Climatiseurs et copropriété : attention au strict respect du règlement et à ne pas gêner ses voisins...


Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste et docteur en droit privé.



L'installation par les copropriétaires sur lui lot d'un climatiseur est devenue une pratique courante. Pour autant, certains d'entre eux ne respectent pas toujours les règles applicables en la matière et pensent ne courir aucun risque. Il n’en est rien, les sanctions peuvent être très sévères si elles sont mises en oeuvre par le syndicat de copropriété. Par ailleurs, même en cas d’autorisation de l’installation par l’assemblée générale, on n’est pas à l’abri d’une décision d’opposition de  la Commune ou encore d’un recours d’un copropriétaire qui peut solliciter l’annulation de cette autorisation devant le tribunal judiciaire. Il convient donc de faire le point sur les règles à respecter ainsi que sur les recours contentieux.


I - LA DEMANDE D’AUTORISATION : UN PRÉALABLE OBLIGATOIRE MAIS PAS TOUJOURS SUFFISANT


1°/ La demande d’autorisation en assemblée générale


Suivant la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (art. 25 b), le copropriétaire doit obtenir l’autorisation en assemblée générale pour les installations de climatiseurs. En cas contraire, le syndicat des copropriétaires dispose de 10 années pour réclamer la remise en état des lieux (art. 42 de la même loi).


L’autorisation doit donc être obtenue auprès de l’assemblée générale des copropriétaires avant l’installation du climatiseur en respectant les prescriptions du règlement (qui peut interdire par exemple l’installation en hauteur).


La pose d’un système de climatisation affectant le balcon et le mur de façade nécessite une autorisation de l’assemblée générale (CA Montpellier, 1re ch., sect. D, 22 janv. 2013, n° 11/05335 :JurisData n° 2013-007162 ; Loyers et copr. 2013, comm. 257, G. Vigneron).


L’implantation d’une climatisation sur la façade de l’immeuble est de nature à nuire à l’harmonie générale de l’immeuble : « Attendu qu’ayant constaté que le mur extérieur sur lequel Mme X... souhaitait implanter un groupe de climatisation était une partie commune de l’immeuble en copropriété et souverainement relevé que l’installation projetée nuisait à l’esthétique générale de cet immeuble, le règlement de copropriété stipulant que chaque copropriétaire ne pourra rien faire qui puisse changer l’aspect général du groupe d’immeuble, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; » (Civ. 3ème 18/02/2004, N° 02-15.147).


A défaut de respect du règlement, le syndicat de copropriété peut exiger le retrait du climatiseur même des années après, et même si d’autres copropriétaires indélicats ont également installé leur propre climatiseur sans respecter les règles (Voir CA Aix-en- Provence, Ch. 1 C, arrêt n° 2014/643, RG n° 13/17596).


Le syndicat peut tout aussi bien se retourner contre le propriétaire ou contre son locataire (par exemple le titulaire d’un bail commercial). Le copropriétaire est responsable du fait des agissements de son locataire. C’est ce qu’a jugé notamment la cour d’appel de Paris (CA PARIS, 14ème ch. A, 19 mars 2008, n° 07/18441) en retenant que constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés, sur le fondement de l’article 809 alinéa 1 du CPC, peut faire cesser, le fait pour une société titulaire d’un bail commercial qui lui a été consenti par une copropriétaire, d’avoir procédé à l’installation d’appareils de climatisation dans une courette relevant des parties communes de la copropriété, sans l’autorisation préalable de l’assemblée générale, en violation des disposition de la loi du 10 juillet 1965, du règlement de copropriété et de plusieurs résolutions de l’assemblée générale.


Il peut aussi demander la fixation d’une somme d'argent par jour de retard ce qui rend la décision rendue d’autant plus contraignante et efficace (l’injonction du juge peut-être assortie d'une astreinte, Voir en ce sens, CA Paris, 23e ch. B, 7 juin 2001, SARL Dominique Planche Publicité c/Syndic. 29 rue de l'Université à Paris : Juris-Data n° 2001-146796).


Quand la période d'infraction s’étale sur plusieurs années, et que le copropriétaire indélicat refuse de retirer le climatiseur même après une première condamnation, le mécanisme de l’astreinte peut entrainer le règlement d’une coquette somme : par exemple, la Cour d'appel Aix en Provence a  liquidé une astreinte au montant de 93 750 € sur une période s’étalant du 22 octobre 2000 17 au 31 octobre 2018 (CA Aix en Provence, 17 décembre 2020, décision SCI ONDINE / PORTOFINO).


Par ailleurs, une autorisation pour un climatiseur ne vaut pas autorisation pour un second climatiseur et il convient d'être très vigilant sur le respect de la résolution qui a été votée.


Enfin, dès lors que les travaux n’ont pas fait l’objet d’une autorisation de l’assemblée générale (autorisation qui ne saurait être implicite : Cass. Civ. 3ème, 28 mars 2007, n° 06-11947 : Juris-Data n° 2007-038300), ils constituent un trouble manifestement illicite, justifiant pleinement l’action du syndicat des copropriétaires devant le juge des référés.


2°/ Le respect des règles d'Urbanisme


L'autorisation de l'assemblée générale ne dispense pas le propriétaire, du respect des règles d'urbanisme dans sa commune.


En vertu de l'article R. 421-17 du code de l’urbanisme, la déclaration préalable de travaux est exigible, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, pour la construction, modification ou rénovation de toutes les constructions, en cas de modification de l'aspect extérieur d'un bâtiment existant.


Tout équipement installé à l'extérieur d'un bâtiment et ayant pour effet de modifier son aspect doit faire l'objet d'une déclaration préalable (ex : pour des panneaux photovoltaïques voir en sens, TA Toulon, ord., 9 juill. 2010, Préfet du Var, n°1001373).


La doctrine administrative considère depuis longtemps que : "l'installation de climatiseurs démontables ou non sur les façades des immeubles est soumise à une déclaration de travaux" (Question n°103197 publiée que JO AN du 5 septembre 2006 p. 9297). 


Il faut être vigilant car certaines communes dans leur plan local d'urbanisme interdisent les climatiseurs disposer en hauteur sur un immeuble.


Par exemple, le PLU peut exiger :  « Les groupes de climatisation et les pompes à chaleur seront implantés dans le corps du bâtiment ou en pied de façade alors dissimulés dans un coffret adapté afin de réduire les nuisances visuelles et sonores. » 


Un climatiseur installé en hauteur contreviendrait à cette disposition impérative.


Beaucoup de copropriétaires s'affranchissent de cette condition dès lors qu'ils disposent de l'autorisation de la copropriété or c'est une erreur fatale. En effet un voisin aurait parfaitement le droit de saisir les services de la municipalité pour demander la verbalisation de l'infraction aux règles d’urbanisme. Par ailleurs même si la municipalité n'a pas opposé d'objection à la déclaration préalable la décision tacite de faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif compétent, afin de demander son annulation.



II - LA RESPONSABILITÉ POUR CAUSE DE TROUBLE ANORMAL DU VOISINAGE


Même si l’assemblée donne son aval, le copropriétaire n’est pas à l’abri de toutes poursuites. En effet, un voisin peut considérer que le climatiseur lui cause un préjudice, et constitue un trouble anormal du voisinage.


Il a été jugé que l'autorisation donnée par un voisin d'installer un climatiseur sur un mur donnant directement sur une cour commune ne comportait pas l'acceptation du bruit du fonctionnement de cet appareil, s'il s'avère gênant (Voir Dijon, 8 oct. 1968: Gaz. Pal. 1968. 2. 390).


Le voisin dispose alors d’un délai de 5 ans pour invoquer le trouble anormal et le faire sanctionner. Ainsi même si le projet a été validé par l’assemblée des copropriétaires, il restera le risque d’une action pour trouble anormal du voisinage plusieurs années après.



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