Quelle indemnité pour un trouble anormal du voisinage ?


Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, Lauréat et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



Toute victime d’un trouble anormal du voisinage s’interroge sur les suites à donner en fonction de la réponse à cette question clef : quelle indemnité peut-il obtenir auprès d'un juge ?

Le code civil ne prévoit pas pas de méthode de calcul, pas plus qu’il n’existe de barème officiel. En effet, les situations sont trop diverses pour pouvoir faire une évaluation de chaque cas. On peut cependant donner un ordre d’idée à partir de quelques exemples issus de la jurisprudence.


1° l’indemnisation d'une perte de vue


Quand les photographies produites mettent en évidence un trouble de voisinage  et que la vue dégagée dont bénéficiaient les requérants auparavant depuis leur jardin est maintenant considérablement réduite, il est possible de demander réparation. 


Cependant le terrain des voisins étant constructible, les revendiquants ne pouvaient ignorer qu’ils ne disposaient pas d’un droit acquis à conserver une vue dégagée.


Dès lors, l’allocation allouée à titre de dommages et intérêts a donc été évaluée à 10 000 euros (CA Toulouse 19 oct. 2015).


Une construction nouvelle entraînant la perte d’une belle vue sur les toits et clochers de la basilique de Paray-le-Monial a causé une dépréciation de l’immeuble voisin, indemnisée à hauteur de 13 000 € à titre de dommages et intérêts (CA Dijon, ch. B, 10 juill. 2007).


La construction d'un immeuble collectif à l'immédiate proximité d'une villa est cause de nuisances multiples : préjudice esthétique dû à un haut mur pignon, une perte importante de luminosité, la création de vues directes, des contraintes imposées par l'entretien et le ravalement du mur. Ces préjudices induisent une dépréciation de la valeur de la villa de l’ordre de 20 %Le constructeur de l’immeuble a été condamné à payer à son voisin la somme de 52 000 € en réparation de la dépréciation du bien (CA Pau, 1re ch., 20 févr. 2006).


En revanche, l’indemnité sera plus modeste dans une zone d’urbanisation récente, en l’espèce un lotissement soumis à une réglementation et à un plan d’urbanisme qui offrent une perspective d’évolution tout à fait prévisible. Le désagrément subi qui résulte de la vision d’un mur de façade non crépi d’une hauteur excessive, faisant obstacle à la projection du soleil en fin d’après-midi compte tenu de son implantation ouest par rapport à la parcelle, pourra être réparé par une indemnité de 2 500 euros prenant en compte le caractère provisoire du trouble par l’obligation pour faire cesser le préjudice de ramener la hauteur de la construction à celle autorisée par les règles d’urbanisme (CA Nîmes, 14 nov. 2013).


2° le trouble anormal du voisinage résultant des nuisances sonores générées par les véhicules poids-lourds


L'expert avait constaté un dépassement de l'émergence réglementaire du bruit et que l'activité provoquait de la poussière particulièrement gênante par vent du nord et des odeurs de gaz d'échappement outre des vibrations ponctuelles du sol en relevant que l'effet le plus direct des bruits et accessoirement des vibrations était de réveiller les demandeurs à partir de 6 heures et d'empêcher les occupants de dormir fenêtre ouverte. L’indemnisation du préjudice de jouissance a donné lieu à l’octroi de 20 000 euros pour chacune des victimes (CA Grenoble, 12 janvier 2016).

En conclusion, les plaignants devront constituer un bon dossier pour obtenir la meilleure indemnisation, ce qui suppose un PV de constat d’huissier initial, puis un second PV de constat après la construction de l’édifice litigieux, et enfin un rapport d’expertise permettant d’évaluer le préjudice et son montant.


Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste - docteur en droit privé et Ancien ATER à l’Université de Nice.



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