Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement.
Origine et raison de la réglementation
L'exploitation des carrières, par la nature de ses activités, génère des émissions de poussière qui peuvent poser des risques significatifs pour la santé publique et l'environnement. Les particules fines, notamment, sont particulièrement dangereuses lorsqu'elles sont inhalées, pouvant entraîner des affections respiratoires graves pour les populations vivant à proximité des sites d'exploitation. En outre, ces poussières peuvent causer des nuisances visuelles, des dépôts indésirables sur les propriétés voisines, et affecter la qualité de l'air. Afin de limiter ces impacts, la réglementation française, incarnée par l'arrêté du 22 septembre 1994, impose des mesures strictes aux exploitants pour contrôler et réduire ces émissions.
Types de contraintes pour l'exploitant
L'exploitant d'une carrière est soumis à plusieurs obligations visant à prévenir et limiter les émissions de poussières. Ces obligations s'appliquent à la conception, à la construction et à l'exploitation de l'installation, ainsi qu'à la maintenance des dispositifs mis en place :
- Conception et construction de l'installation : L'installation doit être conçue de manière à intégrer des dispositifs de réduction des émissions de poussières. Ces dispositifs doivent être aussi complets et efficaces que possible, et la conception doit permettre d'effectuer les opérations de nettoyage et de maintenance dans les meilleures conditions d'hygiène et de sécurité pour les opérateurs (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.1).
- Entretien régulier des dispositifs de réduction des poussières : Il est impératif que les dispositifs installés pour limiter les émissions de poussières soient entretenus régulièrement. Les rapports d'entretien doivent être disponibles pour l'inspection des installations classées, garantissant ainsi la traçabilité et l'efficacité continue des mesures prises (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.1).
- Prévention des envols de poussières : Plusieurs mesures spécifiques doivent être mises en œuvre pour prévenir les envols de poussières, en particulier sur les voies de circulation et les aires de stationnement. Ces mesures comprennent :
- Aménagement et nettoyage des voies de circulation : Les voies internes et les aires de stationnement doivent être aménagées pour minimiser la production de poussières. Elles doivent également être nettoyées régulièrement pour éviter toute accumulation de poussières susceptibles d'être dispersées (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.2).
- Adaptation de la vitesse des engins : La vitesse des engins sur les pistes non revêtues doit être ajustée pour réduire le soulèvement des particules. Cette mesure simple mais efficace permet de limiter les émissions de poussières dues aux mouvements des véhicules (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.2).
- Nettoyage des véhicules sortants : Les véhicules quittant l'installation doivent être exempts de poussières ou de boue. Pour ce faire, des dispositifs de nettoyage, tels que des systèmes de lavage des roues, doivent être installés à la sortie de l'installation (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.2).
- Transport des matériaux fins : Les matériaux de granulométrie fine (≤ 5 mm) doivent être transportés dans des bennes bâchées ou aspergées pour éviter leur dispersion. D'autres dispositifs équivalents peuvent également être utilisés à condition qu'ils soient tout aussi efficaces (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.2).
- Dépoussiérage des engins de forage : Les engins de forage doivent être équipés de dispositifs de dépoussiérage pour capturer les poussières émises lors du forage des trous de mines, empêchant ainsi leur dispersion dans l'air (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.2).
- Plan de surveillance des émissions de poussières : Pour les carrières dont la production annuelle excède 150 000 tonnes, l'exploitant doit établir un plan de surveillance des émissions de poussières. Ce plan, qui est tenu à la disposition de l'inspection des installations classées, doit inclure une description des zones d'émission, des conditions météorologiques, du choix des emplacements des stations de mesure, et du nombre de ces stations (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.5).
Paramètres de surveillance et campagnes de mesures
Le suivi des émissions de poussières se fait par des campagnes de mesure régulières, organisées selon des modalités précises :
- Fréquence et durée des campagnes : Les campagnes de mesure doivent être réalisées tous les trois mois, chaque campagne durant 30 jours. Si les résultats sont inférieurs aux valeurs limites durant huit campagnes consécutives, la fréquence peut être réduite à deux campagnes par an. Cependant, en cas de dépassement des seuils réglementaires, la fréquence redevient trimestrielle (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.6).
- Normes de mesure : Les mesures des retombées atmosphériques totales doivent respecter la norme NF X 43-014 (2017), avec un objectif de 500 mg/m²/jour en moyenne annuelle pour les jauges placées dans les zones sensibles. En cas de dépassement, des mesures correctives doivent être rapidement mises en œuvre (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.7).
- Suivi météorologique : Les conditions météorologiques, telles que la direction et la vitesse du vent, la température et la pluviométrie, doivent être enregistrées sur le site avec une résolution horaire minimum. Cela permet de corréler les niveaux d'empoussièrement avec les conditions climatiques et de mieux comprendre les sources d'émission (Arr. 22 sept. 1994, art. 19.8).
Rôle et définition du plan de surveillance
Le plan de surveillance est un outil clé pour assurer un suivi rigoureux des émissions de poussières. Il doit inclure :
- Stations de mesure témoins : Au moins une station de mesure témoin, située dans une zone non impactée par l'exploitation, pour servir de référence.
- Stations proches des zones sensibles : Si nécessaire, des stations de mesure doivent être installées à proximité immédiate des bâtiments sensibles (crèches, écoles, centres de soins) ou des habitations situées sous les vents dominants, à moins de 1 500 mètres des limites de l'exploitation.
- Stations en limite de site : Des stations doivent également être placées en limite du site, sous les vents dominants, pour mesurer l'impact direct des activités extractives.
Le plan de surveillance est un document évolutif, ajusté en fonction des résultats obtenus et des modifications éventuelles dans les conditions d'exploitation ou les normes réglementaires.
Conclusion
L'exploitation des carrières implique des responsabilités cruciales pour minimiser les émissions de poussières, un enjeu majeur pour la santé publique et l'environnement. La réglementation impose aux exploitants de mettre en place des mesures préventives rigoureuses dès la conception de l'installation, de surveiller constamment les émissions, et d'adopter des pratiques d'entretien régulières. Ces actions permettent non seulement de respecter les exigences légales, mais aussi de garantir une exploitation durable et respectueuse des populations riveraines.
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement.