La subtile distinction entre un jour et une vue et ses conséquences légales.

Par Me Laurent Gimalac, Docteur en droit, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.


Les jours sont des ouvertures ne laissant passer que la lumière. Il est impossible de regarder à travers et  le matériau utilisé doit être translucide et pas transparent. 

La création d'un jour est soumise à des règles moins strictes que la création d'une vue sur un fonds voisin.

L'accord du voisin sera obligatoire uniquement dans le cas d'un mur mitoyen, si il s'agit d'un mur privatif en revanche cet accord n'est pas requis. Mais le voisin pourra neutraliser le jour s'il souhaite édifier sa propre construction.

Ces règles de principe étant exposées, il convient d'entrer dans le détail de la législation et de la jurisprudence en la matière.

1. Les jours sur un mur privatif ou sur un mur mitoyen

Le code civil distingue l'hypothèse d'un mur mitoyen de celle d'un mur privatif pour la création d'une ouverture.

Dans le cas du mur mitoyen, il exige l'autorisation de l'autre voisin pour pratiquer une fenêtre une ouverture de quelque manière que ce soit même un verre dormant. Le voisin dispose donc d'un véritable veto discrétionnaire. Il n'y a que la prescription trentenaire qu'il puisse éventuellement lui permettre d'obtenir gain de cause.

L'article 676 du Code civil s'applique en revanche au mur non mitoyen qui joint immédiatement l'héritage d’autrui.

Il s'agit donc d'un mur privatif qui se situe juste à l'aplomb de la limite de propriété.

Dans ce cas, et sous certaines conditions, il est possible de créer un jour. 

2. Les matériaux imposés

Les rédacteurs du Code civil n'avait prévu que l'hypothèse de certains matériaux : fer maillé et verre dormant.

Mais la jurisprudence tout en restant dans l'esprit du texte, à autoriser d'autres procédés dans l'efficacité est identique. Ainsi par exemple une ouverture en verre dépoli suffisamment épais est considérée comme conforme.  Ce qui retient avant tout l'attention du juge c'est le faite que la vue est bien cachée peu importe le matériau utilisé (Civ. 1re, 22 juill. 1964, D. 1964.710).

Des carreaux en verre translucide mais non transparent seront également considéré comme conformes.

3. Les hauteurs et tailles des jours

Non seulement le jour doit pas permettre d'obtenir une vue sur le fonds voisin mais les juges sont attentifs également au fait qu’ils soient difficilement accessibles (à 2,60 m au-dessus du plancher ou sol de la pièce que l'on souhaite éclairer si c'est au rez-de-chaussée, et à 1,90 m au-dessus du plancher pour les étages supérieurs).

En revanche il n'existe aucune règle précise sur la taille du jour. 

4. L’absence de servitude de vue et ses limites...

Lorsque l'ouverture initiale est juste un jour de souffrance au sens de l'article 676 et  677 du Code civil elle ne peut en principe constituer une servitude de vue. 

Dans ce cas l'ouverture ne permet pas d'apercevoir le fonds voisin en raison de sa hauteur et de la présence d'un grillage. Ou encore en raison de l'absence d'aménagement qui permettrait d'avoir accès à l'ouverture. Elle a  uniquement pour fonction d'apporter de la lumière à l'intérieur d'une pièce.

Mais si l'ouverture n'est pas un simple genre de souffrance ayant pour seule fonction d'apporter de la lumière à l'intérieur de la pièce, il s'agit dans ce cas d'une véritable vue.

La distinction légale entre le jour et la vue est donc parfaitement définie. Mais il peut arriver que la situation évolue au gré des travaux réalisés par le propriétaire de l’immeuble. Ainsi une opération de rénovation peut entraîner la création d'une vue là où il n'existe qu'un simple jour.

Le voisin peut contester cette transformation dès lors qu'il n'avait pas donné l’autorisation.

Parfois il a donné l'autorisation pour une rénovation à l'identique mais le voisin réfractaire décide de passer outre et de créer une véritable vue.

Il appartient dans ce cas de saisir le juge compétent pour déterminer qui a raison ou qui a tort.

Le juge judiciaire, va faire preuve d'un certain pragmatisme.

Tout d'abord en ce qui concerne la qualification de fenêtre, il convient de se rapporter à la description de l’ouvrage pour en tirer les conséquences légales : "De par ses dimensions de hauteur et de largeur, son châssis ouvrant, le vitrage clair dont elle est équipée, cette ouverture doit donc être qualifiée de fenêtre et non de jour de souffrance, d'autant plus qu'elle participe de façon importante à l'éclairement, la luminosité et à l'aération de l'entrée, à la luminosité générale des lieux … » (Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Chambre 1, Arrêt du 25 novembre 2016, Répertoire général nº 14/14102).

De même, "C'est par une motivation qui est approuvée en tous points que le premier juge a qualifié l'ouverture existante sur la façade ouest de la maison de Z…, de jour de souffrance en retenant que cette ouverture se situait à 2,60 m de hauteur, qu'elle était munie de barreaux verticaux et horizontaux, qu'elle ne pouvait s'ouvrir que très partiellement, qu'une vue sur le fonds voisin n'était possible qu'à la condition de se jucher sur un escabeau… » (Cour d'appel de Nîmes, Arrêt du 30 mars 2017, Répertoire général nº 16/02149).

Si les jours ont fait l'objet d'une modification au cours du temps, et se sont transformés en de véritables fenêtres (donc des « vues »), le juge admet parfois la possibilité de prescrire par 30 ans la servitude de vue ce qui permet de se dispenser de l’accord du voisin qui par hypothèse n’aurait pas été donné  (Cour de cassation, Troisième Chambre civile, Arrêt nº 572 du 19 mars 1996, Pourvoi nº 94-16.398).

5. La distinction entre « jours » et « jours de souffrance » 

Certains auteurs font encore une distinction entre les jours, et les jours de souffrance qui par exemple laisser passer l'air et qui ne seraient que des tolérances. Selon eux, dans le cas des jours de souffrance, il ne serait pas possible de perdre de acquérir un droit, le propriétaire du mur privatif ne pouvant se prévaloir de l'établissement d'une servitude à son profit. Mais force est de constater que dans la jurisprudence cette distinction n'est pas toujours faite, et il n'est pas certain qu'elle ait effectivement cette conséquence sur la solution des litiges.


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement et droit communautaire.

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