L'aspect architectural d’un projet immobilier : motif ou pas d’annulation d’un permis de construire ?

Par Me Laurent GIMALAC, Docteur en droit et Avocat spécialiste en droit de l'environnement. 


L’aspect architectural d’un projet immobilier n’est pas un élément anodin quand il s’agit d’édifier un nouvel immeuble dans un petit village soucieux de l’harmonie de ses constructions.  

Rappelons en effet que selon l'art. R. 111-27 du CU, « le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales».

Pour autant, ce moyen essentiellement esthétique peut-il permettre aux voisins de faire annuler un permis de construire délivré par une Commune ? La jurisprudence se montre prudente mais admet que ce moyen puisse être indiqué dans des situations bien précises.


I - LE PROJET EST INCLUS OU PROCHE DU PÉRIMÈTRE D’UN SITE INSCRIT


Il existe des exemples d’annulation de permis de construire lorsque le projet est inclus dans un site protéger comme par exemple un grand site boisé classé.

Ainsi est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’atteinte portée au caractère et à l’intérêt des lieux avoisinants l’autorisation de construction, 


«  dans un parc inclus dans un site inscrit boisé d’une superficie de 118.502 m2 et jouxtant un site classé, de 10 bâtiments de 3 à 4 étages d’une surface hors oeuvre nette de 51.500 m2, compte tenu du volume, de l’aspect extérieur, de la configuration, de la surface de ces constructions et de leur insertion dans leur environnement » (Cour administrative d’appel de Paris 10 février 1994 – Lebon 1994).


Il a été jugé de même dans la région niçoise pour un projet qui dégradait la bande côtière et l’harmonie des paysages (Conseil d’Etat 29 juin 1983 – Lebon 1983) :


"La réalisation de deux immeubles comportant 147 logements sur un terrain de 16.000 m2 environ en forte déclivité situé à Nice entre la route nationale 559 dite Corniche inférieure et la forêt domaniale du Mont-Boron aurait, en raison des dimensions du projet présenté, du parti architectural retenu et de la difficulté de concilier un aménagement paysager en bordure de la route nationale avec les contraintes liées à la sécurité de la circulation routière et à la commodité de l'accès à cette propriété, contribué de manière notable à la détérioration de l'harmonie du paysage de la bande côtière surplombée par la forêt du Mont-Boron qui, au surplus, fait partie d'un site inscrit à l'inventaire. Ainsi le permis délivré reposait sur une erreur manifeste dans l’appréciation du caractère et de l'intérêt des lieux avoisinants à laquelle doit se livrer l'autorité administrative en vertu de l'article R.111-1 du code de l'urbanisme, applicable même dans un territoire doté d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé"



II - LE PROJET PORTE ATTEINTE A L’INTÉRÊT DU PAYSAGE DU FRONT DE MER


Un projet situé en front de mer doit respecter l’harmonie et le style existant des bâtiment lorsque celui-ci est typique et traditionnel.


"Considérant que, pour rejeter la demande de la SOCIETE ABIL et de M. CHARBONNEAU tendant à faire reconnaître la conformité de leur projet de construction d’un immeuble de 5 étages avec les prescriptions architecturales du plan d’occupation des sols de la commune des Sables-d’Olonne, la cour administrative d’appel de Nantes a relevé que celui-ci devait être édifié à la place d'une maison traditionnelle de style «balnéaire » de 2 étages incluse dans un groupe de 6 maisons de même style et que, si cette partie du front de mer comportait également des immeubles contemporains d'une hauteur comparable à celle de l'immeuble prévu et si l'aspect extérieur de ce dernier s'inspirait du style « balnéaire », le maire n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'en raison tant de ses dimensions que de sa situation, le projet portait atteinte au caractère du paysage urbain environnant ; que, par suite, la cour qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments des requérants n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation" (Conseil d'Etat 27 septembre 1999 – Lebon 1999).


III - LE PROJET NE BÉNÉFICIE PAS DUNE DÉROGATION MOTIVÉE PAR LINTÉRÊT GÉNÉRAL


Suivant l'Art. R. 111-19 du CU,  des dérogations aux règles édictées aux articles R. 111-15 à R. 111-18 peuvent être accordées par décision motivée de l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3, après avis du maire de la commune lorsque celui-ci n’est pas l’autorité compétente.


Elles ne sont cependant accordées que si les atteintes qu’elle porte à l’intérêt général que les prescriptions d’urbanisme ont pour objet de protéger ne sont pas excessives eu égard à l’intérêt général que présente la dérogation (contrôle dit du «bilan coût-avantage», CE 16 déc. 1977, Min. Équip. c/ Cluzeau: Lebon 509).




Me Laurent Gimalac, Docteur en droit de l’environnement,

Avocat spécialiste en droit de l’environnement (Paris et Côte d’azur).


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