Par Laurent GIMALAC, Avocat spécialiste et docteur en droit.
Cette servitude interdit au propriétaire du fond servant de bâtir, ou de surélever, un immeuble au-delà d’une certaine hauteur afin de sauvegarder les intérêts du propriétaire du fond dominant et lui éviter une perte de vue, ou d’ensoleillement.
Les servitudes sont régies par le code civil, et notamment l’article 701, lequel dispose:
"Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode.
Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée".
La règle est rigoureuse mais comment peut-on la sanctionner concrètement si elle est méconnue par l’un des voisins qui a construit un ouvrage qui méconnait la règle de heuteur sur son propre terrain alors qu’il n’avait pas le droit de le faire ?
La jurisprudence apporte une réponse claire qui a le mérite de l’efficacité : elle prescrit la démolition de l’ouvrage litigieux.
C’est la solution retenue par la Cour de cassation, notamment dans une affaire jugée en 1995 (Cour de cassation - Troisième chambre civile, 19 juillet 1995 / n° 93-17.134) :
"Attendu que, pour rejeter la demande des époux Y... en démolition de la partie d'une construction édifiée par les époux X... en contravention à une servitude non aedificandi, l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 1993) retient que la démolition ne peut être prescrite lorsque la construction a été édifiée par un propriétaire sur son propre terrain, fût-ce en méconnaissance d'une servitude non aedificandi, et que, à défaut d'avoir engagé une action possessoire dans l'année du trouble, le propriétaire du fonds dominant ne peut prétendre qu'à des dommages-intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la démolition est la sanction d'un droit réel transgressé, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une action possessoire, a violé le texte susvisé ».
La solution a été rappelée à plusieurs reprises avec la même sévérité, notamment en 2003 (Cour de cassation - Troisième chambre civile 17 décembre 2003 / n° 02-10.300) :
"La démolition est la sanction d'un droit réel transgressé. Viole les dispositions de l'article 701 du Code civil la cour d'appel qui refuse d'ordonner la démolition d'une construction édifiée en violation d'une servitude en retenant qu'il faut tenir compte de la gravité des conséquences de cette mesure et que la demande subsidiaire en dommages-intérêts élargit ses pouvoirs".
L’invocabilité du principe de proportionnalité dans ce domaine ne paraît pas devoir infléchir cette jurispudence et il n’est pas pas nécessaire de justifier d’un préjudice.
Ainsi les juges rapellent que la seule sifficulté d’exécution ne justifie pas de transformer cette sanction en un versement de dommages intérêts par exemple (Voy. Cour d'appel de d'Aix-en-PROVENCE - ch. 15 A 23 octobre 2015 / n° 13/18339) :
"Attendu que la difficulté sur le plan technique de l'opération de < démolition > partielle telle qu'elle est définie précisément par l'arrêt du 9 janvier 2006, est certaine ;
mais que les correspondances des professionnels mandatés par la SCA LA FAVORITE dès 2007 qui s'en font l'écho (ses pièces n°5 et 6) ne font pas apparaître de difficultés insurmontables puisque les études de structures en étaient alors au stade d'un avant projet, et qu'il n'est pas démontré qu'une expertise était nécessaire ».
Il convient donc de vérifier sur son titre de propriété, si la parcelle n’est pas affectée d’une telle servitude, car même si un permis de construire a été délivré, cela n’interdit pas ensuite le propriétaire du fonds dominant de solliciter la démolition de l’ouvrage qiui méconnait la servitude.
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit privé,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement.