Recouvrement de créances et injonction de payer : les pièges à éviter pour le créancier poursuivant.

Par Me Laurent Gimalac, Avocat, Ancien Professeur à l’ISEM (ESMOD Paris) et à SUP DE LUXE (Groupe EDC, Paris).


L’injonction de payer est une procédure simplifiée pour le recouvrement des créances civiles ou commerciales ayant un caractère statutaire ou contractuel et qui peuvent être déterminées dans leur montant.

Bien que « simplifiée » par rapport à une procédure de droit commun, l’injonction de payer comporte néanmoins quelques pièges qu’il faut connaitre pour en maitriser le maniement.


I - Saisir la bonne juridiction en fonction du type de créance et du domicile du débiteur 


La demande d’injonction est déposée auprès de la juridiction compétente : président du tribunal d’instance ou tribunal de commerce selon la nature de la créance. au delà d’un certain montant (10.000 euros) c’est le président du tribunal de grande instance qui sera compétent pour les créances civiles.

Il est possible de demander en sus de la créance principale, le paiement de la clause pénale prévue dans le contrat.

Enfin, le créancier devra saisir le tribunal du domicile du défendeur (donc de son débiteur) sinon sa demande sera rejetée.

Ajoutons qu’il existe désormais une procédure européenne d’injonction de payer qui permet au créancier d’engager cette procédure même pour le recouvrement d’une dette contractée par un étranger (résident de l’Union européenne). 

Dans ce cas, « si la créance se rapporte à un contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle et si le défendeur est le consommateur, la compétence appartient aux seules juridictions de l’État membre où le défendeur a son domicile, au sens de l’article 59 du règlement [CE] no 44/2001 ».

Dans les autres cas, la règle ne sera pas la même : en matière immobilière, en vertu de l’article 22 du règlement Bruxelles I, la juridiction du lieu de situation de l’immeuble sera compétente.



II - Une ordonnance qui ne produit dans un premier temps que des effets limités 


Par application de l’alinéa 1er de l’article 1407 du code de procédure civile, la demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire. 

Certaines mentions portées sur la requête sont obligataires : les noms, prénoms, professions et domiciles des créancier et débiteur ou, pour les personnes morales, de leur forme, dénomination et siège social, du fondement de la créance.

La requête doit être datée et signée. 

La requête peut être envoyée par lettre simple mais il est préférable de l’envoyer en recommandé ou de la déposer directement au greffe pour éviter tout risque d’égarement.

La procédure n’est pas contradictoire dans un premier temps .

Le juge apprécie la pertinence de la requête en s’appuyant sur les pièces jointes au dossier : titre de créance, contrat, courriers échangés

Il peut rendre une ordonnance portant sur la totalité de la créance, ou une partie seulement. Il peut aussi rejeter la requête si elle est mal fondée. Cette décision, qui n’a pas autorité de la chose jugée, est sans recours pour le créancier. Mais ce dernier pourra alors saisir la juridiction de droit commun pour engager sa procédure en paiement.

La signature de l'ordonnance d'injonction de payer par le président et par le greffier, est exigée conformément aux dispositions générales de l'article 456 et de l'article 454 (Civ. 2e, 6 avr. 1987, Bull. civ. II, no 84) sous peine de nullité.

Une fois rendue l’ordonnance doit être obligatoirement signifiée par un huissier de justice pour être rendue opposable au débiteur. Il faut prendre garde à respecter le délai de six mois au delà duquel l’ordonnance deviendra caduque.

Par ailleurs, la signification doit être faite à la personne du débiteur. Si ce dernier est décédé, la signification à son adresse ne suffira pas, il faudra signifier également aux héritiers pour leur rendre opposable l’ordonnance.

L’acte de signification doit faire sommation au débiteur de payer au créancier le montant de la somme fixée par l’ordonnance, ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé (attention, ces mentions sont prescrites à peine de nullité, selon le CPC, art. 1413 : en ce sens, Versailles, 21 mai 1999, Rev. huiss. 2000. 119).


III - Un délai bref pour obtenir la formule exécutoire en cas d’absence d’opposition du débiteur


Le débiteur dispose d’un délai de deux mois pour former opposition auprès de la juridiction compétente. 

S’il ne le fait pas, l’ordonnance devient alors un véritable titre exécutoire comme le serait un jugement définitif.

 Il suffira alors d’obtenir du juge qu’il porte sur l’ordonnance la formule exécutoire et ensuite de la porter à l’huissier pour qu’il obtienne l’exécution forcée auprès du débiteur.

Mais le délai est très bref : seulement un mois…

Si le créancier dépasse ce délai légal, il ne pourra plus obtenir la formule exécutoire !

Si le débiteur forme opposition par lettre recommandée, la procédure ordinaire est alors suivie.

Cette lettre doit être adressée au greffe de la juridiction et non pas à l’huissier qui a signifié l’ordonnance.

Suivant l’article 1415 du code de procédure civile, l’opposition est portée devant la juridiction dont le juge ou le président a rendu l’ordonnance portant injonction et devant eux seuls. 

Le débiteur qui forme opposition est celui à qui l’ordonnance a été signifiée (Civ. 2e, 6 oct. 1976, Bull. civ. II, no 270) et non de pas son épouse qui n’est pas partie à l’injonction par exemple (Civ. 2e, 4 mars 2004, no 02-12.723).

Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience.

Par application de l’article 1418 du code de procédure civile, devant le tribunal d’instance, la juridiction de proximité et le tribunal de commerce, le greffier doit convoquer les parties à l’audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Puis un jugement sera rendu qui soit confortera les droits du créancier, soit le déboutera de ses demandes.

L’aide d’un avocat peut alors être précieuse, car les parties ne maitrisent pas nécessairement les subtilités de la procédure.

En effet, le débiteur pourra invoquer des moyens de forme ou de fond pour contester l’ordonnance.

Comme par exemple la saisine d’une juridiction incompétente, l’absence de signature de l’ordonnance par le greffier ou le magistrat, ou encore le défaut du nom du magistrat qui a rendu la décision.

Il pourra également solliciter des délais de paiement. Une telle demande suffit à justifier l’opposition à injonction même si dans son principe, la créance n’est pas contestée.

Si aucune des parties ne comparaît devant le tribunal d’instance, la juridiction de proximité ou le tribunal de commerce, la juridiction constate l’extinction de l’instance. Il est donc essentiel pour le créancier de se déplacer ou de se faire représenter par un avocat pour éviter de perdre le bénéfice de son action.

Si c’est le débiteur en revanche qui ne fait pas le déplacement, même s’il a déposé son dossier, le tribunal ne pourra pas faire droit à son opposition.

Si les parties comparaissent toutes les deux, un débat contradictoire aura lieu suivant les règles de procédure applicables devant la juridiction saisie.

En sa qualité de demandeur, le poursuivant voit donc peser sur lui la charge de la preuve (Com. 18 juin 1991, no 88-17.011   , Bull. civ. IV, no 228). Le créancier ne devra donc pas considérer que le travail a été fait et que c’est à la partie défenderesse qu’il revient de prouver que la créance est contestable… Il doit venir avec un vrai dossier, des pièces justificatives de sa créance…










© Cabinet de Me Gimalac Avocat - Paris, Lyon, Cannes, Grasse - IDF et French Riviera  - 2020