Déplacement de l’assiette de la servitude de passage : faut-il l’autorisation du tribunal ?


Par Me Laurent Gimalac, Docteur en droit, Avocat spécialiste en droit de l'environnement.


Dans le cadre du droit des servitudes, l'assiette fait référence à la zone de terrain sur laquelle s'exerce la servitude. Le déplacement de cette assiette peut être envisagé dans certains cas, notamment lorsque les propriétaires des terrains concernés sont d'accord pour modifier l'emplacement de la servitude existante.


Selon l'article 701 du Code civil français, le déplacement de l'assiette d'une servitude peut être effectué par un accord amiable entre les parties concernées. Cependant, si les propriétaires ne parviennent pas à un accord ou si le déplacement de l'assiette risque de causer un préjudice à l'une des parties, il peut être nécessaire de demander l'autorisation d'un juge.


Dans de tels cas, la procédure à suivre dépendra de la juridiction compétente. Généralement, il sera nécessaire de saisir le tribunal judiciaire du lieu de situation de la parcelle  (anciennement tribunal de grande instance) 


Pour qu'un juge accorde l'autorisation de déplacer l'assiette d'une servitude, plusieurs conditions doivent généralement être remplies. Voici quelques éléments importants à prendre en compte :


1. Consentement des parties : Dans la plupart des cas, le consentement des propriétaires des terrains concernés est nécessaire pour déplacer l'assiette d'une servitude. Toutes les parties impliquées doivent être d'accord pour modifier l'emplacement de la servitude existante mais le juge peut toutefois accorder une autorisation même sans l’accord du voisin si les conditions suivantes sont remplies.

2. Préjudice évité ou compensé : Le déplacement de l'assiette de la servitude ne doit pas causer de préjudice excessif à l'une des parties. Si le déplacement risque de causer un dommage important à l'une des propriétés ou d'entraver l'exercice de droits légitimes, le juge peut refuser l'autorisation.

3. Équilibre des intérêts : Le juge examinera attentivement les intérêts en présence pour déterminer si le déplacement de l'assiette de la servitude est équitable et justifié. Il prendra en compte les droits et les intérêts des parties concernées, ainsi que les circonstances spécifiques de l'affaire.

4. Absence d'alternative raisonnable : Le juge peut tenir compte de l'existence d'alternatives raisonnables au déplacement de l'assiette de la servitude. Si d'autres solutions moins préjudiciables sont disponibles, le juge peut décider de ne pas accorder l'autorisation de déplacer l’assiette.


En principe une servitude de passage est établie de manière immémorial. Donc elle ne peut pas être modifiée sauf accord de toutes les parties intéressées.


La règle est appliquée avec une certaine rigueur par la cour de cassation qui a rappelé notamment dans un arrêt rendu en 2011 que le propriétaire d'un fonds bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage ne pouvait pas prescrire une assiette différente de celle convenue (Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes ch. civ., 1re ch. B 10-11-2009 Cassation). La Cour de cassation rappelle incidemment que propriétaire du fonds servant doit donc s’assurer de l’accord préalable du propriétaire du fonds diminuant ou d'une autorisation judiciaire.



© Cabinet de Me Gimalac Avocat - Paris, Lyon, Cannes, Grasse - IDF et French Riviera  - 2024