsabilité en copropriété. Ces litiges impliquent souvent plusieurs parties : le Syndicat des Copropriétaires (SDC), le copropriétaire disposant d’un droit de jouissance ou propriétaire de la véranda, et parfois les anciens syndics ou les assurances. Cet article explore les cas de figure possibles, les causes des infiltrations, la procédure à suivre pour régler le litige et les principes de répartition des responsabilités.


1. Définition des cas de figure : parties communes, jouissance privative ou parties privatives ?


La toiture-terrasse d’une copropriété peut relever de plusieurs statuts juridiques, en fonction du règlement de copropriété, ce qui influe directement sur la répartition des responsabilités.

1.1. Toiture-terrasse partie commune

Si la toiture-terrasse est une partie commune, le Syndicat des Copropriétaires est généralement responsable de son entretien et de sa conservation, notamment de l’étanchéité, sauf disposition contraire du règlement de copropriété. Les infiltrations dues à un défaut d’entretien ou à un vice affectant l’étanchéité engageront donc la responsabilité du SDC.

1.2. Toiture-terrasse partie commune à jouissance privative

Dans ce cas, le copropriétaire disposant du droit de jouissance exclusif doit assumer l’entretien courant (nettoyage, usage normal), tandis que le SDC reste responsable des travaux structurels (réfection de l’étanchéité). Une faute du copropriétaire (par exemple, installation non autorisée d’une véranda ou surcharge) pourrait engager sa responsabilité en cas de désordre.

1.3. Toiture-terrasse partie privative

Si la toiture-terrasse est une partie privative, le copropriétaire est pleinement responsable de son entretien et des dommages qu’elle peut causer, sauf à démontrer un défaut structurel affectant les parties communes (par exemple, un défaut d’étanchéité préexistant).


2. Causes fréquentes des infiltrations

Les infiltrations peuvent avoir des origines diverses, impliquant une responsabilité partagée ou exclusive.

2.1. Mauvais entretien de la véranda

Le défaut d’entretien est une cause fréquente. Cela inclut :

  • La détérioration de la structure de la véranda (toit, baies vitrées non étanches).
  • Le vieillissement des matériaux non remplacés. Dans ce cas, le copropriétaire de la véranda est généralement tenu pour responsable.

2.2. Dommages causés par des aménagements privatifs

L’installation de mobilier lourd, de jardinières ou de pots de fleurs sur la toiture-terrasse peut causer une surcharge affectant l’étanchéité ou provoquer des fissures. Ces dommages, attribuables à un usage inapproprié, engagent la responsabilité exclusive du copropriétaire utilisateur.

2.3. Défaut d’entretien des parties communes

Si les infiltrations résultent d’un défaut d’entretien général de la toiture-terrasse ou d’une étanchéité vétuste, le SDC sera tenu responsable. Les anciens syndics peuvent également être appelés en garantie pour leur éventuelle inertie dans la gestion des travaux.


3. La procédure : expertise judiciaire et action devant le tribunal judiciaire

3.1. Expertise judiciaire

La première étape est souvent une expertise judiciaire, ordonnée par un juge des référés à la demande de la partie lésée (généralement le copropriétaire sous-jacent). L’expert doit déterminer :

  • L’origine des infiltrations.
  • La part de responsabilité de chaque partie (SDC, copropriétaire, anciens syndics).
  • Les travaux nécessaires pour remédier aux désordres.

3.2. Action en référé ou au fond

Deux options sont possibles pour obtenir réparation :

  • Référé provision : Action rapide pour obtenir une provision sur les indemnités et ordonner les travaux urgents.
  • Action au fond : Procédure plus longue mais permettant de trancher les responsabilités et de répartir précisément les coûts.

Dans les deux cas, les parties concernées (SDC, copropriétaire du dessus, anciens syndics) peuvent être assignées en intervention forcée.


4. Répartition des responsabilités

La répartition des responsabilités dépend des conclusions de l’expertise et des éléments apportés par chaque partie.

4.1. Copropriétaire de la véranda

Le copropriétaire sera responsable si les désordres proviennent de :

  • Son usage privatif (mobilier, surcharge).
  • Un défaut d’entretien (véranda vétuste, jardinières non entretenues). Sa part de responsabilité pourrait atteindre 100 % si la cause est exclusivement imputable à ses agissements.

4.2. Syndicat des Copropriétaires

Le SDC sera responsable si :

  • Les infiltrations résultent d’un défaut d’entretien des parties communes (étanchéité, structure).
  • Les désordres ont été signalés mais les travaux n’ont pas été réalisés. Dans ce cas, le SDC pourrait être tenu de réparer les dommages subis par le copropriétaire sous-jacent.

4.3. Anciens syndics

Les anciens syndics peuvent être appelés en garantie si :

  • Ils n’ont pas inscrit les travaux nécessaires à l’ordre du jour des assemblées générales.
  • Leur gestion a contribué à l’aggravation des désordres. Leur responsabilité sera proportionnelle à leur période de gestion.

4.4. Assurances

  • Multirisque immeuble : Si le sinistre est couvert (par exemple, dégâts des eaux), l’assureur du SDC pourrait intervenir.
  • Protection juridique : Permet de financer les frais de défense.
  • Assurance privative : Si le copropriétaire dispose d’une assurance habitation incluant une garantie pour les dommages causés à des tiers.


Conclusion

Les litiges liés aux infiltrations provenant d’une véranda sur une toiture-terrasse nécessitent une analyse approfondie des causes et responsabilités. La procédure doit être rigoureusement suivie, avec une expertise judiciaire préalable et une éventuelle action en justice. La répartition des coûts entre le SDC, le copropriétaire fautif, les anciens syndics et les assurances dépendra des faits établis et des documents contractuels ou règlementaires en vigueur. Une coordination efficace entre les parties et leurs conseils juridiques est essentielle pour limiter les coûts et résoudre rapidement le différend.



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