Le droit d’option de l’héritier : portée et sanctions.

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste Docteur en droit privé


Le droit d’option de l’héritier constitue une prérogative importante dont il importe de connaitre la portée réelle et les limites. 


1° La nature de l’option de l’héritier 


L’article 768 du code civil prévoit que :

"L’héritier peut accepter la succession purement et simplement ou y renoncer. 

Il peut également accepter la succession à concurrence de l’actif net lorsqu'il a une vocation universelle ou à titre universel.

Est nulle l’option conditionnelle ou à terme ».

En principe cette option est indivisible pour l’ensemble de la succession, il faut réserver le cas d’un cumul de vocations successorales.


2° Les délais de l’option : 


Un délai de réflexion est consenti à l’héritier pour qu’il puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause.

L’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession (art. 771 du cc).

Mais des tiers peuvent tirer avantage à ce que la succession soit réglée rapidement. C’est notamment le cas des créanciers ou des autres héritiers.

C’est la raison pour laquelle le code civil prévoit que :

« A l’expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l’initiative d’un créancier de la succession, d’un cohéritier, d’un héritier de rang subséquent ou de l’Etat » (art. 771 du cc).

A l’issue de ce nouveau délai, l’héritier hésitant devra lui-même effectuer des diligences pour conserver sa liberté d’action.

"Dans les deux mois qui suivent la sommation, l'héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu’à la décision du juge saisi » (art. 772 du cc).

L’intérêt de provoquer cette « réaction » apparaît dans la sanction prévue à cet effet. 

Ainsi, « à défaut d’avoir pris parti à l’expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l’héritier est réputé acceptant pur et simple » (art. 772 du cc).

En tout état de cause, lorsque l’héritier n’a pas exercé l’option, et si personne ne lui a demandé de prendre parti, la loi prévoit que « la faculté d’option se prescrit par dix ans à compter de l'ouverture de la succession. L’héritier qui n’a pas pris parti dans ce délai est réputé renonçant » (art. 780 du cc).


3° Le caractère définitif de l’option et sa remise en cause :


En principe l’héritier ne peut revenir sur l’option successorale qui aura un effet rétroactif à la date de l’ouverture de la succession. 

Toutefois, l'erreur, le dol ou la violence reste une cause de nullité de l'option exercée par l'héritier.

L’action en nullité se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’erreur ou le dol a été découvert ou du jour où la violence a cessé (art. 777 du cc).


4° L’option imposée par la jurisprudence ou la loi :


L’héritier négligent peut se voir imposer une option qui en général sera l’acception pure et simple de la succession (ce qui implique le passif successoral également).


- le code civil prévoit à titre de sanction que « sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier » (art. 778 du cc).

- la jurisprudence civile sanctionne également l’héritier négligent qui aurait accepté la succession dans les limites de l’actif net mais qui n’aurait pas ensuite déposé l’inventaire successoral dans le délai de deux mois. 

Ainsi la cour d’appel de Paris rappelle en ce sens que :

"Le banquier qui a octroyé un prêt destiné au financement des travaux de rénovation de la maison d'habitation de l'emprunteur est recevable, après le décès de ce dernier, à agir en paiement à l'encontre de l'un des héritiers. C'est en vain que ce dernier prétend qu'il n'aurait pas qualité à être attrait en justice sous prétexte qu'il aurait accepté la succession de l'emprunteur à hauteur de l'actif net puisqu'il n'a pas accompli les formalités prévues aux art. 788 et suivants du Code civil, notamment du dépôt de l'inventaire successoral dans le délai de deux mois prévu à l'art. 790 du Code civil. En l'espèce et faute d'avoir saisi le juge d'une telle demande, l'héritier est acceptant pur et simple de la succession de l'emprunteur. Toutefois, il n’est tenu à la dette que dans les proportions de sa part dans la succession dès lors qu’il n’y a pas de solidarité entre les cohéritiers » (Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Ch. 9, 22 mai 2014, N° 12/21200).


5° L’option exercée par un tiers (créancier de l’héritier) :


Lorsque l’héritier est négligent et n’accepte pas la succession, cela peut causer un préjudice à leur créancier qui attendent cet enrichissement pour exercer leurs droits à recouvrement.

C’est pourquoi, le code civil a prévu que «  les créanciers personnels de celui qui s’abstient d’accepter une succession ou qui renonce à une succession au préjudice de leurs droits peuvent être autorisés en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son lieu et place » (art. 779 du cc).



© Cabinet de Me Gimalac Avocat - Paris, Lyon, Cannes, Grasse - IDF et French Riviera  - 2022