Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement.
Par une série de décisions prises lors de l’été 2021, le juge administratif a clairement fait évoluer sa jurisprudence en prenant en compte les nuisances subies par les riverains des survols d’hélicoptères.
Saisi par un propriétaire privé, domicilié près de presqu’île de Saint-Tropez la juridiction administrative de Toulon, a pour la première fois, non seulement annulé les arrêtés de survol pris par la préfecture de Toulon, mais également interdit provisoirement, le survol des hélicoptères sur les propriétés du requérant.
Rappelons qu’il existe plusieurs Hélisurfaces dans ce secteur et qui ont pour caractéristique, d’être soumise à un régime beaucoup plus souple que les héliports end maison du fait qu’il ne s’agit pas - a priori - de structures permanentes (ce qu’elles sont devenues en pratique).
À tel point que les exploitants de ces dernières, faisaient tout et n’importe quoi, et que les propriétaires ont pu faire constater un ensemble de nuisances devenues insupportables.
C’est le préfet du Var, assisté du sous-préfet, qui avait jusqu’à présent pour fonction de réglementer le survol et l’utilisation des hélisurfaces.
Mais manifestement cela restait insuffisant. Non seulement, le nombre de vol autorisé était trop important, mais le quota était régulièrement pulvérisé par les exploitants.
Par une ordonnance en date du 3 août 2021, le juge des référés de Toulon a décidé de suspendre l’arrêté du 9 juillet 2021 pris par Monsieur le préfet. Il a estimé en effet, que ce dernier n’avait pas reçu compétence dans ce domaine et que seul le ministre aurait pu réglementée le trafic local. La compétence du préfet pouvait se limiter uniquement, à la fermeture provisoire des exploitations des Hélisurfaces. En aucun cas il ne pouvait déterminer des quotas.
Ainsi, le juge a rappelé qu'aux termes de l’article 7 de l’arrêté du 6 mai 1995 relatif aux aérodromes et autres emplacements utilisés par les hélicoptères :
« La création d'hélistations spécialement destinées au transport public à la demande peut être autorisée par arrêté du préfet ou par arrêté du préfet maritime de la région maritime concernée. » A ceux de l’article 11 de l’arrêté du 6 mai 1995 : « Les hélisurfaces sont des aires non nécessairement aménagées qui ne peuvent être utilisées qu'à titre occasionnel. Le caractère occasionnel d'utilisation d'une hélisurface résulte : Soit de l'existence de mouvements peu nombreux. Dans ce cas, les deux limitations suivantes devront être respectées :
- le nombre de mouvements annuel inférieur à 200 ;
- et le nombre de mouvements journalier inférieur à 20, (un atterrissage et un décollage constituant deux mouvements) ... En outre, l'utilisation d'une hélisurface par un pilote ou un utilisateur donné peut être interdite par le préfet ou le préfet maritime : S'il en résulte des nuisances phoniques ayant porté une atteinte grave à la tranquillité du voisinage ; S'il en a été fait un usage incompatible avec le caractère occasionnel de l’hélisurface ; dans ce dernier cas, l'interdiction ne fait pas obstacle à la demande de création d'une hélistation sur l'emplacement considéré. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir de police spéciale de la navigation aérienne des hélicoptères est confié principalement au premier ministre et au ministre chargé de l’aviation civile par habilitation et que le préfet ne détient qu’un pouvoir de police résiduel. "
C’était le premier coup de boutoir porté à l’encontre d'une situation réglementaire qui ne protégeait personne.
Mais la décision sans doute la plus importante par ses conséquences, est l’ordonnance du juge des référés liberté du 13 août 2021 qui va beaucoup plus loin en raison de ses prérogatives et de sa compétence, et qui enjoint au préfet du Var d’interdire provisoirement l’utilisation des hélisurfaces à tout pilote utilisateur concerné sous un délai de 48 heures.
Le préfet du Var s’est exécuté, et ordonné cette fermeture provisoire. La source principale des nuisances a donc été tarie, jusqu’à ce que le ministre prenne une réglementation adéquate.
Cette affaire démontre qu'avec de la pugnacité, il est possible même pour un propriétaire individuel, d’obtenir satisfaction et de permettre une amélioration de la réglementation existante sur le trafic des hélicoptères.
Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,
Avocat spécialiste en droit de l’environnement.