Bornage judiciaire en cas de propriété démembrée ou en indivision.

Par Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et docteur en droit.


La demande de bornage doit être faite par le propriétaire du tènement immobilier (art. 646 du code civil). A défaut de justifier de sa qualité de propriétaire sa demande est irrecevable (par ex. le locataire). L’action est donc soumise à la condition de produire l’attestation notariée, le titre ou encore la formalité de publicité foncière.

Il existe des cas particuliers qui peuvent poser difficulté.


I - LE TITULAIRE D’UN DROIT DÉMEMBRÉ


Suivant la jurisprudence, le titulaire d'un droit réel démembré (usufruitier, usager, emphytéote), dont l'objet inclut toute l'assiette de la propriété concernée par la demande, dispose de la qualité et du pouvoir pour agir en bornage (Civ. 27 oct. 1948, S. 1949. 1. 141). Mais s’il agit seul, le bornage ne sera pas opposable au titulaire du droit concurrent.  Ainsi il a été jugé que le bornage consenti par le seul usufruitier ne sera pas opposable au nu-propriétaire tiers à l'acte, sauf existence d'un mandat spécial conclu à cet effet (C. civ., art. 1165, Cour d’appel de Pau, 1re ch., 29 juin 2010, RG no 09/01810). 

Il est donc vivement conseillé soit de s’associer l’action du titulaire de ce droit, soit de l’assigner pour qu’il soit présent dans la procédure et qu’elle lui soit opposable. 


III - LES EPOUX COMMUNS EN BIENS


Les deux époux communs en biens, propriétaires du terrain, doivent participer au bornage. En effet, celui qui aurait été omis pourrait agir en annulation du procès-verbal de bornage qu'il n'aurait pas signé dans les conditions de l'article 1427 du code civil. Bien évidemment, la solution eut été différente si le bien était un bien « propre » acquis antérieurement au mariage ou un bien détenu par l’un des deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens.


III - LE TITULAIRE DE DROITS INDIVIS


Le titulaire d’un droit indivis peut-il agir seul ? 

Depuis la loi du 23 juin 2006, il est admis l'action d'un indivisaire, « nécessaire à la conservation des biens indivis », même si les mesures à prendre « ne présentent pas un caractère d'urgence ».

De même, un ou des indivisaires « titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité, effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis » même dans le cas où le consentement de tous les co-indivis était normalement requis.

Toute la question était de savoir si l’action en bornage relevait de l’une ou l’autre catégorie.

La Cour de cassation a semblé hésité et admis largement le droit d’action ((Civ. 3e, 31 oct. 2012, no 11- 24.602) pour finalement trancher en faveur de la qualification de l’acte d’administration qui ne peut être accompli que si l’indivisaire dispose des deux tiers des parts (Civ. 3e, 12 avr. 2018, no 16-24.556).

Ainsi dans l’hypothèse assez fréquente d’un tènement appartenant pour moitié à deux indivisaires, le second peut bloquer l’action du premier en ne s’associant pas à sa demande de bornage. Il faudra alors passer par une autorisation du président du tribunal et justifier d’une urgence pour passer outre son refus …


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement.

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