La motivation d’une sanction disciplinaire est essentielle pour garantir la transparence de la décision et permettre à l’agent concerné de comprendre précisément les motifs de la mesure prise à son encontre. Cet article explore l’obligation de motivation des sanctions, les critères qu’elles doivent remplir pour être valides, et les conséquences en cas de défaut de motivation, avec une analyse de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 28 juin 2021 (M. A., n°20MA00164).
I - L’obligation de motiver une sanction : une exigence encadrée par les textes
Dans chaque versant de la fonction publique, l’obligation de motiver une sanction disciplinaire est clairement établie :
- Fonction publique territoriale : article 36-1 du décret n°88-145 du 15 février 1988 ;
- Fonction publique de l’État : article 43-2 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;
- Fonction publique hospitalière : article 39 du décret n°91-155 du 6 février 1991.
Cette obligation impose à l’autorité disciplinaire de détailler les faits et motifs justifiant la sanction dans la décision même, afin que l’agent concerné puisse, dès notification, comprendre les raisons de cette sanction (CE, 28 mai 1965, Minaire). La loi renforce ainsi les droits de la défense en permettant à l’agent de contester la décision de manière éclairée.
II - Le contenu de la motivation : des précisions essentielles
Pour qu’une motivation soit valable, elle doit contenir certains éléments précis. En plus de viser les textes légaux applicables, notamment le code de la fonction publique, elle doit détailler les griefs retenus :
- Description détaillée des faits reprochés : Il ne suffit pas de mentionner des manquements en termes vagues ; les faits doivent être décrits précisément, avec les dates ou périodes concernées et les circonstances précises des comportements incriminés.
- Référence aux documents probants : Lorsqu’une décision se réfère à des rapports ou témoignages pour étayer les griefs, ces documents doivent être annexés ou cités de manière accessible pour l’agent concerné.
Dans l’arrêt du 28 juin 2021, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé la sanction disciplinaire infligée à M. A., un assistant d’éducation, pour insuffisance de motivation. La décision de sanction prononcée par le proviseur du lycée ne répondait pas aux exigences de précision, comme l’a relevé le juge.
La Cour a estimé que la décision n’était pas motivée de manière suffisamment circonstanciée : elle se bornait à énumérer des comportements jugés « inadaptés » sans fournir de détails sur leur nature, les dates ou la fréquence des faits. Par exemple, les griefs tels que « manquements à l’obligation de neutralité » et « refus de se conformer aux instructions » étaient invoqués sans préciser les actions incriminées, les procédures non respectées, ni même la période durant laquelle les faits s’étaient déroulés. De plus, bien que le proviseur ait mentionné des rapports et témoignages, ces éléments n’étaient ni annexés ni joints à la décision, ce qui empêchait M. A. de comprendre précisément les reproches.
La Cour a également relevé que des témoignages sur le comportement de M. A. au sein de l’établissement manquaient de cohérence et de précision, et n’apportaient pas de preuves suffisantes pour justifier la sanction d’exclusion temporaire. En l’absence de preuves matériellement établies et circonstanciées, la Cour a conclu à une insuffisance de motivation de la décision de sanction et a prononcé son annulation.
III - Conséquences de l’absence ou de l’insuffisance de motivation
Lorsque la motivation est absente ou insuffisante, la sanction encourt plusieurs risques :
- Annulation de la décision par le juge administratif : Une sanction insuffisamment motivée peut être annulée, comme dans le cas de M. A., car elle est perçue comme arbitraire et en violation des droits de la défense. Une telle annulation oblige l’administration à revoir sa procédure, voire à reprendre la procédure disciplinaire si elle souhaite maintenir la sanction.
- Préjudice moral et indemnisation : Dans certaines affaires, l’annulation d’une sanction insuffisamment motivée peut également donner lieu à des indemnisations pour le préjudice moral ou professionnel subi par l’agent. Dans l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille, M. A. a obtenu une indemnité pour le préjudice moral résultant de la sanction injustifiée, qui avait affecté sa réputation professionnelle.
En conclusion, l’obligation de motivation des sanctions disciplinaires est une garantie essentielle de justice et de transparence pour les agents publics. Une motivation insuffisante non seulement viole le droit à la défense, mais expose également l’administration à des recours qui peuvent coûter cher en termes de temps, de crédibilité et de dommages-intérêts.
Me Laurent GIMALAC
Avocat spécialiste, Docteur en droit,
Ancien chargé de cours à l’UNSA.