La responsabilité du copropriétaire ayant construit une véranda sur un toit-terrasse : une analyse approfondie des fondements juridiques et des décisions jurisprudentielles


Par Me Laurent Gimalac, Avocat spécialiste et docteur en droit privé.



La construction d'une véranda sur un toit-terrasse, partie commune à jouissance privative, par un copropriétaire peut engendrer de nombreux litiges, en particulier lorsque des dommages surviennent, tels que des infiltrations d'eau dans les lots situés en dessous. Le partage des responsabilités entre le copropriétaire auteur des travaux et le syndicat des copropriétaires (SDC) dépend principalement de la cause des dommages, des obligations d’entretien des parties communes, et des éventuels manquements aux règles de copropriété.

I. La responsabilité du copropriétaire ayant réalisé les travaux

La responsabilité du copropriétaire ayant effectué des travaux sur un toit-terrasse à jouissance privative est systématiquement engagée lorsque ces travaux causent des dommages aux autres copropriétaires. L'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 impose à chaque copropriétaire de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires. En conséquence, le copropriétaire qui construit une véranda et provoque des infiltrations d'eau dans les lots situés en dessous peut voir sa responsabilité délictuelle engagée sur le fondement de l'article 1240 du Code civil (anciennement article 1382).

La jurisprudence de la Cour de cassation est claire à ce sujet. Dans un arrêt récent (Cass. 3e civ., 26 janvier 2022, n° 20-23.614), un copropriétaire a été tenu responsable des infiltrations causées par une terrasse à jouissance privative, à la suite de travaux réalisés par un autre copropriétaire. La Cour a cassé la décision de la cour d'appel qui avait rejeté la demande dirigée contre le copropriétaire fautif au motif que l'action aurait dû être intentée contre le SDC. Cet arrêt rappelle que la responsabilité du SDC n’est pas exclusive de celle du copropriétaire, surtout si les dommages proviennent de travaux affectant la structure même du toit-terrasse.

II. La responsabilité du syndicat des copropriétaires

En parallèle, la responsabilité du SDC peut également être engagée en raison de ses obligations d’entretien des parties communes, même à jouissance privative. L’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 précise que le SDC est responsable de la bonne gestion et de l’entretien des parties communes. Toutefois, cette responsabilité peut être limitée, voire exclue, si le SDC démontre que les infiltrations résultent uniquement des travaux du copropriétaire.

La Cour de cassation a confirmé, dans plusieurs arrêts, que la responsabilité du SDC peut être engagée pour défaut d’entretien d’une terrasse à jouissance privative. Ainsi, dans l’arrêt Cass. 3e civ., 26 mai 1983, n° 82-11.064, le syndicat a été condamné pour des dommages causés par un défaut d’entretien de la toiture-terrasse, alors même que la terrasse était à jouissance privative. De plus, la Cour a précisé que le syndicat pouvait être tenu responsable pour les dommages résultant d'une négligence dans l’entretien des canalisations d’évacuation d’eaux pluviales qui traversent les parties communes.

Cependant, il convient de distinguer les travaux affectant la surface du toit-terrasse (ex. : revêtement ou étanchéité) de ceux relevant du gros œuvre. Selon l’arrêt CA Paris, 23e ch., 29 avr. 1994, les premiers travaux incombent au copropriétaire jouissant de la terrasse, tandis que les seconds relèvent du SDC. Cela signifie que si les infiltrations résultent d'un problème d'étanchéité affectant la structure du bâtiment, le SDC pourrait être partiellement responsable.

III. Le partage des responsabilités entre copropriétaire et SDC

La question du partage des responsabilités entre le copropriétaire ayant réalisé des travaux et le SDC dépend de la cause exacte des dommages. Lorsque les infiltrations sont exclusivement liées à un défaut d’entretien du toit-terrasse (ex. : problème d’étanchéité non causé par les travaux), le SDC est tenu d'assumer la responsabilité. En revanche, si les infiltrations sont causées par des travaux réalisés sans autorisation ou en violation des règles de la copropriété, la responsabilité du copropriétaire sera engagée.

Un arrêt de principe, Cass. 3e civ., 30 juin 1992, n° 90-17.640, souligne que le SDC ne saurait être tenu responsable des conséquences de travaux effectués par un copropriétaire sur une partie commune à jouissance privative, si ces travaux ont été réalisés sans autorisation préalable de l’assemblée générale ou s’ils ont été mal exécutés. De plus, cet arrêt rappelle que les copropriétaires doivent respecter les obligations de signalement et d’obtention des autorisations avant d’entreprendre tout travail modifiant la structure des parties communes.

IV. Les actions ouvertes au copropriétaire lésé

Le copropriétaire dont le lot est endommagé par des infiltrations a plusieurs recours à sa disposition :

  • Action contre le copropriétaire auteur des travaux : Il peut engager une action en responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1240 du Code civil pour trouble anormal de voisinage. Cette action est souvent admise lorsque les infiltrations sont directement causées par des travaux défectueux réalisés sur le toit-terrasse.
  • Action contre le SDC : Si les infiltrations proviennent d’un défaut d’entretien du toit-terrasse, le copropriétaire lésé peut engager une action en responsabilité contre le SDC pour manquement à ses obligations d’entretien, conformément à l’article 14 de la loi de 1965.

Dans certains cas, le copropriétaire lésé peut également engager une action conjointe contre le SDC et le copropriétaire du dessus. Le juge tranchera alors sur la répartition des responsabilités en fonction des preuves apportées par chaque partie.

Conclusion

La construction d'une véranda sur un toit-terrasse entraîne un risque important de contentieux si ces travaux causent des infiltrations dans les lots situés en dessous. Le copropriétaire ayant réalisé les travaux est généralement responsable des dommages causés, mais le syndicat des copropriétaires peut également voir sa responsabilité engagée en cas de défaut d’entretien du toit-terrasse. La jurisprudence, notamment les arrêts Cass. 3e civ., 26 janvier 2022, n° 20-23.614 et Cass. 3e civ., 30 juin 1992, n° 90-17.640, offre un cadre clair permettant de déterminer les conditions dans lesquelles ces responsabilités peuvent se partager.

Pour minimiser sa responsabilité, le SDC devra démontrer que les infiltrations résultent exclusivement des travaux effectués par le copropriétaire, tandis que ce dernier devra prouver qu'il a respecté toutes les obligations liées à l'obtention des autorisations nécessaires avant d'entreprendre les travaux.


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