De l’acceptation tacite de la succession : l’héritier malgré lui.

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste Docteur en droit privé




L’acceptation d’une succession est un acte important dont les conséquences peuvent être graves pour l’héritier (une acceptation simple implique le règlement des créanciers du de cujus par exemple). 

L’article 785 du cc dispose en effet que « L’héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent".

L’article 786 du cc précise même que "L'héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif net".

C’est la raison pour laquelle certains héritiers hésitent à accepter la succession, et préfèrent opportunément jouer sur l’ambiguïté en occupant par exemple les biens, ou en détournant des meubles, etc.

Le législateur a trouvé une parade efficace contre ce genre de stratégie dilatoire : l’acceptation tacite.

Dès lors qu’une personne  se comporte comme un héritier il peut sous certaines conditions être réputé avoir accepté la succession.

Une distinction subtile est faite entre les actes anodins purement conservatoires qui n’emportent pas cette acceptation de la succession et ceux qui peuvent entraîner l’acceptation de la succession.


I - LES ACTES PUREMENT CONSERVATOIRES


L’article 784 du cc dispose ainsi que « Les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d’administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n’y a pas pris le titre ou la qualité d’héritier ». Les autres actes nécessitent l’autorisation du juge.


Sont réputés purement conservatoires :

1° Le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent ;

2° Le recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux ou la vente des biens périssables, à charge de justifier que les fonds ont été employés à éteindre les dettes visées au 1° ou ont été déposés chez un notaire ou consignés ;

3° L'acte destiné à éviter l'aggravation du passif successoral ;

4° Les actes liés à la rupture du contrat de travail du salarié du particulier employeur décédé, le paiement des salaires et indemnités dus au salarié ainsi que la remise des documents de fin de contrat.


L’article 784 du cc ajoute que :

"Sont réputés être des actes d'administration provisoire les opérations courantes nécessaires à la continuation à court terme de l'activité de l'entreprise dépendant de la succession.

Sont également réputés pouvoir être accomplis sans emporter acceptation tacite de la succession le renouvellement, en tant que bailleur ou preneur à bail, des baux qui, à défaut, donneraient lieu au paiement d’une indemnité, ainsi que la mise en oeuvre de décisions d’administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise".


II - LES ACTES QUI TRAHISSENT UNE ACCEPTATION TACITE DE LA SUCCESSION


La jurisprudence a élaboré une casuistique permettant de détecter les véritables acceptants.

Ainsi elle a jugé par exemple que la prise de possession de biens héréditaires, mobiliers ou immobiliers, valait acceptation tacite de la succession et fait du successible un héritier pur et simple (Cassation civ. 8 nov. 1887,  Cour d’appel de Paris, 24 déc. 1949).

De même, la vente des biens de la succession vaut acceptation tacite de celle-ci  ( Civ. 18 févr. 1880 ou Paris, 27 avr. 1964).

Enfin, la jouissance exclusive du bien et des fruits peut révéler une acceptation tacite. 

tel est le cas lorsque le successible s’est attribué, depuis le décès de son auteur, la jouissance exclusive de l’immeuble dépendant de la succession, dont il n’était copropriétaire que pour un quart, qu’il s’est approprié les fruits divisibles de cet immeuble (Req. 18 avr. 1866, DP 1866. 1. 346).

Plus récemment, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé que « Si le fait de défendre à une action intentée par le créancier d’une succession n’a, par lui-même, qu'un caractère conservatoire et n'implique pas l'intention d'accepter la succession, il en est autrement lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une demande principale dont la reprise par les héritiers caractérise de leur part une acceptation tacite de la succession." (Cour d’appel d’Aix-en-Provence , 10e chambre, 14 juin 2006, N° de RG: 99/09967).

Dès 1992, la cour de cassation reconnaissait également que le congé valant offre de vente donné en qualité de propriétaire indivis témoignait d’une volonté claire de se conduire en héritier pur et simple (Cass. civ. 17-03-1992, n° 90-14.547).

Dans la liste des actes de disposition, il convient de ne pas omettre également  la transaction souscrite entre un héritier et une autre personne relativement à la composition et la propriété de l’actif successoral ou qui entérine une renonciation à un leg (Cass. civ 1re ch. 26 juin 2012).

Il importe peu que l’acte n’ait finalement pas été exécuté ou qu’il en soit resté au simple stade de le tentative (Voir Dijon, 22 nov. 1934, S. 1935. 2. 13).

On ne saurait donc impunément tromper les tiers sur sa qualité, l’utilisation des biens comme le maître des lieux, équivaut à accepter la succession purement et simplement, avec toutes les conséquences que cela implique notamment en terme de contribution aux dettes.



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