Responsabilité(s) du porteur de projet en cas d’évaluation environnementale.

Par Me Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste en droit de l'environnement. 


La responsabilité du porteur de projet ou du maître d’ouvrage en matière d’évaluation environnementale est un aspect central de la réglementation française, qui repose sur l’obligation de prévenir, de limiter et de compenser les impacts environnementaux liés à la réalisation de projets ou programmes. Cette responsabilité s'inscrit dans un cadre légal et administratif défini par le Code de l’environnement et les principes généraux du droit de l’environnement.

I - Obligations du porteur de projet

En tant que responsable principal, le porteur de projet (ou maître d’ouvrage) doit veiller à ce que toutes les étapes de l’évaluation environnementale soient respectées. Cela inclut plusieurs obligations spécifiques :

  1. Réalisation de l’étude d’impact :
    • Le maître d’ouvrage est tenu de financer et de faire réaliser une étude d’impact complète pour les projets qui y sont soumis, en analysant les effets directs, indirects, cumulatifs et potentiels sur l’environnement.
    • Cette étude doit être rédigée par un expert qualifié et comprendre des mesures d’évitement, de réduction ou de compensation des impacts négatifs.
  2. Information et consultation du public :
    • Le porteur de projet est également responsable de mettre en consultation l’étude d’impact pour permettre aux citoyens, aux associations, et aux autres parties prenantes de donner leur avis.
    • Cette transparence fait partie des principes de démocratie environnementale imposés par le Code de l’environnement et les directives européennes.
  3. Respect des autorisations environnementales :
    • Avant de démarrer le projet, le maître d’ouvrage doit obtenir les autorisations nécessaires (permis de construire, autorisations de défrichement, etc.) en fonction des recommandations de l’évaluation environnementale.
    • Il doit se conformer aux décisions rendues par les autorités compétentes et respecter strictement les prescriptions de ces autorisations, sous peine de sanctions administratives et pénales.
  4. Suivi et reporting environnemental :
    • Une fois le projet en cours, le porteur de projet a l’obligation de suivre les impacts environnementaux réelset de s’assurer que les mesures prévues sont effectivement mises en œuvre et adaptées si besoin.
    • Ce suivi est souvent exigé par les autorités environnementales, notamment pour les projets ayant des impacts sensibles sur les écosystèmes ou les ressources naturelles.

II - Responsabilité en cas de manquement

Les obligations du porteur de projet s’accompagnent de sanctions en cas de non-respect des prescriptions issues de l’évaluation environnementale. Ce régime de responsabilité vise à garantir l’efficacité de la démarche et la protection de l’environnement :

  1. Responsabilité administrative :
    • Les autorités administratives peuvent suspendre ou retirer l’autorisation d’un projet si le maître d’ouvrage ne respecte pas les engagements ou les conditions imposées par l’étude d’impact.
    • Des amendes administratives peuvent également être prononcées, ainsi que l’obligation de remise en état du site en cas de dommages environnementaux.
  2. Responsabilité pénale :
    • Dans le cas d’infractions graves aux règles environnementales, le porteur de projet peut être poursuivi pénalement pour délit de pollution ou de mise en danger de l’environnement.
    • Par exemple, la réalisation d’un projet sans étude d’impact ou sans autorisation requise peut entraîner des sanctions pénales (amendes, voire peines de prison en cas de dommages importants).
  3. Responsabilité civile :
    • Les tiers affectés par les impacts environnementaux (riverains, associations, collectivités) peuvent engager la responsabilité civile du maître d’ouvrage pour obtenir réparation des préjudices subis, notamment en cas de trouble anormal du voisinage ou de préjudice écologique.
    • Dans ces actions civiles, les dommages-intérêts peuvent inclure des réparations pour la dégradation de la qualité de vie, la perte de biodiversité, et autres impacts négatifs causés par le projet.

III - Mise en oeuvre par les tribunaux

Les tribunaux français, notamment le Conseil d’État et les juridictions administratives, se sont prononcés à plusieurs reprises sur la responsabilité des porteurs de projets en matière environnementale. Par exemple :

  • Le principe de précaution, reconnu par la Charte de l’environnement et la jurisprudence, impose aux porteurs de projets de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter des impacts significatifs sur l’environnement.
  • Le préjudice écologique : Depuis la loi du 8 août 2016 sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, le préjudice écologique est une notion reconnue en droit français, permettant d’engager la responsabilité du maître d’ouvrage pour réparer les atteintes graves et durables à l’environnement.

Voici quelques exemples de décisions du juge administratif qui illustrent comment l’avis de l’autorité environnementale influence les jugements :


  • CAA Marseille, arrêt du 15 mars 2012 : Dans une affaire concernant un lotissement, la cour a annulé l'autorisation de projet en raison d'une évaluation environnementale qui n’avait pas correctement analysé les effets sur les zones humides avoisinantes, une insuffisance relevée dans l’avis de l’autorité environnementale.


Conclusion

La responsabilité du porteur de projet en matière d’évaluation environnementale est donc lourde et multiforme. En plus des aspects administratifs et juridiques, cette responsabilité engage le maître d’ouvrage à garantir la protection de l’environnement à chaque étape, de la planification à la réalisation, tout en prévoyant des mesures de suivi et de correction en cas de dérive.


Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement.



© Cabinet de Me Gimalac Avocat - Paris, Lyon, Cannes, Grasse - IDF et French Riviera  - 2024