Par Laurent GIMALAC, Docteur en droit, Lauréat et Avocat spécialiste en droit de l’environnement.
Par une récente décision, le tribunal administratif de Nice a annulé en 2018 l’arrêté préfectoral de transfert du MIN de Nice vers la Commune de La Gaude. le dossier examiné par les juges comportait en effet une grave omission : l’absence d’étude d’impact du projet sur une zone pourtant classée NATURA 2000. Cette décision rappelle une nouvelle fois toute l’importance que revêtent aujourd’hui les règles environnementales y compris sur dans des processus économiques de grande ampleur.
Ceci nous amène à rappeler quelques principes élémentaires applicables à ce type de litige.
1. De l’étude d’impact à la française à l’étude d’impact dictée par l’Union européenne
La France a intégré dans son droit interne la directive Etude d’impact n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 relative à l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
La directive du 27 juin 1985 distingue selon que le projet relève de ses annexes I ou II. Les projets énumérés à l’annexe I sont soumis à évaluation environnementale et ceux inscrits à l’annexe II, sont laissés à la discrétion de l’Etat.
Pour l’examen au cas par cas ou la fixation de seuils et de critères, les Etats membres doivent s’assurer que le maître d’ouvrage a fourni les critères de sélection énoncés à l'annexe III de la directive.
Les projets inscrits au tableau annexé à l'article R. 122-2 I du code de l’environnement sot soumise à l’étude d’impact. Il en va de même pour les modifications ou extensions des PTOA (projet de travaux, ouvrage ou aménagement) lorsqu’elles répondent en elles-mêmes aux seuils de soumission à l’étude d’impact.
Il faut noter que le contentieux de l’étude d’impact a également été modifié.
En effet,« Tout recours contentieux contre la décision imposant la réalisation d’une étude d’impact doit, à peine d’irrecevabilité, être précédé d'un recours administratif préalable devant l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement qui a pris la décision » (art. R. 122-3 V C. envir.).
Il est également prévu au bénéfice du pétitionnaire une mesure préventive.
L’article R. 122-4 du code de l'environnement dispose - conformément à l'article L. 122-1-2 et sans préjudice de la responsabilité du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage - que le demandeur peut demander auprès de l'autorité administrative un avis sur le degré de précision des informations contenues à l'étude d'impact.
Il s’ensuit que le domaine de l’étude d’impact a été élargi par suite de l’application de la directive européenne.
2. Zone NATURA 2000 et appréciation de l’impact d’un projet
Le réseau NATURA 2000 doit-être créé en application de la directive Habitats (directive modifiée 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages du 21 mai 1992).
La France a été condamnée en 2000 pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires à l’application de la directive sur la conservation des habitats naturels. Elle a donc du rattraper son retard.
La transposition de la directive a été assurée en droit interne par les articles L. 414-1 et suivants du code de l’environnement.
NATURA 2000 réunit des zones de protection spéciale (ZPS) prévues par la directive Oiseaux (directive 2009/147/CE du 30 nov. 2009 remplaçant la directive CEE/79/409 du 2 avr. 1979) et des zones spéciales de conservation (ZSC) de la directive Habitats.
La directive prévoit des obligations de faire et de ne pas faire ainsi que des « mesures de sauvegarde» (article 6 de la directive Habitats) applicables aux sites dès lors qu’un plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site est « susceptible d’affecter ce site de manière significative ».
Une évaluation des incidences doit alors être effectuée.
3. Transposition des dispositions protectrices à la création d’une ZAC en zone NATURA 2000
Le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la création d’une ZAC en zone NATURA 2000.
Il avait considéré que la seule prise en compte de la faible superficie des surfaces d’un site Natura 2000 affectée par un projet de ZAC « ne permettait pas de conclure à l’absence d’effets significatifs du projet sur le site ».
Il a jugé que cette évaluation devait prendre en compte les mesures de nature à supprimer ou réduire les effets dommageables du projet sur le site, à l’exception d’éventuelles mesures compensatoires (Arrêt rendu par Conseil d’Etat, 13-12-201, n° 349541).
Il est important de rappeler que selon la haute juridiction a tenu à préciser au sujet de l’étude d’impact que,
« une telle évaluation ne saurait se fonder sur le seul rapport entre la superficie d’habitats naturels affectée et la superficie du site lui-même ; que, dès lors, en se fondant sur le caractère très limité des espaces affectés par le projet par rapport à la superficie totale du site d’intérêt communautaire pour apprécier si la réalisation de la zone d'aménagement concerté était de nature à porter atteinte à l'état de conservation du site concerné, la cour a méconnu les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement".
En conclusion, compte tenu de ces précédents jurisprudentiels il était prévisible que le projet de transfert d’un MIN en zone NATURA 2000 sans réelle étude d’impact soit considérée comme illégale. On ne saurait donc être trop vigilant sur le « ficelage » de cette opération d’ampleur lorsqu’elles ont un impact sur la protection de l’environnement.