Classement dans le nouveau PLU d’un terrain en Zone N ou Zone A inconstructible : modalités d’un recours en annulation.


L’adoption récente des nouveaux PLU par les Communes a induit des conséquences sur la constructibilité de certains terrains. 

Un classement en Zone N interdit toute nouvelle construction et prive donc le propriétaire d’une éventuelle plus value à la revente. 

Un classement en Zone agricole (A), limite les possibilités de construire uniquement aux bâtiments à vocation agricole à l’exclusion de la seule habitation.

Les Commune sont  soumises à davantage de contraintes environnementales et doivent préserver les zones agricoles de l’urbanisme galopant,  développer des zones « vertes », des corridors écologiques etc. Il peut donc y avoir un conflit entre l’intérêt privé et l’intérêt public et logiquement ce dernier doit le plus souvent l’emporter. 

Pour autant la décision de classement est-elle insusceptible de recours par le particulier ? Et quel genre d’arguments doit-il présenter pour plaider sa cause ?


I - LES ETAPES DU CLASSEMENT EN ZONE INCONSTRUCTIBLE

Il est possible d’intervenir en amont avant la décision finale, en participant à l’enquête publique qui préfigure l’adoption du nouveau PLU.

Toute enquête doit en effet faire l’objet d’une publicité qui permet de consulter les documents importants auprès d’un commissaire enquêteur et de faire toutes observations notamment pour signaler son opposition au classement du terrain et les motifs de cette opposition (par exemple une erreur commise par l’administration etc.)

Le commissaire enquêteur va ensuite remettre aux autorités son rapport, lequel reprendra les différentes observations ainsi que son avis conforme, ou conforme avec réserves.

Le projet final est alors soumis au Conseil municipal qui l’adopte en le mettant au vote.

Puis la décision fait l’objet d’une publicité par affichage en Mairie et publication dans un journal.

C’est le point final de la procédure et le point de départ des recours gracieux et contentieux.



II - LES MODALITÉS DU RECOURS

Si la décision de classement du terrain en zone inconstructible a été entérinée par le Conseil municipal, le propriétaire malheureux dispose alors dans un délai de deux mois de 2 options :


- soit déposer un recours gracieux dans le délai de deux mois directement auprès du Maire,

- soit déposer directement un recours pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif dans le même délai.


Le point de départ du recours est la date d’affichage du nouveau PLU ou sa publication.


Bien évidemment, un délai aussi bref ne permet pas toujours au propriétaire d’exercer ses droits surtout s’il n’a pas participé à la phase en amont devant le commissaire enquêteur.


Qu’il se rassure, puisqu’il dispose aussi d’un recours subsidiaire par voie d’exception à l’occasion d’une décision de refus de permis de construire du maire de sa Commune. Le PLU ne sera pas annulé, mais il pourra obtenir que la décision de rejet de permis de construire soit anéantie par le tribunal au motif que le classement serait illégal.


Il convient toutefois de préciser que ce droit de recours est limité dans le temps également lorsqu’il s’agit de soulever un simple vice de forme dans l’élaboration du nouveau PLU (délai maximum de 6 mois).


III - LES MOYENS DU RECOURS

Un classement en zone naturelle ou zone agricole qui limite ou supprime les droits de construire du propriétaire de la parcelle, doit-être motivé et n’est donc pas discrétionnaire.

Le juge administratif veille ainsi à ce que cette motivation existe et soit cohérente avec la zone considérée :

« [il] appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; [ils] peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l’article R. 123-8, un secteur qu’ils entendent soustraire, pour l’avenir, à l’urbanisation ; » (Voir CE 25 sept. 2013,  Cne d’Ornaisons, n° 352616: AJDA 2013. 2526 ; voir aussi : CAA Lyon, 15 févr. 2011, n°09LY02118).


Le Conseil d’Etat peut considérer que les conditions ne sont pas remplies et annuler le classement en zone agricole :

« Il ressort des pièces du dossier et notamment des documents graphiques du PLU que la parcelle n° XXX d’une surface de 680 mètres carrés appartenant à M. et Mme B… se situe, à la différence de leur autre parcelle n° AAAA , à l’intérieur d’une partie urbanisée de la commune. Il n’est pas établi, ni même allégué, que cette parcelle qui supporte déjà une construction et ne faisait pas l’objet d’une exploitation agricole, présente un potentiel particulier pour un tel usage. Dans ces conditions, et alors même que la commune a entendu préserver la vocation agricole de la plaine de S…. environnant la parcelle en cause, le classement de cette parcelle en zone agricole est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. » (Voir CE, 4 mars 2016, n°384795).


La classement d’une ou plusieurs parcelles déjà bâties peut de la même manière faire l’objet d’un recours s’il existe d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de l’administration  :

« Une zone constituée de trois parcelles, toutes bâties et n’ayant pas de vocation viticole, précédemment classées en zone urbaine UD et figurant au schéma de cohérence territoriale en zone urbaine multifonctionnelle comme le secteur qui les enserre, ne peut sans erreur manifeste d’appréciation être reclassée en zone naturelle N, alors même qu’elle se situe dans le prolongement de parcelles viticoles appartenant à un cru classé et que la communauté urbaine entendrait préserver le paysage au voisinage des vignes".

(Voir CAA Bordeaux, 13BX03319 - 1ère chambre - 19 mars 2015 - SCI 290 COURS DU MARECHAL GALLIENI).


On constate que les erreurs ne sont pas rares et résultent parfois simplement de l’absence de prise en compte d’une séparation physique ou d’une haie (Voir CAA Lyon 14 oct. 2008, n° 07LY00737).


La jurisprudence exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Ainsi le classement d’un terrain agricole dans une zone naturelle est possible mais à la condition que la parcelle ait conservé un caractère naturel dominant ((TA Rennes, 18 mai 1988, no 85-1018, Pourdieu).


Inversement le classement en Zone naturelle de terrains desservis en voirie et réseau public, et voisins de nombreuses  constructions constitue une illégalité (CE, 29 déc. 1993, nos 125.720 et 127.338, Commune de Mallisard c/ M. Serret).


La Commune pourra néanmoins justifier certaines classements par des motifs tenant à la poursuite et l’extension de la zone d’urbanisation existante, ou encore pour tenir compte du risque incendie  (CE, 6 juin 2007, no 266656, Communauté urbaine Marseille-Provence Métropole, BJDU 2007, n° 2, p. 117). De même, un terrain qui pourrait avoir un usage agricole ne doit pas nécessairement échapper au classement en zone naturelle par principe. De même l’ancien classement de la parcelle en zone constructible n’interdit pas son classement en zone inconstructible.


Le requérant aura tout intérêt à monter un solide dossier avec son avocat pour démontrer que sa parcelle avait vocation à être constructible : présence des VRD, proximité d’autres habitations, des infrastructures routières etc.


Dès lors que le tribunal administratif aura annulé la disposition du PLU faisant grief, le requérant pourra alors de nouveau solliciter un permis de construire.



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