Nuisances à proximité d’un cours d’eau privé ou domanial. 

Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement. 


La proximité d’un cours d’eau peut générer des nuisances comme le passage de promeneurs, ou de leurs animaux… Il se peut également que les promeneurs en profitent pour se balader sur le lit de la rivière sur la berge de la propriété privée, ce qui n’est guère agréable pour la préservation de son intimité.


Pour autant est-il possible pour le propriétaire du terrain adjacent, de prendre des mesures coercitives et d’interdire le passage ou la baignade dans ce cours d’eau ?


1° / les droits liés à la propriété 


il faut relire l’article 98 du code rural a qui précise que le lit d’un cours d’eau privé appartient au propriétaire du terrain sur lequel il passe. Si les deux rives du cours d’eau appartiennent à des 2 propriétaires différents, chacun d'eux à la propriété de la moitié du lit. Une autre répartition reste possible par un accord écrit. 


Le propriétaire en contrepartie a la possibilité d’user de l’eau qui s'écoule. Ce droit d’usage ces temps de l’irrigation de la propriété  (voir l’article 644 du Code civil).


Il doit supporter également l’existence d’une servitude d’appui. Tout propriétaire qui veut se servir de l'eau peut obtenir du propriétaire de la rive opposée, l’autorisation d’y appuyer les différents ouvrages nécessaires à la prise d'eau. Ceci est prévu par l’article L. 152-17 du code rural .


En qualité de propriétaire d’un cours d’eau privé, vous n’avez aucune obligation de droit de passage le long des berges. Et vous êtes même en droit d’en interdire l’accès par une clôture. 


En revanche il ne sera pas possible de s’opposer au passage des bateaux ou à la baignade dans le cours le cours d’eau lui-même. Les bateaux et les nageurs n’auront cependant pas le droit d’accoster sur la berge sans l’autorisation du propriétaire. Il est possible d’interdire les pêcheurs de s'installer sur la berge, mais pas de les empêcher de stationner sur la partie du cours d’eau qui est situé en face de votre propriété.


Bien évidemment, il en serait autrement si la propriété était traversée par un cours d’eau domanial. Dans ce cas, il faut nécessairement laisser un droit de passage d’une largeur de 3,25 m sur chaque rive. On appelle cela une servitude de marchepied et qui est réservée strictement aux piétons.Cette servitude depuis le 13 février 2002, ne concerne plus l’ensemble des cours d’eaux domaniaux, mais uniquement certaines qui sont listées dans une nomenclature. 


2°/ La poursuite des troubles excessifs du voisinage 


Indépendamment de ces règles permettant de restreindre plus ou moins le droit de passage des piétons, il existe aussi des dispositions limitant les bruits de comportement.

Ces bruits sont par exemple :

- Les cris d’animaux et principalement les aboiements de chiens ;

- Les appareils de diffusion du son et de la musique ;

- Les outils de bricolage et de jardinage ;

- Les appareils électroniques ;

- Les jeux bruyants pratiqués dans des lieux inadaptés ;

- Les pétards et pièces d’artifice ;

- Les activités occasionnelles, fêtes familiales, travaux de réparation ;

- Certains équipements fixes domestiques (non liés à une activité professionnelle) : ventilateurs, climatiseurs, pompes à chaleur. 

Ils  peuvent être sanctionnés dès lors qu’ils sont répétitifs, intenses ou qu'ils durent dans le temps. Lorsque qu’ils sont commis la nuit, il s’agit alors de tapage nocturne.


Leur constat par des agents assermentés n’exige aucune mesure acoustique : une constatation auditive suffit. Mais pour déterminer s'il y a un trouble anormal de voisinage ou non, les agents se référeront à la notion de « trouble excessif ».


C’est d’ailleurs ce terme est utilisé par l’article L. 571-1 du code de l’environnement lequel dispose : "Les dispositions du présent chapitre ont pour objet, dans les domaines où il n'y est pas pourvu, de prévenir, supprimer ou limiter la pollution sonore, soit l'émission ou la propagation des bruits ou des vibrations de nature à présenter des dangers, à causer un trouble excessif aux personnes, à nuire à leur santé ou à porter atteinte à l’environnement ».


Le maire est l’autorité de police locale et intervient pour maintenir la tranquillité publique puisqu’il doit prendre "2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; » (Article 2212-2 du code général des collectivités territoriales).


Une répression pénale de ces nuisances et possible sous certaines conditions : "Les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d'autrui sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 3e classeLes personnes coupables des contraventions prévues au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction. Le fait de faciliter sciemment, par aide ou assistance, la préparation ou la consommation des contraventions prévues au présent article est puni des mêmes peines» (Article R623-2 du code pénal).


En ce qui concerne les litiges relevant du droit privé et des conflits de voisinage (hors délit), la loi du 18 novembre 2016 sur la modernisation de la justice a prévu un préalable indispensable : "Lorsque la demande tend au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou est relative à un conflit de voisinage ou à un trouble anormal de voisinage, la saisine du tribunal judiciaire doit, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation, telle que définie à l'article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, ou d'une tentative de procédure participative ».

Ainsi la saisine directe du tribunal n’est plus possible mais doit succéder à une tentative de médiation ou de conciliation préalable.





Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement.

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