Loi LRE : restauration ou réparation pécuniaire du préjudice environnemental ?

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.


La loi LRE (n° 2008-757 du 1er août 2008) ne prévoit pas spécifiquement une réparation pécuniaire directe au profit des victimes humaines ou des tiers pour les dommages environnementaux. Au contraire, son objectif principal est la restauration de l’environnement endommagé à son état initial, conformément aux principes énoncés dans la directive 2004/35/CE.

Focus sur la réparation prévue dans la loi :

  • Réparation en nature :
    • La loi privilégie la restauration directe de l’environnement endommagé (réparation dite "primaire").
    • Lorsque la restauration totale n’est pas possible, des mesures complémentaires ou compensatoires doivent être mises en œuvre, comme la création ou la réhabilitation d’un écosystème similaire.
  • Exclusion d’indemnisations pécuniaires pour des tiers :
    • La loi n’organise pas de réparation financière pour les tiers affectés (comme les propriétaires fonciers ou les riverains). Elle se concentre uniquement sur la réparation des ressources naturelles ou des services écosystémiques dégradés.
    • Les demandes pécuniaires pour des dommages subis par des personnes ou des biens doivent être adressées par d’autres voies (comme le droit civil ou administratif).

2. Approche administrative dans la directive européenne

La directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale (transposée par la loi LRE) s’inscrit clairement dans une approche administrative. Elle ne crée pas un régime de responsabilité civile classique, mais impose des obligations aux exploitants professionnels sous le contrôle des autorités compétentes.

Les caractéristiques de l’approche administrative dans la directive :

  • Obligation d’agir sous contrôle des autorités publiques :
    • Les exploitants doivent prévenir et réparer les dommages environnementaux sous la supervision de l’administration compétente, qui peut les contraindre à agir.
    • Par exemple, un préfet peut exiger des mesures de restauration immédiate en cas de pollution grave.
  • Pas d’indemnisation directe des tiers :
    • La directive, comme la loi LRE, ne prévoit pas de réparations pécuniaires directes pour les dommages subis par des individus ou des entreprises.
    • Elle s’intéresse exclusivement aux dommages environnementaux, définis comme les atteintes aux espèces et habitats protégés, aux eaux, et aux sols présentant un risque grave pour la santé humaine.
  • Finalité préventive et réparatrice :
    • La directive ne cherche pas à punir les responsables ou à indemniser les victimes humaines, mais à restaurer l’environnement à son état initial, en mettant en œuvre le principe du pollueur-payeur.

3. Comparaison entre réparation civile et administrative



4. Critiques et limites

Limites de la loi LRE et de la directive :

  • Absence de réparation financière :
    • Ni la loi LRE ni la directive européenne ne permettent aux tiers (riverains, associations, etc.) de réclamer une indemnisation pécuniaire pour les dommages indirects subis.
    • Cela a été perçu comme une faiblesse, notamment en cas de dommages diffus ou cumulés affectant des communautés locales.
  • Approche centralisée par l’administration :
    • La procédure repose fortement sur l’intervention des autorités administratives, qui doivent constater l’infraction, ordonner les mesures et superviser la réparation. Cela peut entraîner des lenteurs ou une inefficacité si les administrations manquent de moyens.

Avantages de l’approche administrative :

  • Rapidité : Les autorités peuvent imposer des mesures urgentes pour prévenir des dommages imminents.
  • Environnement au centre : L’approche évite de réduire l’environnement à une dimension purement économique ou utilitariste, en privilégiant sa valeur intrinsèque.

5. Perspectives et complémentarités

La loi LRE et la directive 2004/35/CE s’inscrivent dans une logique complémentaire aux mécanismes de responsabilité civile (comme ceux introduits par la loi de 2016 sur le préjudice écologique). Leur approche administrative garantit une action rapide pour prévenir ou réparer les dommages graves, tandis que le droit civil permet d’indemniser des tiers lorsque l’environnement a des répercussions sur des intérêts humains.

En somme, la loi LRE et la directive européenne sont des outils essentiels pour gérer les dommages environnementaux graves, mais elles doivent être complétées par d’autres régimes juridiques pour garantir une protection globale de l’environnement et des victimes humaines.


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