De l’émergence contrariée d’une ONUE ?


L'EMERGENCE D'UNE GOUVERNANCE MONDIALE EN MATIERE D’ENVIRONNEMENT : UTOPIE OU REALITE ?


INTRODUCTION



Les conférences se sont succédées depuis plusieurs années réunissant la plupart des États de la société des Nations Unies sans qu'une véritable institution internationale spécialisée dans le domaine de l'environnement n'ait vu le jour. Le débat semble cependant avoir été relancé par le Président de la République française dans son discours prononcé lors du récent sommet de la terre à Johannesburg puisque ce dernier a évoqué la création d'une organisation mondiale de l'environnement dans les meilleurs délais. Il reste à convaincre nos partenaires - et notamment les Etats Unis - de la nécessité d'une telle institution et de définir ses attributions. Sur ces questions, le consensus est loin d'être établi. 


Malgré les divergences de vues sur les projets à mettre en oeuvre et les objectifs, il existe une réalité qui ne saurait être éludée : les politiques de protection de l'environnement ne sauraient se concevoir sans intégrer le phénomène de mondialisation du droit sous prétexte de querelles "souverainistes". S'il est vrai qu'un tel processus peut à certains égards attiser les craintes face au grand saut vers l'inconnu, il est difficile aujourd'hui d'imaginer une protection de l'environnement qui ferait abstraction de la mondialisation. Celle-ci peut même devenir le terreau fertile d'idées nouvelles et d'institutions qui ne trouveraient pas leur équivalent sur le plan national. 


La création d'une institution internationale spécialisée dans le domaine de l'environnement est un projet passionnant qui stimule déjà les imaginations. Mais dans ce domaine, l'expérience démontre qu'il faut « savoir raison garder » et que les projets les plus révolutionnaires ne sont pas toujours les plus efficaces car ils nécessitent un large consensus qu'ils n'obtiennent que rarement. Il importe avant tout que la cause environnementale progresse et que les États s'impliquent davantage. Plutôt que de leur proposer une solution qui attirera nécessairement leur désapprobation, il serait sans doute plus judicieux de tirer la quintessence des institutions existantes (I) et de la transmettre à une nouvelle entité (II). 


I - L'EMBRYON D'UNE GOUVERNANCE ENVIRONNEMENTALE : 

LE PNUE


Aujourd’hui, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), créé en 1972 lors de la conférence de Stockholm, est la seule institution internationale qui possède un mandat exclusivement environnemental. Toutefois, dans la perspective de la création d’une institution internationale environnementale, le fonctionnement du PNUE, ses missions, ses pouvoirs (A), ses atouts et ses lacunes (B) doivent être attentivement examinés.


A - Missions et pouvoirs du PNUE


La mission principale du PNUE est de catalyser et de coordonner l’action environnementale au niveau mondial dans l’optique d’encourager le développement durable. Il est pour ainsi dire la « conscience environnementale » des Nations Unies.


A ce titre, le PNUE est chargé de coordonner l’action environnementale des différentes agences des Nations Unies afin d’en améliorer l’efficacité. Par ses recommandations, il catalyse les efforts des acteurs internationaux afin d’assurer une certaine cohérence dans la politique environnementale internationale. Le PNUE est en quelque sorte en « veille permanente » puisqu'il contribue à une prise en compte continuelle des considérations écologiques dans toute action sur une échelle globale. 


Une part importante du travail du PNUE est son rôle de surveillance, de contrôle et d’information sur l’état de l’environnement dans le monde. Afin de remplir cette fonction, il dispose de plusieurs réseaux de contrôle qui permettent la publication de rapports sur l’état de la planète. 


Le PNUE a également aidé à élaborer maints programmes et traités dont principalement l’Agenda 21, signé en juin 1992, proclamant l’objectif de développement durable et de nombreux autres instruments internationaux essentiels. 


Enfin, le PNUE approuve le programme d’utilisation du fonds pour l’environnement, fait des prêts, avec la collaboration de la Banque Mondiale et du Programme des Nations Unies pour le Développement, à certains Etats qui ont besoin d’aide pour des projets de protection de l’environnement.


B -  Les acquis et les carences du PNUE


1) Les acquis


Le PNUE dans le cadre des Nations Unies compte un très grand nombre d’Etats membres. Cette assise internationale est un atout sans conteste. Une organisation internationale pour l’environnement ne peut être efficace que si elle comprend, comme le PNUE, une très grande majorité d’Etats. 


Le rôle du PNUE est substantiel dans la collecte d’information. Bien que ce travail de surveillance, de contrôle et d’information ne donne pas lieu à des sanctions ou à l’élaboration de règles contraignantes, il a le mérite de donner une base scientifique sure à toute action étatique ou internationale, de faire pression sur la scène mondiale en informant l’opinion publique sur les urgences écologiques et de mettre l’accent sur les responsabilités des Etats et des acteurs internationaux.


Le PNUE joue également un rôle de moteur qu’on ne peut donc négliger. Il est devenu le premier forum de discussion et de développement du droit international de l’environnement.


C’est enfin le PNUE qui a encouragé et permis l’implication d’acteurs non étatiques dans le processus de développement du droit international de l’environnement. Cette participation des organisations non gouvernementales et des citoyens est à encourager, à plusieurs niveaux, sur le modèle du travail du PNUE, de manière à permettre une grande transparence de l’action en faveur de l’environnement au niveau mondial. 


2) Les carences


Parmi les carences du PNUE, il faut insister sur le fait qu'iil ne dispose ni de pouvoir normatif, ni de pouvoir exécutif. Il se borne à émettre des recommandations non contraignantes, dont la non application par les Etats n’engage absolument pas leur responsabilité au niveau international. Il s’agit d’un réel handicap, même si la multiplication des recommandations agit comme un support à l’évolution des consciences en faveur de l’environnement. 


La composition et l’organisation du PNUE constituent aussi la marque de son manque de légitimité. En effet, alors qu’en droit international le processus de décision est encore exclusivement basé sur la volonté des Etats, le PNUE est composé de membres qui ne représentent justement pas les Etats mais apportent leur expertise dans le domaine environnemental. La place des organisations environnementales au sein du programme est aussi particulièrement importante et effraie les nations. Ainsi, le travail du PNUE découle moins d’un consensus entre personnes juridiques internationales que d’experts, d’ONG et de lobbies environnementaux. 


Au sein des Nations Unies, bien que le PNUE soit le seul organe à avoir un mandat exclusivement environnemental, bien d’autres agences et organes ont un mandat limité en environnement. Cette fragmentation affaiblit le rôle du PNUE. 


Enfin, un des problèmes principaux que rencontre le PNUE est son manque de moyens financiers et son budget trop modeste. Ce budget est en effet abondé par les Nations Unies et par des contributions volontaires. Le PNUE n’étant pas une agence des Nations Unies, elle n’a pas de budget autonome. 


Ces faiblesses montrent que le PNUE ne constitue pas un accomplissement en soi. Il faut toutefois se servir de ses atouts comme d’une base afin de développer un organe plus efficace. Le projet de création d’une organisation internationale s’inscrit dans cette perspective.


II - LES ATOUTS DU PROJET

 D'ORGANISATION MONDIALE DE L'ENVIRONNEMENT (OME)


Le 3 septembre 2002, pendant le sommet de Johannesburg, le Président de la République Française a déclaré que la France soutiendrait un projet de création d’une « organisation mondiale de l’environnement », « pour mieux gérer l’environnement, pour faire respecter les principes de Rio». Le président ne donne pas d’informations supplémentaires mais l'impulsion est donnée ce qui est déjà très important. En revanche, il n'est pas exclu qu'un tel projet mal préparé permette aux hommes politiques d’éviter de régler les vrais problèmes en créant une coquille vide, à défaut d'une véritable réflexion sur ses fonctions et sur ses objectifs. Cela ne se produira sans doute pas si cette organisation est bien pensée et efficace. 


A – Un rôle de catalyseur et d’impulsion du droit international de l’environnement


L'OME pourrait avoir un rôle de diffusion de l'information et de publicité en faveur de l'environnement. Il faudrait continuer à établir un rapport général sur l'activité des États et sur l’état de la planète en favorisant l’accès à ces données à ceux qui en ont l’intérêt, comme les entreprises, les particuliers, les ONG et les autres Etats.


L'OME pourrait être responsable de la coordination lors de l'élaboration des conventions internationales. Comme le suggère Klaus Töpfer, directeur général du PNUE, « la gouvernance internationale de l'environnement a aujourd'hui besoin de davantage de coordination, de cohérence et de simplification. Il est clair que nous n'évitons pas une dispersion contre-productive.». Il paraît alors indispensable de centraliser la création de nouvelles règles environnementales au sein de l’OME. Dans ce sens, la communauté internationale devrait donner le pouvoir à l’OME de codifier le droit international de l’environnement, afin de rassembler et d’organiser les règles existantes, et peut-être de donner une valeur obligatoire à certains principes évoqués maintes fois dans des instruments de « soft-law ». Ce travail entrepris vers la fin des années 80 doit être mené à bien au plus vite au sein de l’OME. 


Il nous paraît également indispensable de conférer à l'OME un pouvoir de recommandation voire un véritable pouvoir de décision en cas d'urgence environnementale. Ce pouvoir permettrait de mettre en place un système de consultation de manière à aider les Etats à comprendre le contenu et l’étendue de leurs obligations. 


B – Un rôle d’aide à l’exécution des obligations environnementales internationales


La bonne application des accords conclus et l’existence de mécanismes d’aide à l’exécution des obligations environnementales doit être une priorité afin de pallier les lacunes actuelles. La solution qui pourrait être choisie pour l’OME serait souple. Il s’agit d’éviter d'appliquer directement des mesures coercitives comme des sanctions pénales, par exemple. Si le problème n'est pas résolu à l'amiable, il serait possible de prévoir une saisine de l’organe de règlement des litiges par les parties signataires. Les nouvelles règles de procédure devront être parfaitement adaptées à la spécificité des litiges environnementaux (experts, rapidité, sanctions appropriées comme par exemple la remise en état et pas simplement le paiement de dommages-intérêts...) Cette procédure devrait permettre un accès aux particuliers et aux entités privées.


Afin de pouvoir mettre en place ces mesures, l’établissement d’un budget cohérent est essentiel. Il s’agit ici de rassembler des fonds suffisants à la bonne marche d’une telle institution. Il faudra également se soucier de la répartition de la participation des Etats, dans la mesure où il paraît injuste d’établir un système égalitaire où chaque Etat aurait les mêmes obligations budgétaires. Les pays en développement, qui sont d’ailleurs généralement moins responsables que les pays industrialisés de la détérioration de la planète, devront une participation bien moins élevée que les pays riches. Une telle répartition aura l’effet de les encourager à faire partie de l’OME. De plus, un système d’aide au financement des projets en faveur de l’environnement devra également être organisé en collaboration avec les institutions financières internationales, telles la Banque Mondiale et le fonds Monétaire International.


Que de vastes projets en perspective mais l'utopie finit toujours par la force de conviction qui l'anime par convaincre les jeunes générations...






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